Paul

Elle parle                          

Je suis un homme qui ...

L'oubli


Mon absolu
  10 nov         Une lettre                    
Noir & blanc

Savoir lâcher

Elle parle...

Elle parle et moi je me dis ; j’écoute parce- que j’ai deux yeux, une petite bouche, un gros nez et deux grandes oreilles.

Deux oreilles si grandes que l’on ne peut les ignorer, deux oreilles si grandes à en devenir une invitation aux déballages de toutes sortes.

Deux grandes oreilles qui ont tant entendu, tant et tant ouï.

 

Je suis dans la cour d’un hôpital psychiatrique ; d’un H.P comme on dit ; assis sur un banc, elle, à côté de moi.

Elle parle et ne s’arrête plus de parler.

 

Elle parle et répète sans arrêt que maintenant qu’elle pense avoir empoisonné tous les habitants du village ; elle ne serait plus importunée,

Qu’elle se sentirait enfin en sécurité ; qu’il lui tarde de retourner chez elle et gare à qui la menacerait de nouveau.

Elle parle et moi j’ai peur.

 

Elle parle et les autres, ceux qui ont des petites oreilles, ceux qui pensent écouter et qui n’écoutent pas, ceux qui ignorent la force des propos de cette femme,

Ceux qui  lui offrent pour toutes réponses, des pilules, des perfusions, des électrochocs, mais en fait, ils la mutilent et donnent sa langue aux chats.

Elle parle et rien ne la retient.

 

Elle parle et soudain, je comprends sa vie, ses souffrances. L’indicible, sa maison qui brûle, son mari qui se transforme en torche humaine, ses enfants qui hurlent…de peur …de douleur.

Le silence qui à suivit, ses enfants, son mari se sont tus à jamais. Elle parle de son impuissance à sauver sa seule et unique famille.

Ces assassins ont mit à exécution  leurs menaces. Ces hommes sans dieux, ni maitre, ces lâches, ces salauds. Seules, la jalousie, la méchanceté nourrissent leurs cœurs incirconcis en toute impunité.

 Elle parle, elle hurle, elle implore la mort, elle rompt le silence…insoutenable à vivre pour elle. Elle remplit son silence de paroles.

 

Elle parle et je réalise qu’il est facile pour moi de pleurer…elle parle et je réalise que ses yeux sont secs, comme une source tarie d’avoir tout donné, d’avoir trop pleurée…

 

Elle parle et je ne l’entends  plus…ma soupape de sécurité c’est déclenchée… mon esprit s’est mit sur orbite…j’ai quitté la terre... Elle aussi…je la tiens par la main…

Nous sommes en état d’apesanteur…nous flottons bien au- dessus de l’hôpital…je lui lâche la main, je la vois légère et gracieuse…elle danse dans le ciel bleu azur, chaussée de demi-pointes roses… « Et  un et deux et trois… un pas en avant un pas en arrière…pas de deux…pas chassés…pas croisés…et un et deux et trois… ».

Elle danse et j’observe les mouvements de son corps, des ses lèvres…aucune parole ne sort de sa bouche en pleine stratosphère…le rythme de ses mouvements s’accentue …

Elle chantonne..sans rien entendre je reconnais sur sa bouche, l’ouverture d’un opéra de Richard Strauss : « ainsi parla Zarathoustra »…elle danse et elle tourne... Elle danse et elle tourbillonne ainsi … sans aucune notion du temps, de l’espace… elle s’arrête… puis la bouche grande ouverte, elle lâche un énorme cri…cri sans voix…cri de silence…son cri transperce l’espace sidéral…

Je l’observe…son cri se transforme en tableau, comme celui de Munch… insupportable souffrance si bien retranscrite…

 

Déconnexion interrompue…je reviens sur le banc…

 

Elle parle et vraiment je voudrais qu’elle se taise. Ma souffrance n’est rien à côté de la sienne.

 

Et puis elle part, mes oreilles se sont réfugiées à l’intérieur de mon crâne…saturation extrême…je veux fuir, m’évader, m’égarer, me perdre dans un désert de sable chaud…à la recherche d’un silence…

D’un silence absolu…le silence du désert… où comme il est dit… «  un lieu de silence où la parole divine fut révélée… »

 

                                                                     

                                                                                                                     Moïse…aide-moi…

                                                                                    

                                                                                                                          Paul Dahan                   mars 2009

 


Je suis un homme qui...


Je suis un homme qui pense souvent à toi…
Je suis un homme qui s’inquiète bien souvent…
Je suis un homme qui sait qu’il ne sait pas toujours…
Je suis un homme qui doute…
Je suis un homme qui sait qu’il sait aussi…
Je suis un homme sur un chemin …un chemin bien sinueux…
Je suis un homme qui aime…
Je suis un homme qui pleure aussi…
Je suis un homme qui a peur…
Je suis un homme qui a du courage aussi…
Je suis un homme qui chante bien trop faux à mon goût…
Je suis un homme qui aime bien découvrir…
Je suis un homme qui aime moins se découvrir…
Je suis un homme qui aime bien te dévêtir…
Je suis un homme qui n’aime pas quand tu as froid.

A un moment de ma vie, j’ai failli devenir photographe de guerre.
Un correspondant pour une agence photo ; genre, magnum ou gamma…
A l’époque j’habitais Tel-Aviv, en Israël. Passionné fou de photos ;
Je voulais en faire mon métier. Mon book avait intéressé une agence.
Ma mission  de l’époque ; était de me rendre au Liban ; où une nouvelle guerre (paix en Galilée) venait de commencer ; je devais couvrir l’événement pour cette agence…
Je renonçais à la proposition.
Est-ce par peur, par lâcheté ou par obéissance à l’écho de la voix de ma mère qui résonnait dans ma tête  .Elle disait « : Paulo… mon fils… n’y vas pas, n’y vas pas, sinon c’est moi qui vais mourir… »…
Comme j’aimais les vêtements, la mode ; que je venais de France avec de l’expérience dans le domaine ; je suis devenu étalagiste-décorateur .Ainsi j’exprimais mon savoir faire dans les plus belles boutiques de la plus belle avenue de  Tel-Aviv. Mon statut de photographe de presse s’était transformé en étalagiste-décorateur de mode.
Papa était fier.

5 - 6 ans fut pour moi et ma famille l’âge du grand changement…
Il y a eu cette traversée de la Méditerranée sur un paquebot baptisé le  «  ville d’Oran », du nom de la ville éponyme où je suis né.
Nous quittions l’Algérie de mes premières années ; meurtrie par «  les événements « comme j’entendais dire ; la presse minimisait les drames, les tragédies  d’une véritable guerre cruelle et injuste. L’Algérie proclama son indépendance cette année là.
Moi sur le bateau j’avais le mal de mer  et peur de cette traversée tumultueuse en direction du port de Marseille. La mer cette nuit là était déchainée.
Allongé sur un matelas de la cabine familiale ;  je me disais avant de m’endormir :
« Quand je serais grand je ne serais pas matelot ni capitaine de paquebot »…
Je m’imaginais être un héros comme dans mes feuilletons préférés télévisés de l’époque ; tel Zorro beau, fort, courageux ; vainqueur à chaque fois. Ou Thierry la fronde ou encore Ivanhoé sur son cheval blanc, son armure sa fierté, toujours vainqueur également…
Je voulais être un bel individu fier de ses actions ; être admiré de tous, être aimé par un nombre infini de jeunes et jolies filles… aider les pauvre aussi…tant qu’à faire.

J’aurais pu devenir un grand croyant devant l’eternel , la prière et l’étude sans limite…dans une foi ignorant le doute…du simple croyant…
J’aurais pu devenir plus sage, m’enfermer dans un monde ; tout autre ; où je ne t’aurais certainement pas rencontré, toi… et non pas une autre… celle que j’aime en ce jour… qui est toi… et non pas une autre...
J’aurais pu devenir  pêcheur devant l’éternel ; devenir un poète maudit à la senteur d’absinthe nourrie d’opium et de voyages colorés d’exotismes…
J’aurais pu déambuler dans les bordels de la ville, cuvant mon mauvais vin, entre tes gros seins, ma petite chienne… et la cambrure de tes reins, de tes fesses…jolie pupute de mes nuits de grand désespoir…
J’aurais pu devenir un autre que moi…mais certainement pas l’unique… part de toi… toi qui  pars de rien …qui  parle de rien … qui parle de moi…qui pars de toi…une part de moi…

Je n’aimerais pas un soir me retrouver devant l’âtre de la cheminée, voir se consumer des regrets d’une vie bien remplie.
Je suis un homme qui pense souvent à toi…
Je n’aimerais pas me dire,
« si  j’avais su, si je pouvais… »
Je suis un homme qui doute…
Je n’aimerais pas revoir nos albums photos, te répéter : « tu te souviens, comme c’était le bon temps.. »
Je suis un homme qui aime…
Je n’aimerais pas devenir aigri, dépourvu de curiosité, plaintif et grincheux.
Je suis un homme qui a peur aussi…
Je ne voudrais pas être dépendant, de toi, d’eux… de moi…oubliant l’humour, la générosité.
Je suis un homme qui s’inquiète bien souvent…
Je n’aimerais pas connaître la trop longue maladie, la déchéance physique et intellectuelle, la descente aux enfers.
Je suis un homme qui a du courage…
Je suis un homme qui chante bien trop faux à mon goût…
Je n’aimerais pas un jour ne plus t’aimer…
Je suis un homme qui aime bien te dévêtir…
Je suis un homme qui n’aime pas quand tu as froid…
                                                        PauL Dahan      Mars 2009

L'oubli

T’oublier… jusqu’à ton nom…tel était la charge que je m’étais infligé…

Détruire, briser, nos liens… nos attachements…enfouir nos souvenirs dans une encre opaque…une encre de Chine qui masquerait d’une façon indélébile…tes mots d’amour…

Mes malaises…mon refus de t’accepter…

 

Je me souviens de nos ballades à travers champs, le printemps venu. Nous gambadions comme des cabris insouciants… j’étais heureux…heureux comme d’être avec toi…Amour.

Tu m’apprenais les noms des fleurs : « narcisse, renoncule, pivoine… », moi je t’écoutais suavement…je m’imprégnais du parfum de ta peau…il était plus enivrant qu’un alcool de rose…Amour…

Puis tu t’es allongé sur un lit recouvert d’épis de blé…la lumière de fin d’après midi transformait ton corps  dénudé en un bijou d’or massif… comme j’ai aimé cette vision…

Puis  je t’ai rejoins… Amour… et j’ai rêvé avec toi… :

 

« Nous roulions un soir dans une voiture ; une Jaguar Type E 1965…je l’avais volée la veille,

moi qui n’avais jamais rien volé auparavant…ou peut-être une fois…il y a bien longtemps,

j’avais dérobé un franc ou deux dans le porte-monnaie de Maman…

Nous nous dirigions vers Florence à la découverte du Cinque-cento , des merveilles de la Renaissance italienne…au petit matin, L’Arno encore embrumé se découvrait. La ville nous révélait ses beautés immédiates.

Sous la coupelle du musée qui l’abritait, le beau, le grand David croisa notre regard…il s’inclina vers nous, fit un baise- main à Amour, cligna de l’œil et reprit sa posture de départ.

David n’était pas gêné par sa nudité…nous, non plus d’ailleurs….

Au musée des Offices , Vénus sortait de sa coquille toute nue…je plaçais deux ailes sur le dos d’Amour, puis sur le mien…nous nous sommes élevés au dessus de Vénus…nous l’avons recouverte d’une étole de soie brodée de fleurs aux couleurs flamboyantes…ornant la blancheur de son corps d’une intense volupté…elle bougea la tête de bas en haut et de haut en bas, libérant sa rousse crinière ondulée…elle semblait nous transmettre sa gratitude… »

 

Par quel heureux hasard, Amour, étais- tu arrivé ici ?

Hasard ou rencontre due à une conjoncture astrale favorable ?

 

La solitude à ses mystères qui parfois amène à de délicieuse apparition…délicieuse comme un fruit d’été au goût de cerise…Amour…

 

Je t’ai cueilli…Amour… je t’ai aimé Amour…je me suis enfuit …j’ai tout détruit…

 

J’ai prié  avec force et  démesure afin que cette rencontre avec toi …Amour…ne tombe

Et ne tombera jamais… dans l’oubli…

 

 

                                                      Paul Dahan    


Mon absolu


Mon absolu…une voix vers l’éternité…


Que suis-je ? …l’épée et le fourreau…
              Un tout puissant…
La puissance divine en moins…

Je parle de puissance créative ex-nihilo...
             À l’image de son créateur…

La vérité ?…la seule que je vénère…
Sommeille en mon for intérieur…Je l’interroge…
          Elle me répond en un éclair de sagesse…

« Ta vérité réside dans tes pensées du moment.
C’est ta perception de l’instant sur le monde extérieur,
Qui crée ton monde ; ta vérité de chaque instant.
Un palais se trouve en toi, cherche le ; un trône s’impatiente,
                        Afin de  te recevoir. »

           Je ferme les paupières… j’inspire…
           J’ai conscience du noyau de la terre…
                             Je m’étends…
           Un pied en bas… fixé dans ses entrailles…
           Une main en haut…je caresse les étoiles…

Beauté…tendresse…mystère… doux parfum de femme… que j’aime…

             Des yeux pour m’extasier…un cœur pour aimer…
             Des yeux pour pleurer…un cœur pour prier…

 Dieu…élève ta voix…
   Parle-moi, de l’homme…de la joie …
       Parle-moi de cet homme qui dans la joie…
          Crève les plafonds de la plénitude…


                                                    Paul Dahan           8 juin 2009
 

Septembre octobre 09


La lettre M
 
Une lettre que j’aurais aimé écrire


Si,  il y avait une seule lettre que j’aurai aimé écrire, cela aurait été une lettre M…

Une lettre …M… grand comme une maison…avec toi…un large Toi pour abriter ma vie…

M… comme d’autre déteste…moi qui aime…

M… comme… agique…, agnifique  …ajestueux… erveilleuse

M…comme... une seule lettre vous manque et tout est dépeuplé…

Un M… comme un rouleau de printemps,  aux sourires d’été…  aux  fous rires légers…

Un M… comme… Maintenant… Main dans la Main…


Paul Dahan             septembre2009



Noir & Blanc

La plage était noire de monde, ma page est restée blanche…insolemment blanche … un après-midi d’été … insolemment ensoleillé ...
J’étais assis dans un coin sans ombre, entre un nid de crabes humains et le cri d’enfants mutins.

C’est horrible une plage … en plein mois d’août …

Je pensais pouvoir t’écrire … ma main a tremblé … elle a trébuché … mon crayon est tombé à l’eau …

Il s’est noyé sans avoir inscrit un seul mot sur mon bloc de papier à lettre.

J’ai pris cela comme un signe et j’ai laissé tomber l’idée de t’écrire … de te dire ma joie de te rejoindre quelques jours dans ton chalet en Haute Savoie.
 
Le soleil a du frapper fort cette après-midi là …

Quand je me suis réveillé, une voix me disait : « ça va aller, la perfe  va vous réhydrater … »

J’étais aux urgences de la ville.
Une blouse blanche enrobait une jolie blonde potelée ; de sa douce voix elle venait m’apaiser.
 
Comme c’est éprouvant et triste une plage noire de monde …Un après-midi d’été  …

Ma page blanche est restée toujours aussi blanche …
Insolemment blanche …


Paul Dahan – Septembre 2009.  


L’automne

Savoir lâcher-prise, telle était ma devise de ce jour.
 Rompre avec le quotidien et le rythme effréné de la rentrée.

C’était un jour de semaine où je m’étais autorisé une journée uniquement pour moi.
Une journée de liberté en solitaire, une journée simple mais extra-ordinaire.
C’était l’automne.il faisait beau, encore chaud.
J’avais envie d’être en harmonie avec la terre, le ciel et la saison du moment.
Je voulais découvrir la nature dans ses déclinaisons chromatiques rougissantes.
J’avais envie d’observer son effeuillage de saison…comme un strip-tease… avant le désir d’une possession charnelle.

Alors, je me suis dirigé vers Lourmarin.

En chemin, une large clairière aux formes séduisantes m’a attiré comme une rencontre tant attendue.

 J’ai garé ma voiture. Je suis sorti ; impatient de gambader à travers champ.
… j’ai erré le cœur rêveur, les yeux larmoyant…
Je vivais un moment de bonheur fusionnel… une symbiose entre un enfant et une mère aux tendances incestueuses…

J’ai frissonné, puis je me suis entièrement dévêtu…des feuilles de velours pourpres ont effleuré mon corps..J’ai fait l’amour avec l’automne…mon sang s’est mélangé avec un corps terrestre…
Il  se souvient encore de la douceur de mes mains…des caresses impétueuses quand un vent tiède à emporté au loin nos parfums réunis de chair et de terre…de ma chair encore écorché par la fougue d’un désir ardent mutuel…

J’ai posé avec précaution, cet échange adultérin, au milieu de mon jardin secret…sans aucun remord...

Le soir, je suis rentré chez nous, heureux comme de te retrouver mon amour…
Nos corps se sont rapprochés, nous avons semé...

Puis, au joli mois de Mai…tu es née…ma fille… aux senteurs de l’automne…


Paul Dahan            Octobre 2009

Une lettre que j’aurai dû écrire

J’aurai tant de chose à te dire…moi qui dis si peu…moi qui ne sais pas dire…

J’aurai dû t’écrire plus tôt… mais, le plus tôt se transformait en plus tard…

Alors je ne t’ai pas écrit…plutôt...Je n’ai pas osé te dire…

Ce n’est que plus tard que je me suis dis…j’aurai dû t’écrire  plus tôt…

Moi qui ne sais pas dire…même  pas faire…

Entre dire  et faire…entre rire et se taire…entre prédire et entrer en enfer..

…je ne savais plus trop…trop de trop…trop de tôt… trop de tout…trop de tares…

Alors le silence s’est imposé à moi dans un vacarme fracassant…il me disait :

« Si tu penses que ce que tu vas dire est moins important que le silence…alors tais-toi… »
(Citation indienne)

De quoi ouvrir une voie afin de mieux me la fermer… ne plus me dire…ne plus médire…
Et te dire…

 À toi… mon silencieux amour…


Paul Dahan