Les textes de Pierre

L'histoire de Denise
Les petits ennuis de la vie
Bof !
J'attends que ...
Souvenirs, souvenirs
Dans la vie il y a ...
Fadila la Tunisienne
Quoi d'important pour cette année ?
Devant la glace, le matin
On disait de lui ...
A la recherche du temps
Au pays des Zoubidous
Lettres que j'aurais aimé ...
Histoire de Willy
A la recherche du bonheur
Elle marche dans la rue
Réclamation administrative
Comme d'habitude
Je ne me souviens plus
Angoisse existentielle
Un cercle vicieux
Confession d'un ancien buveur
Boule de gomme (Ernest Popinot)
J'ai peur que ...
Exercice de poésie
Parcours de vie photographique



Atelier d'écriture 26 octobre 2009

texte 1

  

Le cadre de l'histoire

Denise, prostituée, elle ne travaille pas volontiers. Elle rêve d'une autre vie. Son « patron » la dit paresseuse.

  

Trois phrases a intégrer :

1.      Le café de la gare était tranquille, des habitués faisaient leur belote, lorsqu'un pavé fit voler la vitre en éclat.

2.      Ce jour-là, il traversait la rue en regardant droit devant lui, une voiture l'évita de justesse et la conductrice lui cria une insulte. C'était une vieille connaissance.

3.      Elle s'endormit ce soir-là sans compter les moutons. Enfin, le cœur léger, après tant d'insomnies. Elle sombra dans un sommeil profond.

 

1.      La surprise

 

Le café de la gare était tranquille, des habitués faisaient leur belote lorsqu'un pavé fit voler la vitre en éclat. Dans son coin, Denise, trop occupée par ses soucis ne fit pas attention à l'incident. De plus, elle avait le nez dans sa réussite qui aujourd'hui ne venait pas vite. Elle finit par lever le nez et à se demander pourquoi un tel brouhaha.

Le patron, Robert, était dehors dans tous ses états. Il était entouré d'un groupe de personnes, passants et autres citadins et puis le gros Joseph, le chauffeur de taxi bien connu du quartier, qui laissait entendre qu'il l'avait vu. Un de ces petits morveux des quartiers nord.

·         Tu l'as reconnu, lui demanda Robert ?

·         Ben, ben! Tu sais, ça s’est passé tellement vite, je ne pourrais pas te dire comment il était.

Robert laissa tomber. Rien à en tirer.

C'est pour ma pomme. C'est alors que Denise répliqua pour demander ce qui se passait.

Une femme, qui était dans le café également, mais qu'elle n'avait pas vue, intervint.

·         Je l'ai vu, ce petit, c'est le fils du patron du bar des négociants.

Joseph, alors, confirma ce qu'il n'avait pas vu et Denise haussa les épaules. Elle demanda alors à la femme si elle était de la police. De la police, moi, et pourquoi ? Comme ça, je trouve que vous avez l'air de regarder partout, c'est bizarre. Elle rentra dans le café et retourna à sa réussite.

Moi, j'étais dans mon coin, celui qui restait, entre Denise, Colette et les quatre beloteux. Je comptais les points et je vis alors Denise abandonner sa réussite pour se diriger vers Colette.

T'es pas d'ici, toi !... Pourquoi ? Je ne rai jamais vu. Assieds-toi, tu veux prendre un verre ? Denise accepta par curiosité. Elle voulait savoir qui se cachait derrière ce regard.

C'est ainsi que firent connaissance la prostituée la plus paresseuse, aux dires de son « patron », mais au cœur gros comme une citrouille, qui aurait voulu être une artiste de cabaret et Colette qui était écrivain et qui rêvait de devenir la seconde grande Colette.

 

2.      Le mensonge

 

Ce jour-là, il traversait la rue en regardant droit devant lui. Une voiture l'évita de justesse et la conductrice lui cria une insulte. C'était une vieille connaissance. Tellement vieille qu'il eut de la peine à la reconnaître. Alors le p'tit Lulu, tu as perdu la mémoire. Ta vieille copine – tu parles de copine, elle, tapineuse bas de gamme- Jannie, la flamboyante Jannie. Mais bien sûr, je me rappelle. À ses tout débuts, ça oui il se rappelle. Mais avec toutes les visites qu'elle a eues, il ne reste plus grand-chose de la beauté d'antan.

Eh ben, tiens, je t'offre un verre puisqu'on est devant un café. C'est quoi au juste: le café de la gare. Bon ben, ça ira pour nous, hein ! Lulu accepta pour lui faire plaisir et puis, tout de même, il se souvint d'avoir passé du bon temps avec elle.

Ils entrèrent dans le bar et s'installèrent au comptoir. Denise qui discutait avec Colette lui tournait le dos, mais elle pouvait les voir dans le miroir. Lui ne la remarqua pas tout de suite. Tu vois, dit-elle à Colette, le mec là-bas avec cette vieille peau, au bar, c'est mon « patron ». Un vieux vicelard. Il a l'air en effet vicieux. Le petit maquereau bas de gamme. Si je pouvais, je lui ferais la peau, ce salop.

Elle en serait bien capable, se dit Colette. C'était l'amour vache dans le milieu.

Tu oserais lui faire la... demanda Colette, émoustillée par cette histoire. Je sais pas, peut-être ? Il regarde voir toi, il me semble, j'ai l'impression qu'il t'a reconnue.

Il lui fit un signe de la tête, l'air de dire, allez au turbin. Sinon, ça va barder.

·         Pourquoi fait-il ce signe ?

·         Quel signe ?

Colette lui mima quelqu'un qui l'égorge.

·         Oh, il fait son malin. C'est un pauvre con.

·         Tiens, ils s'en vont.

·         Bon débarras. Donc, je te disais...

Et elles continuèrent leurs échanges de souvenirs de vie entre la déchéance du trottoir et l'ingratitude des éditeurs qui ne reconnaissent pas les talents des grands écrivains. Par exemple, sais-tu que ce pauvre Proust … Bla, bla, bla, bla,...

 

Bon, et bien moi je vais me rentrer. J'ai du boulot qui m'attend.

 

3.      Le meurtre qui arrange tout.

 

Elle s'endormit ce soir-là sans compter les moutons. Enfin le cœur léger, après tant d'insomnies, elle sombra dans un sommeil profond.

 

Après avoir quitté le café de la gare, Lulu avait quitté sa « chère amie » pour aller, disait-il, régler une affaire. Ben, voyons. Elle connaissait la chanson Jannie. Et ben, bonne affaire et à un de ces jours.

 

Le quartier de la gare est plutôt tranquille passé les dix heures du soir. Les derniers trains sont passés. Moi, j'habite à deux pas, c'est pourquoi je vais prendre mon café chez Robert. Je n'aime pas trop l'endroit, mais bon! Et puis, c'est tranquille en général. Sauf aujourd'hui avec cette histoire de pavé dans la vitre du bar et ce Lulu, que je connais vaguement de vue et qui a joué le caïd avec cette pauvre Denise. Je la connais bien Denise. Je n'ai jamais utilisé ses services, ce n'était pas de mon goût, mais avons sympathisé et de temps en temps je lui offre le café. Elle me raconte sa vie en trou de passoire. Pas drôle sa vie. Elle n'est pas encore pal de sa personne parce qu'avec sa philosophie de vie – moins j'en fais mieux, j'me porte – elle s'était protégée des affres du temps.

Aussi, lorsque vers une heure du matin, j'entendis les sirènes de la police hurlaient dans le quartier, je me suis dit que décidément, ce jour n'était pas un jour comme les autres. Je suis descendu dans la rue pour voir ce qui se passer.

Tiens, Colette, l'écrivain, que fait-elle ici? Bonsoir, on se connait ! Oui, du café de la gare. Ah! Oui. Cet après-midi. Vous savez ce qui se passe ? Je crois que c'est la pauvre Denise, elle a était assassinée. Quoi ? Denise, ça alors. Colette n'en revenait pas. Elle qui ne savait pas comment faire pour s'éloigner de son patron de merde, ce petit salaud de Lulu.

 

Ainsi va le monde.

 


 

 

Atelier d'écriture 2 novembre 2009

texte 2

Le cadre de l'histoire

Une femme de 25 ans, mariée, 5 enfants, immigrée de Tunisie.

Fadila.

Mariée contre son gré, fait le ménage la nuit à l'aéroport.

Mari au chômage, un cousin venu du bled.

 

Fadila ou les rêves d'une jeune femme tunisienne

Elle est là, Fadila, face à la mer, la tête pleine de bruissements que les événements qu'elle vient de vivre amplifient. Là-bas, de l'autre côté sont tous ses souvenirs d'enfance. Des souvenirs qui remontent à la surface maintenant. Des odeurs, des saveurs, des chants, des visages et puis la famille. Cet oncle qu'elle adorait, mais que la famille n'aimait pas beaucoup. Ce petit copain de classe avec qui elle partageait ses secrets et qu'elle dut voir partir pour la capitale et qu'elle ne revit jamais. C'était son amour secret. Mais elle ne regrette rien. Il fut un temps où elle aurait pu regretter, où elle aurait eu envie de retourner au pays. Son pays, la Tunisie. Mais aujourd'hui, son horizon avait changé. Il était ici, sur cette terre qui l'avait accueillie, plus ou moins bien certes. Mais, maintenant, elle était bien heureuse d'y être. Ce qu'elle venait de vivre n'aurait pu l'être de l'autre côté. Elle se serait retrouvée rejetée, une moins que rien.

 

Elle se trempait le bout des pieds dans ces petits rouleaux qui viennent mourir sur la rive et cela lui procurait une sensation de bien-être. Il faisait très beau et le soleil de printemps était bien agréable. Elle pouvait profiter pleinement de ce moment de plaisir sans se demander ce que les gens diraient d'elle. Fini les supputations sur sa vie de son voisinage. Et Dieu sait si cela avait accompagné sa vie depuis qu'elle habitait ce quartier qu'elle n'avait pas choisi, mais que sa condition sociale lui avait imposé. Une si charmante petite ville disait-on! Oui, vue de l'extérieure, mais qui n'avait rien à envier quant à la mentalité provinciale de la majorité de ses habitants. D'autant qu'elle était environnée de gens d'origine du Maghreb, en grande majorité, et que ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux pour sa vie privée.

Heureusement, il y avait là quelques personnes avec lesquelles elle entretenait de bonnes relations. C'était le cas de madame Louise, la patronne de l'épicerie du quartier. Avec elle, le courant était tout de suite passé. C'était pour elle comme une mère. C'est elle qui lui parlait des malveillances qui se disaient sur sa vie tout en la consolant et en lui demandant de ne pas trop y porter attention. Que son mari la battait, qu'elle ne resterait pas avec lui, qu'elle avait un amant, mais qu'elle était riante et discrète. Alors, tu fais le tri. Tu ne te laisses pas impressionner par c'est qu'en dira-t-on. Ce qui importe c'est de savoir qui tu es, toi.

 

Elle avait bien de la peine à gérer sa vie quotidienne avec ses cinq enfants et ce mari, un cousin du bled qui lui avait été imposé et qu'elle supportait de moins en moins. Au début de leur relation, elle avait eu de l'affection pour lui, mais avec le temps, elle s'était rendu compte qu'il ne ferait jamais rien de sa vie. Il n'avait jamais fait un effort pour améliorer son français. Et il n'avait jamais voulu suivre une quelconque formation pour avoir un métier qui lui permette de s'en sortir par lui-même. Il continuait à fonctionner comme au pays. Ses relations de voisinage en guise de famille et cela semblaient lui suffire. Il avait vite compris les avantages qu'il pouvait attendre des aides sociales de droite et de gauche. Il avait eu un emploi à la ville comme balayeur, mais sa négligence dans les horaires avait fini par lui être fatale. Bien sûr qu'il ne voyait pas pourquoi il avait été renvoyé sauf parce qu'il avait la peau mate et un nom arabe. Il refusait de se plier aux us et coutumes de son pays d'adoption. À l'extérieur comme à la maison. Au début de leur relation, sa jeunesse et sa candeur furent favorables à ce que le schéma traditionnel s'installe dans le couple. Et puis, au fur et à mesure des années, ses yeux s'étaient ouverts. Elle avait suivi des cours du soir et avait réussi un examen pour être secrétaire. Cependant, elle n'avait pas obtenu un travail, mais elle n'avait pas baissé les bras pour autant. Elle avait trouvé cet emploi de femme de ménage après avoir pris contact à l'aéroport pour un emploi de secrétaire. Elle se disait qu'elle avait un pied dans la place et qu'avec le temps. C'était madame Louise qui le lui avait dit et elle avait trouvé cela sage. Tu ne dois pas te laisser enfermer dans ton petit monde, lui avait-elle dit. Si tu veux avoir du travail, il faut que tu sortes de chez toi. Bien sûr qu'à la maison, cela avait été mal pris, mais après le renvoi de son mari des services de nettoyage de la ville, il avait bien fallu trouver un travail, car ce n'était pas avec ses allocations qu'elle pouvait nourrir ses enfants et payer le loyer et les charges. Et elle ne pouvait pas compter sur cet âne bâté qu'elle avait à ses côtés qu'elle pouvait espérer avoir de l'aide. Ni avec le maigre chômage qu'il percevait et dont elle ne voyait pas l'ombre d'un centime.

 

Tout en marchant sur la plage, elle se souvenait des événements qui avaient déclenché le basculement de sa vie. Ce jour où elle avait découvert, furieuse, que son mari avait ouvert la lettre, une lettre recommandée, venant de la mairie. Il avait prétexté croire à une réponse de la mairie à une demande d'emploi. Ah! par ce que tu crois qu'ils vont te donner un emploi après ce qui est arrivé. Tu me prends pour une idiote. Et en plus une lettre recommandée pour te dire... Enfin, elle n'avait pas poursuivi. Cela n'en valait pas la peine. Et puis elle se savait en porte à faux, car elle aurait dû être là à cette heure de la journée. Mais ne pouvait lui révéler son secret.

Elle l'avait lu cette lettre un peu fébrile.

Elle était choisie pour être sur une liste d'attente en vue d'être juré. Elle était contente et en même temps angoissée. Qu'est-ce que c'était qu'être juré, se demanda-t-elle? Il le lui demanda aussi, mais elle était bien en peine de lui répondre, ce qui le mit en rage. Et d'abord, pourquoi tu n'es pas rentrée à l'heure ? Où est-ce que t'étais? Il avait fait un geste comme pour la frapper. Essaie et tu vas voir. Ici, tu n'es pas au bled, je te le dis. Je porterais plainte et tu risqueras gros, je te préviens. Il se calma alors, mais pour revenir à la charge plus tard.

Elle alla voir sa maman de l'épicerie pour avoir un conseil et des informations sur cette histoire de juré. Elle en était revenue rassurée et un peu fière. Tu seras avec d'autres personnes qui comme toi ont été choisies par un tirage au sort pour être dans ce jury. Tu devras juger en ton âme et conscience de la culpabilité ou non de l'accusé. Et tu recevras une indemnité pour chaque jour, mais je ne sais pas qu'elle en est le montant. Elle s'était dit qu'elle avait les moyens d'en savoir plus par ses relations à l'aéroport. Elle remercia madame Louise et s'en retourna à la maison rassurée. Elle se souvenait de cet instant comme celui d'un virage dans sa vie. Sur le moment, ce fut un vague sentiment d'ouverture vers un autre monde, mais elle était loin d'imaginer jusqu'où cela irait.

 

Lorsqu'elle était revenue à la maison, elle fut de nouveau agressée par un mari suspicieux et jaloux. Qui essaya de la rabaisser en la traitant de femme de moins que rien, exploitée par des salopards de Français qui continuent de se comporter comme des colonisateurs. Et puis pourquoi t'es rentrée si tard, hein? T'as un amant, c'est sûr. C'est ton petit chef, hein? Je vais le buter ce salaud. Et il avait encore levé la main sur elle, mais s'arrêta en repensant certainement à ce qu’elle lui avait dit quelque temps avant. Mais elle avait senti que la situation était en train de se dégrader de plus en plus. Ses griefs revenaient de plus en plus souvent d'autant qu'il supportait mal de devoir s'occuper des enfants. Il se sentait rabaissé doublement. Il n'avait plus de travail et il était la boniche, à ses yeux, à la maison. Mais que fais-tu pour changer ta situation, hein? Rien, tu ne bouges pas le petit doigt. Cela le mettait encore plus en colère. Et pour ne rien arranger, c'était fini pour les galipettes au lit. Elle ne supportait plus de faire l'amour avec lui, surtout depuis qu'elle était à l'aéroport et que...

Ce qui augmentait les suspicions de son mari et doublait les menaces. Je vais le tuer ce salaud, n'arrêtait-il pas de dire dans leurs disputes. Et c'était aussi pour ne plus avoir à supporter ces scènes de ménage, qu'elle rentrait de plus en plus tard. Mais son sommeil s'en ressentait et la traduction qu'en faisait son mari fut qu'elle dormait à l'aéroport avec son chef. La situation devenait de plus en plus inextricable.

 

 

Et puis, un jour, arriva une autre lettre pour l'informer qu'elle avait été choisie pour être jurée. Cette fois, c'était sérieux. Elle avait presque oublié cette possibilité d'être juré, cela faisait six mois qu'elle avait reçu la première lettre. Il était spécifié qu'elle aurait à juger un homme, amoureux fou d'une femme. Qu'il avait tué le mari en espérant pouvoir s'enfuir avec elle. Cela lui parut un peu absurde. Mais elle verrait bien le moment venu.

 

Et le moment arriva qui fut pour elle un mélange étrange d'angoisse et d'excitation. Elle se mit en beauté comme jamais elle n'eut l'occasion. Elle voulait paraître une dame de bonne éducation. Elle était plutôt une belle femme mais qui s'ignorait. Souriante, avenante, elle plaisait à son entourage sauf à la maison. Elle avait osé s'acheter des dessous qui mettaient en valeur une poitrine attrayante. Cela aussi avait exacerbé la colère d'un mari qui l'avait traité de pute. Elle n'en tint pas compte ce qui l'énerva encore plus et fut l'occasion de nouvelles menaces à l'encontre de son chef.

Elle se rendit au tribunal et fut surprise d'y voir son directeur. Il lui fit des compliments sur sa tenue, elle en fut troublée. Je suis ici comme témoin, lui dit-il.

Puis elle alla s'asseoir avec les autres jurés.

 

Elle avait été devant un cas qui lui sembla absurde. Comment un être humain peut-il croire que l'assassinat du mari devrait lui permettre de récupérer sa femme?

Lui était amoureux fou d'elle, mais s'était-il demandé si elle avait des sentiments qui la feraient basculer de son côté? L'amour rend aveugle, dit-on. C'était pour elle une preuve irréfutable. D'autant que maintenant, il se rendait compte qu'elle n'avait pas de vrais sentiments à son égard. Était-ce son argent qui l'avait intéressé ? Elle avait pensé à elle. Ça ne risquait pas de lui arriver. Et puis elle avait eu un doute. Non, s'était-elle dit, avec mes cinq enfants et mon statut de femme de ménage, je suis protégée.

Mais les êtres humains ne sont-ils pas capables d'actes insensés lorsqu'il s'agit d'amour ? Est-ce que son directeur serait capable de cela? Il lui plaisait bien son directeur. Elle avait le béguin pour lui. Il me plait bien, se disait-elle. Mais elle ne croyait pas qu'il fut amoureux d'elle. Cependant, elle avait un doute. Il jouait sur ce registre, pensait-elle, mais elle se disait que tout cela était du cinéma. Tout comme cette femme a fait du cinéma à ce pauvre bougre qui est là dans le box des accusés. C'est le dindon de la farce. Elle aimait bien cette expression que madame Louise lui avait apprise. Son mari aussi était un peu le dindon de la farce, mais c'était bien fait pour lui. Cela faisait des années qu'il ne bougeait pas d'un pouce pour changer la situation.

Et si son mari essayait de tuer son chef, se dit-elle? Quel drame ça serait puisqu'en plus il y aurait erreur sur le sujet.

Elle regarda l'accusé. C'était un bel homme, tout comme son directeur. Elle l'aurait bien fréquenté s'il n'avait pas commis cet acte absurde. Maintenant est-ce qu'elle fréquenterait encore son mari s'il venait à tuer son chef? Sûrement pas, ce serait l'occasion pour elle de refaire sa vie. Et lui, il se retrouverait seul, car cela fait déjà un moment qu'elle n'a plus envie de le voir. Alors, bonne occasion de tourner la page.

 

Elle n'avait pas aimé la déposition de cette femme, cette maitresse froide et calculatrice qui afficha du mépris face à cet homme encore éperdument amoureux d'elle. Cela pèsera lourdement dans leur jugement. Il avait commis surtout l'erreur de croire qu'un meurtre puisse résoudre une affaire sentimentale. Elle était plutôt pour le dialogue, la diplomatie. Mais peut-être que cette femme aussi pensait cela ? Elle eut un doute. C'était un grand candide, pour sûr. Elle aurait bien aimé voir de quoi avait l'air le mari tué. Est-ce que cette femme, qui était une très belle femme, vivait une relation semblable à la sienne? Son mari était peut-être un violent qui la maltraitait, c'est ce qu'elle avait laissé entendre. Elle le haïssait, mais alors pourquoi jouait-elle ce jeu avec ce pauvre amant? Elle crut comprendre qu'il ne s'intéressait plus aux femmes. Les hommes avaient sa préférence. Mais alors elle aurait dû être satisfaite de se trouver un homme pour vivre une relation qui la comble. Elle se dit qu'il devait ne pas la combler. C'était peut-être un cérébral, un intellectuel pour qui l'amour ne passait que par les mots. C'était la version de cette femme. Il avait une certaine aisance financière à laquelle elle ne semblait pas indifférente. Elle pensa de nouveau à elle. Les crimes de cœur sont toujours des mélimélos difficiles à comprendre, car en dehors de la raison. Elle avait cru comprendre cela dans les débats entre les avocats.

 

Elle continuait à marcher sur la plage en repensant au bouleversement qui avait suivi ce moment de sa vie au tribunal. Son directeur qui avait appris sa nomination lorsqu'elle était venue lui demandait de pouvoir être libre pour être jurée et aussi d'être indemnisé pour les jours où elle serait au tribunal. Je suis content pour vous, lui avait-il dit. Comme il était témoin, il était venu au tribunal une fois ou deux. Dans la salle, il lui avait fait signe et elle avait été émue surtout après les paroles aimables qu'il lui avait adressées avant l'audience. Et puis après le jugement, lorsqu'elle était revenue au travail, il avait voulu en savoir plus, mais elle lui fit savoir qu'elle ne pouvait pas lui en parler, la loi le lui interdisant. Même après les délibérations ? Même après. Elle lui parla du contexte de l'histoire, ce que tous les journaux avaient relaté. Comme il n'avait pas le temps à cela, elle accepta de lui raconter les grandes lignes de cette passion qui avait mal tourné. Et pour cela il l'invita au restaurant. Et c'est alors qu'une relation commença à s'établir entre eux deux. Il était à peine plus âgé qu'elle, il avait dans la trentaine bien avancé. Et quelques jours plus tard, alors qu'elle était dans son bureau pour percevoir ses indemnités, ils entendirent un coup de feu. Un vigile qui se trouvait pas très loin était accouru pour constater que le chef du nettoyage avait été tué. Elle pensa tout de suite à son mari. Il avait très mal pris qu'elle soit rentrée très tard le jour où elle avait déjeuné avec son directeur. Elle avait été tétanisée sur le moment. Ils sortirent pour voir ce qui se passait et c'est alors qu'elle lui avait dit qu'elle pensait que ce fut son mari qui avait commis l'irréparable. Lorsqu'ils arrivèrent sur les lieux, ils trouvèrent le mari de Fadila comme hébété de ce qu'il venait de commettre. Il n'avait même pas essayé de s'enfuir. La police était arrivée.

Elle lui expliqua ensuite qu'il avait plus d'une fois fait des menaces à l'encontre de son chef, croyant qu'elle avait une relation avec lui. Et, c'était vrai ? Absolument pas. Je trainais juste un peu en ville, car je n'avais plus envie de le voir. Plus tard je rentrais à la maison, mieux c'était pour moi. Quel idiot se dit-elle et puis, plus tard, elle prit conscience que...

 

Et maintenant, six mois plus tard, elle se retrouvait sur cette plage avec son directeur qui allait devenir son mari après avoir été son amant. Et sa vie bascula du tout au tout. Elle n'était plus obligée de faire des ménages et elle pouvait s'occuper de ses enfants pleinement.

Elle se demanda encore si elle ne rêvait pas. Elle allait même pouvoir avoir un poste de secrétaire grâce à son mari et directeur. Mais elle voulait d'abord reprendre l'éducation de ses enfants en main.

 

Fadila, il se fait tard, nous devons rentrer. Le soleil se couchait et la lumière était douce dans la tiédeur de cette fin de printemps. Les enfants étaient heureux de faire trempette, elle ne les avait jamais vus ainsi.

Et elle, se sentant épanouie comme elle ne l'avait jamais été depuis qu'elle avait retrouvé une vie sexuelle équilibrée et quelqu'un qui lui apportait de l'affection et de la reconnaissance.

Elle regarda son Michel et se dit: que la vie est bizarre!... Puis elle lui fit un bisou sur le bout du nez. Il la prit dans ses bras et la souleva de terre. Tu es plus belle que jamais.

 

Allez, on y va les enfants, en voiture.


 

 

Atelier d'écriture 9 novembre 2009

texte 3

Nous sommes en l'an 30050 av. J.-C. Au pays des Zoubidou.

Le monde tel que nous le connaissons n'existe pas encore.

Bachi : personnage X transgresse la règle

Bouzouk : - Y le gardien de la règle

 

Le pays de Zoubidou vit selon une seule règle: faire l'amour, pas la guerre. Ceux qui transgressent cette règle sont immédiatement contraints à l'exil dans la grande mer de l'est pour n'en plus revenir.

 

Bachi - Il a transgressé la règle mais s'est échappé.

Bouzouk - Se lance à sa poursuite car il doit subir son châtiment.

On apprend des choses sur X.

Bouzouk se dit qu'il va devoir employer la ruse pour ne pas enfreindra la règle de la communauté. Car il n'est pas question, pour lui, qui est le gardien suprême de la règle, qu'il utilise les armes qu'il interdit aux autres.

Mais cela ne l'étonne pas de voir Bachi utiliser cette provocation qui devait le contraindre à commettre ce qu'il réprouve. C'est un malin, Bachi. Il aurait dû être à sa place. La communauté le pressentait pour être ce gardien suprême mais il a objecté son incapacité à être un modèle. Son attitude aujourd'hui en est la preuve.

Comment va-t-il s'y prendre pour mettre la main sur Bachi qui connait parfaitement la forêt et le ramener devant la communauté ?

Il consulte les vieux sages. Ceux-ci se sentent désarmés. Il pense que Bachi n'a pu partir seul. Il a des intentions qui leur échappent.

Il a utilisé sa position de chef des rites pour prétexter une mission au-delà des montagnes. Mais la mort de sa compagne a mis en évidence un conflit. Elle a été retrouvée morte alors qu'il venait de partir vers les montagnes du nord. Il les avait bien eu. Il savait ce qu'il risquait.

 

Si Bachi était rusé, malin, calculateur, Bouzouk avait pour lui des pouvoirs mystérieux qu'il n'avait révélé à personne. Il savait parler aux arbres de la forêt et aux animaux. Et ainsi, il pouvait connaître tout ce qui se passer dans le monde.

Il prit le chemin du nord et s'enfonça dans son univers. Il savait qu'il retrouverait Bachi mais la question pour lui était de savoir comment il l'expulserait de la communauté sans employer la violence. Ce que Bachi se ferait un malin plaisir de le contraindre à utiliser.

C'est son arbre préféré, ce magnifique cèdre immense et déployant ses ramifications jusqu'aux étoiles qui lui donna la clef de ses recherches.

Il apprend alors que Bachi a changé de direction pour aller vers l'ouest. Cela interpelle Bouzouk car il sait qu'à l'ouest, il n'y a plus de forêt. C'est un immense territoire sans arbre. Il ne pourra donc plus pouvoir parler aux arbres, mais il y a certainement des animaux se dit-il ? Mais comment en être sûr ?

 

S'il a le pouvoir de se déplacer rapidement par l'esprit, il sait que Bachi le possède également. Il faudrait qu'il le rattrape avant qu'il atteigne ses territoires sans arbres. Alors qu'il atteint la fin de la forêt, il l'aperçoit à l'horizon dans cette immensité. Le temps qu'il se demande qu'elle attitude adopter, il a disparu. Il se dirige dans la direction de son « évaporation » et là, il se trouve devant un autre paysage avec des montagnes. Elles sont très hautes mais il il n'y a toujours aucun arbres à l'horizon pas plus que d'animaux. Apparemment seulement car après s'être engagé dans une vallée que dominent de hauts sommets, il aperçoit un oiseau qu'il ne connaît pas. Il s'adresse à lui mais il semble ne pas l'entendre. Par contre il vole au-dessus de sa tête, déployant ses immenses ailes. Il a une bec recourbé et de petits yeux noirs. De grandes griffes terminent ses pattes. Il semble vouloir lui indiquer un chemin à suivre. Est-ce une autre façon de communiquer ? Suivons-le, se dit-il.

 

Sa surprise est énorme lorsqu'il s'aperçoit que dans ces montagnes arides vivent des femmes qui sont plus grandes que les femmes de leur communauté. Qu'elles ont une couleur de peau différente. Des cheveux bouclés. Une allure de guerrière plutôt que de mère de famille. Pour l'instant, il s'approche avec prudence car il se dit qu'elles ne feront qu'une bouchée de sa personne. Il semble qu'elles ont des armes, mais il est dubitatif car il n'a jamais vu de telles armes. Ce ne sont peut-être pas des armes?

Alors qu'il s'avance toujours prudemment, il se retrouve soudainement entouré d'une armée de combattantes. Et c'est alors qu'il constate qu'il a perdu tous ses moyens de résistance. Il ne se maitrise plus. Elles tiennent dans leurs mains un espèce d'ustensile qui semble être à l'origine de son état d'être. Elles l'emmènent rapidement vers ce qu'il pense être leur cité. Elles ne le touchent pas mais il ne peut se soustraire à leur pouvoir. Il découvre alors une société dont les règles pourraient se définir comme, non pas le contraire de celles de sa communauté, mais plutôt comme une étape supplémentaire vers un plus, une amélioration des objectifs qui sont les leurs.

L'objectif de leur combat est de leur permettre de ne plus être obligé de faire l'amour pour combattre l'esprit de guerre. Mais d'être en amour permanent tout en interdisant l'esprit de guerre d'apparaître. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que Bachi n'est pas très loin et l'observe. Il voudrait bien le rejoindre. Mais ne va-t-il pas se mettre en danger ?

C'est alors qu'il prend conscience que d'autres manières de voir le monde existent. Bouzouk en est-il conscient lui aussi ?

 

Lorsqu'ils se retrouvent face à face avec ces multiples yeux noirs braqués sur eux, il n'en mènent pas large. Car ils savent qu'elles ont sur eux des pouvoirs qui les dépassent. Ils n'ont plus d'autre choix que d'accepter leur loi.

 


 

 

Atelier d'écriture 16 novembre 2009

texte 4

 

Échange épistolaire Réclamation administrative

 

lettre 1

de

Madame Louise Dupond à Commissariat de Police

 

 

 

Madame, Monsieur,

 

Suite à la déposition faite en vos bureaux concernant le vol de mes effets et papiers d'identité pour Monsieur Gédéon Lambert, je vous informe que je lève les poursuites après l'annonce de son suicide.

 

Recevez, Madame, Monsieur, mes salutations.

 

 

 

Lettre 2

de Commissariat de Police

Capitaine Laturlu Eric à Madame Louise Dupond

 

 

 

Madame,

Suite à votre courrier concernant l'affaire Lambert Gédéon, nous vous informons que nous n'avons pas reçu d'avis concernant le suicide de M. Lambert.

En conséquence nous ne pouvons en l'état actuel des choses prendre acte de votre désir de lever les poursuites.

 

Recevez, Madame, nos salutations distinguées.

 

 

Lettre 3

de Madame Louise Dupond

à Capitaine Luturlu Eric

 

 

Capitaine,

 

Je m'adresse à vous, suite au courrier que m'a adressé votre service à propos de l'affaire Gédéon Lambert
Je vous demande comment se fait-il que vous ne soyez pas au courant du suicide de M. Lambert alors que vos policiers sont intervenus à la suite de sons suicide. Ensuite, je viens d'avoir des contacts avec la famille. Et à la suite de quoi j'ai pu récupérer mes effets et papiers. Je ne peux pas être accusé d'acharnement sur une personne par le maintien des poursuites qui pourraient embarrasser inutilement sa famille que par ailleurs j'estime.

Je vous demande de faire le nécessaire pour régler ce problème rapidement.

 

Croyez, Capitaine, à l'assurance de ma considération distinguée.

 

 

 

Lettre 4

Capitaine Luturlu Eric

à Madame Louise Dupond

 

 

Chère Madame,

 

Votre lettre a retenu toute mon attention. Je comprends tout à fait votre situation, ayant eu à faire personnellement à ce genre de situation avec les services de nettoyage de la ville.

J'avais un voisin dont les ordures s'entassaient de jour en jour à proximité de ma maison. Jusqu'à ce que j'apprenne qu'il s'était suicidé, raison de l'amoncellement et de la non évacuation de ces ordures dans son jardin. Ayant porté plainte, je me suis entendu dire que, comme elles étaient sur son terrain, le service de nettoyage ne pouvait rien entreprendre.

Mais pour revenir à ce qui nous intéresse, je ne contrôle pas le service chargé des levées de poursuites. Vous allez devoir attendre que l'annonce de son suicide leur parvienne. Je vais tout de même essayer d'en toucher un mot au Commandant, car je trouve que cela est quelque peu insolite pour ne pas dire plus.

 

Bien à vous.

 

Lettre 5

Cher Capitaine Luturlu,

 

Votre lettre m'a agréablement surprise par le ton et l'attention que vous porter à mon encontre. Et je compatis aux désagréments que vous avez pu avoir avec ce malheureux voisin.

Dans mon cas je n'ai pas à subir de désagrément d'odeurs. Ce n'est qu'une question de temps. Si votre Commandant peut faire en sorte que les poursuites soient levées, même si cela doit prendre encore quelques semaines. Je serai tranquille vis-à-vis de la famille. Car c'est sur ce point que ça me tracasse, vous l'avez je pense bien compris.

Pouvez-vous me tenir au courant des suites de votre entretien avec votre supérieur ?

 

En vous remerciant encore pour votre amabilité, Recevez Cher Capitaine Luturlu, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

 

 

 

Lettre 6

 

Chère Madame Dupond,

 

J'ai pu m'entretenir avec mon Commandant. Je n'ai pas eu de réponse dans l'immédiat, mais j'ai cru comprendre par son attitude qu'il ferait le nécessaire. C'est une question de quelques jours.

Dès que j'aurais sa réponse, j'aimerai vous en entretenir de vive voix si cela vous convient.

Nous habitons pas très loin l'un de l'autre et si cela vous agréez, je vous propose que l'on se rencontre au bar de l'hôtel du nord, dont j'apprécie le calme. Je vous laisse mes coordonnées en vous joignant ma carte.

 

Bien à vous.

 

Lettre 7

 

Cher Capitaine,

 

Votre courrier m'a bien agréablement surpris tant pour votre entretien avec votre Commandant que pour votre proposition de nous rencontrer.

Je vous propose que nous voyons lundi en huit à 19 heures au bar de l'hôtel du nord. D'ici là, vous devriez avoir la réponse et nous pourrons clore agréablement cette affaire.

 

Louise

 

Lettre 8

 

Chère Louise,

 

Je vous ai attendu lundi dernier avec un certain plaisir mais lorsqu'après une demi-heure d'attente, je ne vous ai pas vu arriver, j'ai compris qu'il y avait dû y avoir un problème.

J'espère seulement qu'il ne vous ai pas arrivé des ennuis encore une fois. N'ayant pas moyen de vous joindre, je n'ai pu que regretter de rester sans moyens pour débloquer la situation. Votre affaire est réglé à ce que m'a dit mon Commandant.

 

J'aimerai cependant que nous nous rencontrions pour fêter cela lundi prochain à la même heure.

 

Bien à vous.

 

Lettre 9

 

Capitaine Luturlu, considérer que entre vous et moi il n'y aura pas de rendez-vous.

C'est ainsi.

 

Louise Dupond


 

 

Atelier d'écriture 23 novembre 2009

texte 5

 

Confession d'un ancien buveur.

 

Portrait

 

Il regarde avec curiosité sa photo d'identité qui vient de sortir du photomaton. Étrange sentiment !... Qui suis-je ? Moi, Antoine Boiverre. Un mètre cinquante cinq, quarante kilos, une tête vide et un crâne chauve. Cinquante ans de vie creuse qu'il n'a toujours pas réussi à remplir. La seule chose qu'il ait réussi à remplir, ce sont ses verres.

Il est gouteur « d'eau de source ».

Le Président des gouteurs d'eau de source avec un palmarès à rendre jaloux tous les gouteurs de grands crus de vus.

 

 

Son plus beau coup

 

Il se rappelle ce jour de juin, il y a une dizaine d'année de cela, alors qu'il participe à la phase finale des championnats mondiaux de gouteur d'eau de source à Rome. Il faisait une chaleur insupportable. Ils étaient cinq finalistes. Les jurés étaient dans un piteux état, accablés qu'ils étaient par la canicule. Il se demandait alors comment faire pour devenir le numéro un, alors qu'il avait des concurrents des plus sérieux. Il soudoya le responsable de la cave à eau pour qu'il mette un soporifique dans les verres de ses concurrents et ainsi il resta seul en lisse et fut déclaré vainqueur.

 

 

Comment il en est arrivé là

 

A la maison, il se souvient que son père n'a jamais bu autre chose que du vin. Ils étaient cinq enfants et lui était celui qui avait les plus mauvais rapports avec son père et les meilleurs avec sa mère. Et plus il avançait en âge et plus cela devint compliquer, surtout à l'adolescence. Par opposition à son père, il refusa de boire la moindre goutte de vin. Ce qui compliqua pas mal sa vie d'autant que ses copains avaient suivit le modèle de leur père. Ils buvaient tous du vin et du pastis et lui, rebelle éternel, continua à ne pas boire une goutte, sauf de l'eau. Et pour pousser sa différence un peu plus loin, il décida un jour que ce ne serait plus que de l'eau de source.

C'est ainsi que, d'année en année, il se spécialisa et arriva au plus haut point de sa technique. Et qu'il devint une célébrité lui, ce petit homme sans importance, insignifiant, que lui révélait sa photo d'identité.

 

 

Un regret

 

Je n'ai qu'un seul regret, ne pas avoir réussi à devenir le PDG des eaux de source Perrier. J'ai cru pouvoir y parvenir en l'éliminant, je veux dire l'éliminer physiquement. Je suis peut-être un expert en eau de source mais je suis un minable pour ce qui est de réussir l'élimination sans faute et propre de ce directeur de Perrier.

 

 

Vous devez savoir

 

Aujourd'hui, dans ma cellule de prison, je regarde ma photo qui révèle une tête vide.

Et si j'étais devenu un gouteur de grands crus, aurais-je eu une tête mieux faite ? Le vin m'aurait-il inspiré ? Il paraît que l'alcool développe l'imaginaire et libère son inconscient ? J'ai des doutes pour ma personne.

Vin ou eau, je crois qu'il n'y a aucun espoir.

 

 

Je n'ai pas tout compris

 

Un grand vide dans sa vie, je n'ai jamais eu...

Il est sur le pas de la porte de la prison de la santé, quelle ironie ! Et il se dit qu'il ne lui reste plus qu'à faire un pèlerinage. Pas à Lourdes, non ! Il ne croit pas aux miracles. Il va se rendre en pèlerinage au pied du Mont Parnasse, pas celui qui est à deux pas d'ici, mais le vrai, en Grèce. Il paraît que là-bas se trouve la plus fabuleuse des eaux de sources. Alors avant de disparaître il veut s'offrir ce plaisir.

Alors, en route.

Sur le chemin du retour, il fit une escale à Rome pour demander pardon à Bacchus de ne pas avoir cru en lui, parce qu'il n'a pas eu la chance d'avoir un père vigneron qui lui donne le goût du bon vin, de l'amour de la terre et des hommes.

Il lui semble que le choix des extrêmes la amené à des actes extrêmes. Mais il n'était pas fait pour cela. Il faut avoir une grosse grosse tête bien faite pour cela.

Et Maintenant que dire !

Et si c'était à refaire, il choisirait de devenir un amoureux de la vigne et de la vie. De ne pas s'opposer à son père, mais de choisir l'esquive et de se réaliser dans les plaisirs du quotidien, les petites choses de la vie. Plutôt le meilleur petit vigneron d'une campagne perdue que le numéro un mondial des gouteurs d'eau de source. Aucune gloire mais une grande satisfaction de se sentir bien dans sa peau de petit vigneron.

Et puis, c'est son père qui aurait était fière de lui, alors que...


 

 

Atelier d'écriture 30 novembre 2009

texte 6

Les petits ennuis de la vie

Sa grand-mère lui disait toujours: l'heure c'est l'heure.

Il avait toujours la tête ailleurs et régulièrement il arrivait en retard. La notion de rigueur n'était pas dans le respect des horaire, pour lui. Il préférait la rigueur morale.

Alors pourquoi était-il furieux de voir que le bus qu'il prenait ne respectait pas les horaires qui étaient indiqués sur l'arrêt ? Il n'était pas en retard. Au contraire , mais régulièrement en avance de trois à cinq minutes.

Cela faisait la quatrième fois qu'il le loupait et il était exaspéré. Il avait beau se dire que ce n'était pas le fin du monde, il ne pouvait s'empêcher de rouspéter, d'être même furieux contre les chauffeurs qui ne pensaient qu'à rentrer le plus tôt possible au dépôt. Il en avait parler à un ou deux chauffeurs qui n'avaient pas réagi plus que ça.

C'est comme ça !

C'est la consigne se dit-il.

Et oui, il pensa au Petit Prince et à son allumeur de réverbère.

C'est la consigne, l'absurdité des comportements humains, qui fait sourire vue de l'extérieur, mais qui peut être mal prise lorsque cela s'adresse à soi.

 

Bon, il ne lui restait plus qu'à marcher à pied jusqu'à la ville. Une petite demi-heure de marche.


 

 

Atelier d'écriture 7 décembre 2009

texte 7

Quoi d'important pour cette année

 

L'Amérique profonde est en ébullition car son Président est devenu communiste !... Au mieux un socialiste pour ceux qui ont un vocabulaire un peu plus varié.

Et qu'elle est donc la raison de cette invective ?

Hé! bien, il a osé suggérer d'instaurer une forme de sécurité sociale pour les trente à quarante millions d'américains qui n'ont pas de couverture sociale.

Vu d'Europe, cela paraît proprement aberrant. Mais à y regarder d'un peu plus près, ce n'est pas une nouveauté. D'autres Président en leur temps eurent droit aux mêmes invectives. Roosevelt, Kennedy, et... ils risquèrent leur vie. Pour Kennedy, ce fut une réalité. Il paraît qu'Obama a déjà eu plusieurs dizaines de menaces de mort. Il ne faudrait pas être étonné si un soir les infos nous apprenaient son assasinat.

 

Le pays de la liberté renferme de drôles d'animaux !

Le pays de la liberté file un mauvais coton.

Le pays de la liberté a des relents de fascisme.

 

A New-York, la statue de la Liberté doit en avoir les larmes aux yeux. L'esprit du Ku-Klux-Klan n'est pas mort semble-t-il ? Et le petit Bush a toujours des adeptes.

 

Comment des dizaines de milliers de jeunes du monde entier peuvent-ils avoir encore envie de vivre « le rêve américain ».

C'est un mystère pour moi.

 


 

Atelier d'écriture 14 décembre 2009

texte 8

 

Lettre que j'aurai aimé envoyer

 

Il faut que je te dise combien ton éloignement me peine

T'en souviens-tu, ce n'était qu'une question de semaine,

maintenant je barre les mois du calendrier

avec l'espoir, d'un jour prochain, te retrouver.

La traversée de l'océan n'est plus un problème

mais ce sont nos sentiments qui ne sont plus les mêmes.

Je le sois mais ne peux l'admettre en ce jour

qui est notre anniversaire d'amour toujours,

que nous nous sommes dit dès les premiers instants

de cette période de folie que nous aimions tant.

 

 

Lettre que j'aurai aimé recevoir

Il y a longtemps que je t'aime,

jamais je ne t'oublierais.

Je voulais t'écrire un petit poème

mais j'en ai perdu les clefs.

Ils nous reste notre amitié

comme lien en toute simplicité.

 


 

Atelier d'écriture 4 janvier 2010

texte 9

Comme d'habitude

 

Comme d'habitude, il lui a demandé comment s'était passé sa journée et comme d'habitude il ne lui a pas répondu.

Comme d'habitude, il prend sa douche à huit heures précise pour ensuite boire un café sur le pouce.

Comme d'habitude, il en profite pour lancer une idée sur un sujet, aujourd'hui le prochain voyage, et comme d'habitude, tu me dis: c'est toi qui choisis le prochain pays où nous partirons en voyage.

 

 

A Nohant. Hector, sa jeunesse.

 

Il se souvient qu'il n'y a pas si longtemps, le jeune Hector qu'il était, rêvait à un avenir radieux dans sa campagne du Berry, du côté de Nohant, vivant dans l'ombre des célébrités locales, avec des fantasmes alimentés par lavie mouvementée de la dame de Nohant.

Il a aimé l'air du temps qui transpirait des murs.

Il a aimé les saisons qui passaient à travers les couleurs de la campagne.

Il a aimé les odeurs du jardin potager de sa grand-mère.

Il a aimé cette vie d'habitudes qui n'en paraissaient pas.

Il a aimé de pouvoir vivre à son rythme sans se préoccuper de l'heure, dès qu'il a pu être autonome et ne plus subir les pressions de la famille.

Il a aimé ses aventures dans la campagne avec trois sous et beaucoup d'audace; sur les bords de ruisseaux qu'il voyait comme d'immenses fleuves d'Amazonie; dans les bois et les forêts transformés en jungle africaine; de la fanfare du village qu'il voyait comme un orchestre symphonique d'une capitale européenne; du jour du marché qui l'excitait par la foule grouillante lui donnant l'impression de mener une enquête policière où il aurait pour mission de retrouver la femme mystérieuse qui hante ses nuits, la femme à la pipe qui écrit des romans; il a aimé intensément tout cela et bien d'autres choses et d'autres êtres.

 

 

Aujourd'hui.

 

Aujourd'hui rien ne va à son goût. Peu à peu, l'esprit de Nohant s'est éloigné, dilué dans la quotidienneté banale et envahissante, le train-train bête et méchant, les rancœurs et les rancunes, les déceptions amoureuses et les échecs professionnels.

Mais aujourd'hui, une idée lui est venue brusquement à l'esprit après cette histoire de choix de voyage.

Il ne va pas choisir un voyage mais le grand voyage qui va l'éloigner de cette vie absurde, ce train-train qui l'étouffe à rendre insupportable une relation qu'il avait cru de sincère amitié mais qui s'avérait une triste histoire.

Ils avaient crus être des amis, crus partager des rêves, des ambitions, des désirs mais ce n'était que des ombres chinoises qui disparaissaient qès qu'il essayait de leur donner une réalité.

C'était décidé, il partirait définitivement pour un grand voyage et seul avec l'univers comme compagnon.

 

 

A Paris, maturité.

 

Comme à son habitude depuis sa décision de voyage il a dit que sa journée avait été magnifique et comme d'habitude il lui a dit que c'était parfait.

Comme d'habitude depuis quelques jours, il ne prend plus sa douche le matin et part prendre un café au bar des sports au bas de l'immeuble.

Comme d'habitude il en profite pour annoncer qu'il n'a aucune idée pour la journée et encore moins pour un voyage mais il sait que dans quarante huit heures, il sera sur la route, libre de toutes contraintes du quotidien qu'il ne supporte plus.

 

Après-demain, une nouvelle vie commence pour Hector, avec plein de rêves et d'espoir de voir l'esprit de Nohant l'accompagner au bout du monde.

 


 

Atelier d'écriture 18 janvier 2010

texte 10

Des bouts de phrases:

·         Un silence inquiétant s'était installé.

·         Cette drôle d'habitude de demander l'heure à chaque passant.

·         Tu vois quelqu'un d'autre que nous deux sur ce trottoir?

·         Je parle à ma solitude.

·         Nous avons tous besoin d'une minute d'éternité.

·         Je m'appelle Ernest Popinot.

 

Boule de gomme.

Halh Isse devrait être heureuse lorsqu'arrive Noël, comme le sont ses copines et copains. Les cadeaux dans la cheminée avec tous les rêves qui en découlent. Ce père Noël avec sa longue barbe blanche, voyageant de par le monde sur son traineau!... Comment ne pas rêver pour une petite fille comme elle ? Et bien, non! Pour Halh qui est née ce jour là, à zéro heure cinq, c'est à chaque fois la même déception, personne ne pense à son anniversaire. Pas le vingt quatre mais à peine le vingt cinq !... Et c'est la père Noël qui lui prend la vedette. C'est insupportable.

Il lui arrive de souhaiter que le père Noël disparaisse, qu'il meurt.

 

Elle a pensé en parler à ce vieux monsieur qui habite au dernier étage de l'immeuble, un grincheux, un rouspéteur, ne disant ni bonjour, ni bonsoir, mais qu'elle trouve touchant. Avec ses petites lunettes rondes lui donnant un air de professeur Tournesol. Il a plutôt l'air ailleurs, dans la lune.

Il pourrait peut-être lui donner une recette pour qu'il disparaisse, ce foutu père Noël, de façon à ce que sa famille et ses amies pense à elle, le jour de son anniversaire.

Et s'il est grincheux, c'est peut-être que lui aussi, le père Noël l'irrite, le rend furibond et de mauvaise humeur. Il doit y avoir une raison de ce genre à son comportement. Elle le trouve plutôt sympathique malgré son côté ronchonneur.

Il faut qu'elle lui parle.

C'est décidé, elle va lui parler de ce problème de père Noël.

 

La journée ne fait que commencer mais l'atmosphère de cette foutue journée de Noël est déjà bien installée. Toute la maison baigne dans cette folie de courses, de la cuisine, des jeux de cache-cache des uns et des autres pour se livrer à l'achat des cadeaux. Elle n'en peut plus. C'est décidé elle va rendre visite à ce vieux grincheux de voisin dont la chambre est juste au-dessus de la sienne. Elle entend souvent ses pas à l'heure des repas. Il vaque à ses occupations tranquillement.

 

Elle n'a aucun mal à s'esquiver de l'appartement dans l'effervescence du moment. Elle est comme transparente. Elle monte à l'étage au-dessus avec une certaine appréhension doublée d'une excitation qui l'étonne.

Arrivée devant sa porte, elle s'arrête et y colle son oreille. Après un certain moment, elle commence à se demander comment elle va bien pouvoir lui annoncer ce qui l'amène. Soudain, la porte s'ouvrit et elle se retrouva face à lui brusquement mais lui aussi fut tout aussi surpris. Ils se regardèrent et les minutes passaient. Un silence inquiétant s'était installé. C'est elle qui osa parler la première.

- Je ne vous dérange pas ?

Il bougonna dans sa barbe quelque chose comme une négation affirmative. Elle traduit cela par: mais non !

- Je peux vous voir un petit instant ?

Et c'est alors qu'elle compris qu'il était sur le point de sortir en ville.

- Tu va pouvoir me voir même un grand moment si tu veux bien venir avec moi, je pars faire des courses.

- D'accord, cela me plait bien, allons faire des courses.

En descendant, elle fit un saut à l'appartement pour se prendre un manteau et hop! En avant pour la grande aventure.

Elle le rejoignit dans le hall de l'immeuble. Il n'avait mis qu'une veste de velours, cela l'étonna. Mais c'est vrai qu'il fait particulièrement doux pour un jour de Noël.

 

Ils marchèrent côte à côte un moment sans prononcer un mot. De temps à autre, ils se regardaient un peu amusés. Halh avait douze ans et elle allait avoir treize ans. C'est ce qu'elle lui dit lorsqu'il lui demanda son âge. Et vous ? Et bien moi, je vais avoir soixante dix sept ans aujourd'hui. Veux-tu que l'on aille prendre quelque chose pour fêter nos anniversaires, demanda Halh ? D'accord, mais c'est moi qui t'invite. Bon, je suis bien obligé de te dire oui, car je m'aperçois que j'ai oublié de prendre de l'argent.

 

Sur le chemin du café, ils rencontrèrent des connaissances et beaucoup d'inconnus auxquels ce cher professeur Tournesol, c'est ainsi qu'elle l'appela, avait cette drôle d'habitude de demander l'heure à chaque passant.

Lorsqu'ils arrivèrent devant le café, elle vit l'un des garçons qu'elle connaissait bien de vue. Il fut tout étonné de les voir tous les deux marchant comme deux vieux copains qui viendraient prendre un verre. Il avait dans le regard un étonnement qui fit dire à ce vieux grincheux un: tu vois quelqu'un d'autre que nous sur ce trottoir ? Comme pour le provoquer. Il fut tout gêné et pour rattraper ce malentendu, les invita à rentrer au chaud à l'intérieur. Ils en rirent.

 

Son professeur Tournesol se dirigea sans hésitation vers le fond de la salle, à une table qu'il semblait bien connaître. Elle l'observa alors qu'ils touillaient le sucre dans leur café. Les garçons venaient lui dire bonjour les uns après les autres, mais lui restait indifférent. Elle osa lui demander s'il venait souvent ici. Il la regarda et lui sourit. C'était la première fois qu'elle le voyait sourire. Il semblait alors un autre homme. Comme il ne disait rien, elle lui demanda pourquoi il venait ici, assez régulièrement semble-t-il, à voir tous les garçons venir vers lui. Je parle à ma solitude, voilà la raison de ma venue dans ces lieux bruyant mais chaleureux.

Elle posa sa main sur la sienne et lui dit:

Je vous aime bien avec votre air de professeur Tournesol.

Halh se surprit à lui dire:

Je me sens bien avec vous et je crois que c'est la première fois que mon jour anniversaire a l'air de durée une éternité.

Même si ce n'est qu'un court instant, nous avons tous besoin d'une minute d'éternité, lui dit-il alors.

C'est très bien ce que vous me dites là. Je m'en souviendrai longtemps.

Ils sourirent en dégustant leur café.

Elle le vit toujours souriant et c'est le garçon qui fut le plus surpris de le voir ainsi.

 

Ils sortirent pour faire les courses de … Au fait, comment vous appelez-vous lui demanda Halh qui s'était présentée.

Moi, je m'appelle... il marqua un temps d'arrêt et la regarda l'air joyeux; Ernest Popinot.

 


 

Atelier d'écriture 18 janvier 2010

texte 11

Un titre: Bof !

Un début de phrase: Il pleut, il va bientôt neiger et l'hiver...

puis:

Des phrases, annoncées toutes les dix minutes.

1. Que de temps perdu à essayer de comprendre le pourquoi de la vie. Sa philosophie résida donc dans le plaisir des rencontres et l'émerveillement d'une relation.

2. Un petit vent frais apporte toujours une idée toute neuve.

3. L'arrivée de Jacques changea tout de suite l'atmosphère.

4. Jules n'en pouvait plus. Il n'arrivait pas à reprendre son souffle et il était loin d'être arrive au but, comment faire pour tenir le coup.

5. Le pire, c'est que personne ne savait ce qui était arrivé.

6. Mais qui sont-ils? Ils marchent d'un pas énigmatique au milieu de la foule et le restaurant dominait la ville illuminée.

 

Terminer par une strophe en vers alternés de 12 pieds et cette phrase disant ceci: Que faire ? N'importe quoi, direz-vous? Et bien, essayez !

 

Bof!

 

Il pleut. Il va bientôt neiger et l'hiver comme un leitmotiv va reprendre sa place dans le paysage annuel. Le manteau de neige enveloppera paysages et gens. Certains en profiterons pour se renfermer dans leur coquille alors que d'autres prendrons prétexte à communier avec la nature dans ce silence qui caractérise cette saison.

Saison de réflexion sur cette vie qui semble nous échapper, voire mourir discrètement avant la renaissance des premiers bourgeons. Et cela n'en finit pas de se répéter d'année en année depuis la nuit des temps. Angoisse puis espérance se succèdent.

Puis la roue tourne et voilà la cinquantaine qui approche. Et toujours les mêmes questions qui reviennent. Avec comme réponse finale un grand bof !... Que de temps perdu à essayer de comprendre le pourquoi de la vie. Sa philosophie résida donc dans le plaisir des rencontres et l'émerveillement d'une relation.

 

Malgré la froidure, il décida de sortir faire une marche pour se changer les idées. Qui sait ce qui peut advenir ? Allait-il garder ses habitudes ou bien changer de parcours ? Tout en enfilant son manteau, il cogitait sur le chemin qu'il allait prendre. Il ouvrit la porte, posa le pied sur le seuil et se dit qu'il serait bien qu'il se mette une écharpe, vu la température. Et tout en prenant son écharpe favorite, il se dit qu'un petit qu'un petit vent frais apporte toujours une idée toute neuve.

Il s'en fut donc d'un pas alerte jusqu'au coin de l'avenue à quelques centaines de mètres de sa maison. Il regarda à droite puis à gauche, allait-il faire son choix à pile ou face ? Il sentit qu'il tombait dans ses habituels travers. Devait-il aller vers la mer à droite ou vers la montagne à gauche ? Bof !... dit-il, je vais aller en face. Et il continua sur la rue, traversant l'avenue pour se lancer à l'assaut du centre-ville.

Il marcha une bonne demi-heure. Plus il avançait et plus la foule se faisait dense et envahissante. Certains jours, cela lui plaisait mais aujourd'hui il sentit une certaine angoisse. Et puis à l'angle du grand magasin Feminalia, il aperçu une connaissance qui vint vers lui. L'arrivée de Jacques changea tout de suite l'atmosphère. Cela faisait quelques temps qu'ils ne s'étaient pas vus. Devant l'air angoissé de Roger, il lui proposa de marcher vers les hauteurs de la ville pour respirer un meilleur air. Il accepta et c'est ainsi qu'ils se retrouvèrent à parcourir les allées du grand parc sur la montagne. Du haut du belvédère, ils pouvaient apercevoir la ville se déployer sous leurs yeux. En contrebas, ils aperçurent une de leur connaissance qui s'adonnait à son jogging. C'était bien lui... Apparemment il avait des difficultés respiratoires importantes. Arrivant à leur hauteur, il s'arrêta, interloqué par cette rencontre. Jules n'en pouvait plus. Il n'arrivait pas à reprendre son souffle et il était loin d'être arrive au but, comment faire pour tenir le coup. Ils se saluèrent, échangèrent quelques mots mais bien vite Jules voulu reprendre sa course, il avait encore bien du chemin à faire leur dit-il. Jacques et Roger n'arrivèrent pas à le convaincre de faire une pause. Il repartit bien vite.

 

Lorsque plus tard ils redescendirent vers le centre-ville, ils aperçurent un attroupement au carrefour de l'hôpital et du boulevard de la montagne. Ils s'approchèrent par curiosité et qu'elle ne fut pas leur surprise de voir que c'était leur copain, Jules, qui était l'objet de l'attroupement. Il était au sol entouré par des infirmiers du service d'urgence de l'hôpital, à deux pas de là. Comment cela était-il arrivé ? Un accident respiratoire, pensèrent-ils ? Mais non, il se pourrait qu'il fut renverser par une voiture ? Enfin personne n'était capable de connaître la raison de la présence de Jules ici. C'était bien ça le pire, c'est que personne ne savait ce qui était arrivé. Finalement tout s'arrangea pour le mieux. Les soins apportés par le personnel de l'hôpital firent merveille et ce brave Jules reprit ses esprits sous le regard de ses deux copains.

Bof, se dirent-il ce n'est rien !

Cela fut l'occasion de retrouvailles. Ils se connaissaient depuis le collège. Et ce soir ils ont décidé, profitant de cet incident, de prendre le temps de se voir.

Jacques proposa de les inviter au restaurant sur la montagne puisque c'est à deux pas d'ici, enfin presque, l'endroit le plus sympathique du coin. D'accord. Il fit signe à un taxi qui s'arrêta. Arrivés à destination, il y avait grand monde. Il devait y avoir un congrès ou quelque chose de ce genre. Il se regardèrent. Mais qui sont-ils ? Ils marchent d'un pas énigmatique au milieu de la foule et le restaurant dominait la ville illuminée. Ils retrouvèrent leurs vieilles habitudes dès qu'ils eurent poussé la porte du restaurant. Ce goût qu'ils avaient pour les jeux de mots qu'ils pratiquèrent allègrement lorsqu'ils se retrouvèrent à la Fac de Lettres.

A la fin du repas, le garçon apporta la note dans un coffret de bois et cela fut l'occasion de se lancer dans un jeu à propos du repas qu'il venait de terminer.

Et jules remarqua une strophe de quatre vers inscrite sur le coffret qui disait ceci:

 

En ce lieu vous dégusterez d'habituelles

nourritures que la terre nous a donner.

Que ces satisfactions calment les querelles

ou doutes qui vous habitent dans vos soirées.

 

 

Après cela, se dirent-ils, que faire ?

N'importe quoi, direz-vous ? Et bien essayer !

Bof, bof et encore bof...

 


 

Atelier d'écriture 1 mars 2010

texte 12

Le matin devant la glace

canevas de Gérard

 

 

 

C'est la première fois qu'il prend conscience de la réalité de sa chambre en se regardant dans le miroir de son lavabo. Il se rend compte qu'il n'a jamais, dans son regard, été au-delà de son visage. Tout ce qui était au-delà n'existait pas. Il est vrai qu'il ne vient pas souvent ici depuis pas mal de temps. Sa vie est accaparée par des centres d'intérêts qui l'éloignent de plus en plus de ces quatre murs, des murs qui ne renferment que des objets banals à part peut-être ce flacon d'essence de fleurs de lavande auquel l'attache une relation affective particulière. Et puis une atmosphère de solitude qu'il n'a pas trop envie de voir.

Voir, voir !...

Ces yeux bleus dans ce regard clair, est-ce bien lui ?

Il a l'impression qu'il reste peu de chose de celui qui... de l'enfant qu'il a été si ce n'est ces yeux bleus et cette franchise qui lui ont causé bien des soucis. Entre son éducation et son caractère entier, cela a été un dur combat contre lui-même pour admettre qu'il devait changer dans ses comportements sociaux s'il voulait survivre. Il en a perdu bien des cheveux.. Ce que son crâne dégarni révèle. Tu es bien trop idéaliste ne cessait de lui répéter son meilleur ami qui cependant comprenait sa nécessité de partager ses goûts de bon samaritain.

Alors bien sûr cela ne l'étonnait pas de voir de plus en plus de rides apparaître sur son visage. Mais depuis quelques temps, son changement de comportement social lui avait apporté du baume au cœur. Et quelle ne fut pas sa surprise de voir apparaître une nouvelle ride, petite mais bien différente que celles qui s'étaient développées sur son front. Ce genre de ride de soucis, d'angoisses, d'anxiété dit-on!

Mais est-ce bien sûr ?

Toujours est-il que le petit sourire qui lui vint, révéla cette ride au coin de la bouche. Mais pourquoi une seule ? Il devait peut-être encore travailler son optimisme ?

Il se demande si sa renaissance n'a pas à voir avec son dernier voyage en Grèce. C'est peut-être à Epidaure qu'il y a eu le déclic. C'est un peu comme une renaissance pour lui. Et en y pensant, son visage s'éclaircit. Il croit retrouver son visage de l'enfance tel qu'il peut se voir sur cette photo de famille ou il pourrait se prendre pour Bouddha. Et si le secret, c'était de retrouver cette spontanéité de l'enfance, cette candeur, cette force du nouveau-né. Il ne lirait plus du Rimbaud pour ses amis mais plutôt des Aïkus à la saveur printanière, à l'atmosphère irréelle d'apparence. Mais d'apparence seulement. Pour le plaisir de mots comme un air pur et léger.

Il se sentit soudain rajeunir de cinquante ans et il crût même voir apparaître une seconde ride dans le coin de sa bouche.

 


 

Atelier d'écriture 8 mars 2010

texte 13

Histoire de Willy.

Je me demande ce qui m'a pris de vouloir vivre dans un trou perdu. Je croyais être tranquille, mais je découvre la mesquinerie, la petitesse des gens. C'est de qu'il se dit après avoir reçu la visite de l'institutrice venue l'informer des ragots qui se colportent à propos de sa belle-mère. Que ce n'est pas sa belle-mère mais sa maîtresse!... Tu te rends compte! Bien sûr que je me rends compte que ma vie ne m'appartient plus. Mais il se demande si l'institutrice qui a presque le même âge que sa « maîtresse » comme elle dit, n'avait pas des désirs à son sujet. Vous devriez lui écrire pour au moins savoir pourquoi elle est partie!... Je lui ai répondu que cela ne servirait à rien d'écrire à sa belle-mère pour lui demander... lui demander quoi, d'ailleurs ? Il n'a pas envie qu'elle revienne sa belle-mère après ce qui s'est passé avec sa femme. Et que s'est-il passé lui a demandé l'institutrice ? Je ne peux vous le dire, c'est personnel. Intime, vous voulez dire ? Non, personnel. Ce n'est pas loin d'intime, alors ? Si vous voulez l'entendre comme ça, libre à vous. Il avait manqué de peu qu'il la mette à la porte. De quoi se mêle-t-elle, sous prétexte de vouloir m'aider. Tout en lui parlant, l'idée lui vint qu'il pourrait peut-être, pour qu'elle parte, lui faire du grain. Mais c'était risqué car si elle rentrait dans son jeu , cela compliquera sa vie inutilement. Il avait assez de problème avec sa belle-mère à laquelle il il ne pouvait d'ailleurs écrire, n'ayant pas son adresse sinon celle où il savait qu'elle n'était pas. C'est bien triste lui avait-elle dit tout en lui proposant de le revoir pour avoir de ses nouvelles. Tiens donc!...

A peine avait-il été s'installé sur la terrasse après ce départ de l'institutrice que la sonnette de la porte se fit entendre. Il avait à peine bu une gorgée de sa bière et sa surprise fut grande ou ouvrant la porte de voir le Maire du village dans son encadrement. Il se dit immédiatement qu'il devait y avoir un lien avec la visite de l'institutrice. Il ne se trompait pas. Monsieur le Maire avait croisé l'institutrice et bien sûr ce qui devait arriver, arriva. La disparition de sa belle-mère avait été l'objet de leur discussion. Il l'invita à prendre une bière avec lui, ce qu'il accepta.

- Vous comprenez, j'ai beaucoup d'estime pour votre belle-mère et vous-même, cela ma chagrine de voir votre relation d'étioler.

Ma relation s'étioler se dit-il ? C'est intéressant.

Je sais ce qui se dit au village et cela m'inquiète. Je suis habitué aux médisances de toutes sortes qui me viennent aux oreilles mais vis-à-vis de vous, cela me fait de la peine. N'ayez crainte lui ais-je dis, ce n'ai pas une fugue, ce n'est pas une disparition, ce n'est pas une dispute entre nous. De vous à moi, je peux vous le dire, ce n'est qu'une absence temporaire pour des raisons familiales.

C'est alors qu'il se demanda si le Maire savait que sa belle-mère n'était pas sa belle-mère. Il n'avait pas l'air de le croire. Il avait rencontré récemment son frère qui ne semblait pas le porter dans son cœur.

- Vous comprenez, cela me gêne de vous le dire, mais je sais que ce n'est pas votre belle-mère mais votre maîtresse.

- Si vous le dites, ça doit être vrai, lui ais-je répondu.

- Vous voulez dire par là que ce n'est pas vrai ?

Je ne répondis pas et le laissa avec son interrogation. Je n'allais pas lui révéler que je n'avais jamais aimé cette personne parce qu'il m'étais impossible d'aimer ma belle-mère en même temps que sa fille. C'est ce que je lui avais laisser entendre.

Il était parti dubitatif et moi satisfait.

- Je sens que vous avez encore des sentiments pour elle, cela va s'arranger, j'en suis sûr.

Je le confortais dans ses sentiments et ainsi il me quitta. Mais cela ne s'arrêta pas là. Le lendemain, j'appris que j'avais tué ma belle-mère! Je n'en revenais pas. Mais ce qui m'étonna le plus, furent les raisons invoquées.

Ce n'était pas ma belle-mère mais ma mère adoptive et je l'aurais tuée pour hériter de son château ! J'ai toujours été frappé par la relation de cause à effet qui existe entre ce que les gens vous disent et ce qu'il sont. Leur argumentation est toujours le reflet de ce qu'il sont. Mais ils ne s'en rendent pas compte. Ils vous prêtent des sentiments qui découlent des leurs propres.

A vous, je peux l'avouer, je n'ai pas tué ma belle-mère, qui n'est pas ma mère adoptive ni ma femme mais ma sœur de cœur et qu'un accident de parcours a définitivement éloigné de ma vie. La seule chose que je sais, c'est qu'elle n'est plus à mes côtés mais je ne sais pas où elle est partie, ni pourquoi.

Enfin c'est ce que je pense actuellement. Mais je ne peux pas leur dire comme je vous le dis.

 


 

Atelier d'écriture 15 mars 2010

texte 14

Je ne me souviens plus...

Je ne me souviens plus de ce que Marie-Madeleine disait au sujet de Jésus Sauveur.

Je me souviens qu'elle en parlait avec affection et tendresse.

Pourquoi ?

Sans doute parce que, pour elle, il était plus que Jésus Sauveur. Jésus avait pris le pas sur Sauveur.

 

Au fur et à mesure que le temps passait, pour Marie-Madeleine de nombreuses questions se posaient mais ne recevaient pas de réponses. Elle en était troublée. Car elle n'avait pas imaginé que leur relation puisse prendre une telle importance, devienne le centre de leur vie. Et de celui de leur entourage. Il n'y avait pas de la jalousie mais plutôt de l'admiration pour ce qu'ils vivaient. Ce que l'un et l'autre représentait ne pouvait qu'ajouter une dose d'incertitude quant à leur devenir.

L'importance qu'avait pris Jésus aux yeux de son entourage ne lui faisait pas ombrage sauf que pour quelques uns, elle restait la fille de mauvaise vie. Mais il avait su remettre les pendules à l'heure. Et les mauvaises langues s'étaient tues. Parfois, elle regrettait le temps jadis ou sa vie n'était pas dans la lumière, quand elle vivait dans l'ombre. Qu'elle n'était pas à côté de cet homme hors du commun qui l'avait mis en lumière.

Quand, autrefois, elle regardait le ciel, elle n'y voyait que du bleu le jour et des étoiles la nuit. Maintenant elle y voyait une dimension de l'Univers qui l'intriguait, lui renvoyait des mots et des faits de Jésus.

Elle avait pris conscience que le monde est complexe et contradictoire. Sa vie lui semblait simple auparavant même si ce n'était pas rose tous les jours. Mais cela était de l'histoire ancienne. Elle ne pouvait revenir en arrière. Mais pourquoi, d'ailleurs, revenir en arrière ? Il lui semblait qu'elle s'engageait sur un chemin nouveau où tout était à découvrir. Cela la rendait joyeuse. Elle était rayonnante et Jésus l'aimait ainsi.

Marie-Madeleine, quelquefois, regardait l'évolution de leur relation comme un don du Ciel, c'était le cas de le dire; d'autres fois, elle se disait que cela ne pourrait continuer bien longtemps, sans qu'elle sache dire pourquoi. Elle avait juste envie de vivre le moment présent avec le maximum d'intensité pour le plaisir de vivre un moment d'exception. Et ce d'autant plus que l'un d'entre eux avait laissé entendre que cela ne durerai pas.

Mais qu'est-ce qui ne durerait pas ?

Elle mit cela sur le compte de la jalousie. Mais jalousie à son égard ou à celui de Jésus ? Ça, elle ne le savait pas encore. Mais avec le temps elle se dit qu'elle le saurait un jour ou l'autre. D'ailleurs, Jésus venait de leur dire que quelqu'un allait le trahir. Et ce quelqu'un, c'était soi celui qu'elle pensait jaloux de la relation qu'elle entretenait avec Jésus, soi qui était envieux de la position de Jésus au sein de leur communauté. Il lui sembla qu'elle serait fixée d'ici quelques temps. Elle fut tout étonnée d'être sereine malgré ces interrogations qui la concernait d'une manière ou d'une autre. Mais aussi, elle se rendit compte que cela l'excitait au plus haut point, elle se prenait au jeu. Avait-elle un goût pour les intrigues, les enquêtes, les jeux de pouvoir, elle qui ne s'intéressait qu'à sa petite vie il n'y a pas si longtemps ?

 

Un jour, Jésus avait proposé à Marie-Madeleine une promenade en barque sur le lac. Elle ne posa pas de question. Cela lui plaisait bien de se retrouver en tête-à-tête avec lui. Et puis cela lui rappellerai le temps où elle accompagnait son père à la pêche. Elle avait découvert que le regard que l'on a du lac à partir de la rive était une chose mais que de découvrir son contraire était tout aussi agréable. D'autant qu'ils avaient débarqué sur l'île qui se trouve en face, et de là le panorama sur les montagnes et absolument époustouflant. Les sommets enneigés qui se mirent dans l'eau du Titicaca, c'est merveilleux.

Et peut-être qu'il lui parlerait de la Pachamama ?

Et bien non, il ne lui dit rien de sa chère Pachamama qu'elle affectionnait particulièrement. Elle l'écouta sans rien dire. Ils étaient assis côte à côte. Elle sentit qu'elle le troublait, c'était la première fois qu'ils étaient seul, vraiment seul et sûr de le rester. Cette île les protégeait. Comme Jésus s'arrêta de parler, elle posa sa main sur la sienne comme pour lui dire de continuer. En réalité, elle voulait juste, à sa façon, lui témoigner son affection. Il posa à son tour son autre main sur la sienne. Cela fit ressortir de lointains souvenirs. Et c'était encore à propos de la Pachamama. Ce fut la première fois que son père lui parla d'elle en lui prenant la main entre les siennes. C'est alors qu'elle ne put s'empêcher de parler de la Terre-mère et qu'elle fut pas sa surprise de le voir écouter avec une grande attention, comme si pour une fois, les rôles étaient inversés.

Elle se leva comme pour s'élancer vers le rivage et se retourna vers lui, puis voulant lui adresser de nouveau la parole, il lui sembla entendre la voix de son père lui dire:

Qui parle ne sait pas, qui sait ne parle pas.

Elle revint vers lui sans mot dire et lui tendit la main comme pour lui dire: allons!

 


 

Atelier d'écriture 29 mars 2010

texte 15

J'ai peur que...

 

J'ai peur que le monde de la finance nous amène dans le mur. C'est-à-dire qu'il soit à l'origine d'un conflit mondial. Un conflit qui naitra des frustrations, des désespérances, de l'expansion incommensurable de la misère. Une misère qui atteindra toutes les couches sociales à l'exception des très riches. Et encore, j'ai des doutes même à ce niveau.

 

Tu sais, je n'aurai plus peur de prendre le tram malgré ce qui m'est arrivé Non pas que des policiers, à moins que ce soient des vigiles, sont embarqués à bord, mais parce que j'ai pris confiance en moi par la pratique de sport de combat. Je n'y croyais pas trop au début et puis au fur et à mesure de l'évolution de ma pratique, j'ai mesuré les changements qui s'opéraient en moi. Et cela ma réconforté.

 

Je n'aurai pas eu peur que tu oses t'affronter à ton patron car il faudrait bien, un jour ou l'autre, crever l'abcès. Ta situation est intenable et cela te rend malade, j'ai peur maintenant de te voir te recroqueviller, t'auto-détruire, te rendre malade au plus profond de toi. A moins que tu redoubles ta consommation de cigarettes qui est déjà passablement excessive, pensant par là, contourner ton mal-être.

 

Par contre,

Je n'ai plus peur de mes peurs grâce à ma rencontre avec la pensée taoïste qui m'a remis sur la Voie. J'y étais dans mon enfance et les affres de la vie d'adulte m'en avaient éloignée. Mais ce n'était que superficiel. La peur naît de la crainte de ne pas trouver de porte de sortie, il me semble, à ce qui nous angoisse. J'arrive maintenant à me retirer du monde tout en y restant. Ce n'est pas facile tous les jours mais j'y arrive d mieux en mieux. La peinture et l'écriture sont mes deux armes.

 


 

Atelier d'écriture 12 avril 2010

texte 16

J'attends que...

J'ai tente huit ans et j'attends que le printemps arrive sous le regard de la Vénus de Botticelli. Les fleurs du tableau n'ont pas de parfum mais peut-être qu'un jour un artiste trouvera le moyen de donner vie aux objets de son tableau. Y compris dans les senteurs, les parfums des oranges et autres agrumes.

Pour l'heure, je profite de mon temps libre puisque je suis en vacances et cette visite du musée de Florence, visite virtuelle via internet, je l'effectue sous la pleine lune qui donne à la campagne une atmosphère étrange, une luminosité de temps de décadence surréaliste à la Magritte. J'entends au loin le bruit d'une puissante moto sur l'autoroute qui monte en régime à faire exploser les vitres des maisons. Botticelli le vit mal et moi aussi. Je rentre à la maison, s'en est trop.

 

 

J'ai tente neuf ans, j'attends que le meilleur arrive puisque le meilleur est toujours à venir paraît-il ?... Il va falloir que je prenne mon mal en patience. Ma jeunesse est bien loin et le meilleur a failli arriver. Je l'ai souvent espéré, suscité, appelé de mes vœux mais nada. J'aurais peut-être dû mettre un cierge à St Antoine ou à je ne sais quel saint, il y en a tant, pour me redonner de l'espoir !...

Mais je crois avoir trouvé la solution.

Je ne vais rien attendre. Ce sera la bonne attitude. N'espérant rien, ne désirant rien, ayant pour seul objectif que de vivre chaque instant dans sa plénitude, de prendre la vie du bon côté sans chercher à la diriger, ce qui adviendra sera ainsi toujours le meilleur dans l'instant puisque je ne désirerai pas qu'il soit meilleur qu'avant. Il sera, point.

 

 

J'ai six tente ans, j'attends de trouver ma voie m'a dit un ami. Et bien moi, lui ais-je dit je n'attends que le bus à l'arrêt; je n'attends que la pluie cesse de tomber pour sortir me promener; je n'attends que le coucher du soleil pour prendre l'apéro; je n'attends que le joli mois de mai pour cueillir du muguet; je n'attends que la marée basse pour aller ramasser des coquillages; je n'attends que la pleine lune pour retrouver ma brune.

Mais je n'attends pas le bus qui est en grève; je n'attends pas que la pluie reprenne pour arroser mes fleurs; je n'attends le coucher du soleil pour savoir que la nuit va arriver; je n'attends pas le jolie mois de mai pour seulement cueillir le muguet; je n'attends pas que la marée basse soit basse pour me baigner; je n'attends la pleine lune pour marcher dans la campagne.

 

Alors, je ne voudrais pas attendre la grève des bus pour marcher; je ne voudrais pas que la pluie fasse grève pour les fleurs; je ne voudrais pas que le soleil n'aille plus se coucher car il ne se lèverai plus alors!; je ne voudrais pas pas attendre le moi de mai si je savais que je ne pourrai plus faire ce qui me plait;je ne voudrais pas attendre la marée basse à l'heure de la marée haute; je ne voudrais pas attendre la pleine lune sous un soleil de plomb.

 

Et enfin je n'attends pas encore la fin de la faim qui taraude les estomacs des millions d'humains, ce sera pour une autre fois, une autre fin. L'écran noir total et définitif.

 


 

 

Atelier d'écriture 19 avril 2010

texte 17

On disait de lui...

On disait de lui qu'il était le prince de l'esbroufe. Mais ce n'était qu'apparence. Il était plutôt dans un jeu sociétal. Et cela l'amusait bien lorsqu'il trouvait son public. Pour qui le connaissait dans son intimité comme moi, qui l'avait vu vouloir rester dans l'ombre alors qu'il avait la capacité et les qualités d'un responsable pouvant se permettre d'affronter haut-la-main des situations plus que difficiles, il était dans cet instant à l'image de sa vrai nature. Une nature double et contradictoire.

Par contre, personne n'a jamais dit de lui qu'il pouvait être l'une et l'autre de ces facettes. La plupart du temps il était perçu comme un m'as-tu-vu, soit soit comme une personne manquant d'assurance. Et à leurs yeux, c'était la raison de son attitude lorsqu'il se posait en retrait. Et lorsqu'il était dans l'esbroufe, à leurs yeux c'était pour se donner une contenance, se rassurer. Moi, je savais le combat qu'il menait en son for intérieur. Cette double nature antagoniste lui posait bien des problèmes. Et c'est sa compagne qui souvent servait de tampon.

On disait d'elle qu'elle était son paratonnerre. Son parachute. Elle lui permettait de retomber sur ses pattes dans certains cas ou de s'éclipser dans d'autres cas. De fait, ils s'en amusaient et c'était un jeu qui parfois prenait le pas sur les événements.

 

Par contre personne n'a jamais su qu'elle en souffrait car cela prenait une énergie et du temps qu'ils auraient préféré garder pour leur vie intime. Ils avaient déjà suffisamment d'obligation de par leur fonction au sein du gouvernement de la principauté. Cela faisait des années que cela durait et les années passant, cela devenait de plus en plus difficile à gérer. Qui aurait pu penser que les contraintes de l'âge et du temps viendraient mettre un grain de sable fatal qui bouleverse toute une vie.

C'est alors cette double nature qui vint à son secours et leur permit de se sortir d'un dilemme qui aurait été inacceptable aux yeux qui les observaient constamment. Ils se retirèrent sur la pointe des pieds en profitant d'un voyage aux antipodes.

 

Peut-être aurait-il fallu choisir une autre sortie mais avaient-ils le choix ? Cela leur permit de commencer à vivre leur propre vie tels qu'ils l'entendaient. Fini l'esbroufe, fini l'obligation de se surpasser pour épater la galerie. Ils pourraient enfin se donner entièrement à la construction de leur relation intime. Ils n'avaient de compte à rendre à personne sauf à eux-mêmes. Et cela était autrement plus difficile mais excitant.

 

Les gens disent encore aujourd'hui un tas d'absurdités sur leurs comportements sauf une voix ou deux qui, plus lucide, comprennent le véritable enjeu de leur choix de vie. Cela, pour les privilégiés qui connaissent la fin de leur histoire. Pour la grande majorité, ils n'ont pas eu le courage le courage ni la compétence que certains leur prêtaient. La critique est trop facile rétorquaient les plus lucides.

 

Par contre, les gens ne disent jamais qu'ils ont eu raison de quitter le navire de la vie public pour se concentrer sur leur propre vie. Qu'y a-t-il de mal à cela ? Il semblerait que ce qui lui était reproché soit aujourd'hui regretté, comme si le théâtre de la scène publique était en manque. L'esbroufe n'était plus perçu comme quelque chose à réprimander. Cela devait permettre à certains d'oublier leurs propres problèmes, semble-t-il. Et puis certains caricaturiste étaient en manque d'inspiration.

Moi, je n'ai su de leur histoire que la réalité profonde qui a échappé aux médias, bien heureusement pour eux, et à tous les chiens qui aboient lorsque la caravane passe. Et j'en suis d'autant plus heureux que c'est en partie grâce à moi qu'ils ont fait ce choix d'échapper aux regards du monde. Je leur disais toujours: pour vivre heureux, il faut vivre caché. Ils en riaient, blaguaient. Car cela ne leur était pas indifférent ni une expression inconnue. Je savais qu'en leur for intérieur, ils adhéraient même assez bien à cette vision des choses. Mais je ne pensais pas qu'ils passeraient à l'acte un jour.

 

De lui, on disait qu'il était tantôt blanc, tantôt noir. Aujourd'hui, pour beaucoup c'est un fantôme gris sans intérêt. C'est drôle comme les tons de gris semblent déranger l'homme du commun. Il faut être blanc ou noir, c'est plus commode. Mais lui n'était ni l'un, ni l'autre. Il était autre part mais cela échappait aux regards de la majorité des homos sapiens. Il avait su se protéger. Grand bien lui ai fait.

 

D'elle, on disait qu'elle était tantôt sa bonne conscience, tantôt sa mauvaise conscience. Tantôt sa compagne, tantôt sa maitresse, au mauvais sans du terme. Elle n'était rien de tout cela. Elle voulut être son égérie et son inspiratrice. Mais leurs fonctions étant devenues trop dévorantes, elle comprit qu'ils devraient faire un choix drastique s'ils voulaient ne pas perdre leur âme. C'est ce qu'ils firent en s'éclipsant par la porte de derrière.

 

 


Atelier d'écriture 3 mai 2010

texte 18

 

A la recherche du bonheur !...

 

C'est quoi cette histoire de bonheur ? Il paraît qu'Amédée est en quête du bonheur ? Ses copains et copines en sont restés baba. Lui, en quête du bonheur ? Ils se disent qu'il va avoir du pain sur la planche, lui dont le credo le paraître avant l'être. S'occuper de sa carrière avant de s'occuper de sa personne. Mais c'est justement parce qu'il veut s'occuper de lui, leurs avait-il dit, qu'il est décidé à se trouver l'âme sœur pour vivre dans la campagne verdoyante de son enfance. Il veut quitter la grande ville, source de tous ses maux, dit-il, et rencontrer des émotions que seule la nature peut lui apporter.

Il a donc appliqué son plan de bataille et au bout de quelques semaines, il s'est trouvé sa Juliette. Présentation a été faite à son entourage, son cercle d'amis plus exactement, qui lui souhaita bien du bonheur et plein de bonnes choses. Il était comme sur un petit nuage. Juliette était enjouée et rieuse. Toujours de bonne composition et cela semblait plaire à Amédée. Mais je remarquais qu'il y avait par moment une certaine crispation lorsque ses copains devenaient entreprenant devant les comportements plutôt de Juliette. Sentait-il déjà qu'elle pouvait lui échapper ?

Il y avait quelques mois que je n'avais pas eu de nouvelles d'Amédée. Et alors que je faisais mon marché en ville voilà-t-il pas que le rencontre seul, l'air inquiet. Que t'arrive-t-il mon Amédée, tu fais une drôle de tête ? Ne me dit pas que cela ne va plus avec Juliette. Il me rassura sur leur relation. Tout était merveilleux. Il vivait une idylle extraordinaire. Elle était merveilleuse, attentionnée, drôle mais pour ce qui était de gérer le quotidien de la maison, c'était une autre histoire. Mais il me rassura en me disant qu'il avait embauché une personne pour tous ces travaux de la vie quotidienne pour lesquels il n'avait pas, lui non plus, une grande affinité. Et comme je lui disais que donc tout devait aller bien, je vis qu'il restais maussade. Tu ne me dis pas tout, n'est-ce pas ? Il me fit son cinéma comme il savait si bien le faire mais devant mon air interrogatif, il se lâcha. Je viens d'être nommé en Chine par ma société. C'est une bonne nouvelle, ça ! C'est toi qui le dit, mais moi ça ne m'enchante pas car je viens d'acquérir une maison en Dordogne où j'avais prévu de m'installer progressivement. Et dans quelques années quitter mon travail pour vivre avec Juliette loin des tracas de la ville. Vivre notre bonheur comme nous l'entendons.

- Et quel est le problème ?

- Et bien Juliette n'est pas très chaude pour aller en Chine avec moi. D'ailleurs, elle m'a avoué que même la Dordogne ne l'emballait pas plus que ça.

- Tu veux me dire que tu découvres une autre Juliette que celle que tu nous avais présenté de manière dithyrambique lors de nos présentations.

- C'est un peu ça, hélas!

Je vis un Amédée tourneboulé. Il n'était pas dans son assiette et je dois avouer que je ne l'avais jamais vu ainsi.

Mais j'avais un doute. Son histoire me paraissait bancale. Je découvris quelques mois plus tard par une amie commune qu'il avait en réalité commis l'erreur de se laisser aller à des dérives à l'encontre de sa bonne et que sa Juliette l'avais très mal pris. Elle avait sur le champ quitter l'appartement. Et depuis, il n'avait plus eu de nouvelles malgré ses supplications et nombreuses tentatives pour essayer de recoller les morceaux. Il lui avait promis le grand amour, avec en prime le bonheur et à la première occasion, il avait sauté sur une paire de seins aguichants, ce que n'avait pas Juliette.

 

Après cette rencontre, je n'eus plus de nouvelles d'Amédée durant quelques années. Était-il parti en Chine malgré tout ? S'était-il retiré dans sa maison en Dordogne, vivant en ermite ? Ou bien avait-il repris un autre travail dans une nouvelle société ?

Alors que je dinais chez des amis et que nous regardions le journal télévisé, quel ne fut pas ma surprise de le voir dans un monastère bouddhiste. C'était une reportage sur la Savoie et ses anciens monastères chrétiens reconvertis en temple bouddhiste. Il en était le responsable de la communication. Cela lui allait bien. Je n'en croyais pas mes yeux. Tout d'abord, je n'y avais pas fais attention et c'est mon ami Alexis qui le reconnu. Il savait vaguement qu'il avait tout quitté pour changer de vie. Mais, rien de plus. Où était-il, qu'était-il devenu ? Eh bien voilà, nous étions maintenant fixés. Amédée était devenu bouddhiste.

Quelle surprise.

 


 

Atelier d'écriture 10 mai 2010

texte 19

Angoisse existentielle.

 

Il est dix-sept heures pile. C'est l'heure à laquelle Marcel Dugommier sort pour sa promenade quotidienne. Il regarde le ciel pour se rassurer qu'une averse ne viendra pas lui gâcher son plaisir. Sous son chapeau de paille tressée, son visage buriné est barré par une moustache à la Salvador Dali. Il ne fait pas son âge. Il y a un côté adolescent dans son physique. Il marche d'un pas alerte sur le chemin qui serpente dans le vallon menant au lac. Mais par moment ce pas se fait plus lent et semble se bloquer. Mais il continue car il doit aller au bout du chemin, devant le lac où il venait se baigner avec sa mère étant enfant.

 

Chaque jour c'est la même question lancinante qui envahie son esprit. Il voudrait bien sortir de l'angoisse qui le taraude mais rien n'y fait. Il a tenté d'y échapper en se noyant dans le travail tout d'abord et puis dans les voyages, ensuite dans des stages de ceci et de cela. Cela est apparu à la mort de sa mère et n'a fait que s'intensifier d'année en année. Un manque de confiance en lui s'est développé peu à peu au pint de l'empêcher d'avoir une relation affective avec une femme. Et maintenant avec tout être humain. Marcel, tu files un mauvais coton, se dit-il.

 

Peut-être que l'espoir va pointer son nez dans la vie de Marcel Dugommier. Enfin, c'est ce qu'il se dit ce matin en se levant, en constatant un changement dans son regard sur le monde. Comme si dans le ciel bouché de son horizon, une lueur s'était manifestée. Il avait une sensation en lui qui lui donnait cette impression. Il respirait mieux qu'à son habitude. C'était pour lui un signe. Cela ne s'était jamais produit depuis des années. Il avait l'impression de se retrouver dans les années de son adolescence précédent la mort de sa mère. Il se regarda dans la glace et eut l'impression d'avoir rajeuni. Il haussa les épaules. Ce ne fut qu'une impression.

 

Sa promenade quotidienne s'avéra nécessaire pour son moral. Il sortit avec une drôle de sensation. Après le petit bois, le paysage s'élargit et soudain le lac apparaît. Il ralentit son pas. Le banc sur lequel il s'assied habituellement n'est plus là. Il était en très mauvais état. La mairie a dû vouloir le remplacer mais n'a pas encore fait le nécessaire. A moins que ce soit quelqu'un qui soit venu récupérer le bois, qui sait ? Cela le dérangea quelque peu. C'est alors qu'il eut comme une illumination intérieure. Il alla s'asseoir en tailleur à l'emplacement du banc et face au lac, il sentit monter en lui un désir de tourner la page, de se détacher de ses habitudes et de ses souvenirs. Il décida à cet instant qu'il allait s'occuper de lui et cesser de vivre dans le regret d'un temps passé qui n'avait plus raison de l'empêcher de s'asseoir même s'il n'y avait plus de banc.

 

Je l'aime bien Marcel, il est souriant et aime discuter de la pluie et du beau temps. Au travail où je l'ai connu, il est apprécié de tous. Enfin, je crois. Il y en a bien quelques uns qui ne l'apprécient pas mais je pense que cela est plutôt de la jalousie. Je n'oublierai pas le voyage que nous avons fait ensemble en Grèce. C'est une culture que nous aimons l'un et l'autre et ce fut l'occasion de le voir heureux. Ce que je crois qu'il est malgré ce que disent certains au travail.

 

Depuis combien d'années n'est-il pas venu ici, sur le bord de ce lac, qu'il ne reconnaît pas d'ailleurs, avec les aménagements qui y ont été réalisés. Il a l'impression d'être dans un autre pays au bord d'un autre lac. Et pourtant lorsqu'il regarde au loin, c'est bien toujours le même paysage. C'est pareil et ce n'est pas pareil. A l'image de sa vie. Les lointains n'ont pas changé mais son environnement proche a été bouleversé de fond en comble.

Une sorte de petit pavillon ouvert a été construit à l'emplacement du banc où il venait s'asseoir. Il pénètre dessous et machinalement il s'assoit au centre sur une sorte de plot qui semble marquer un lien mystérieux. Le lien de sa transformation de l'adolescence àl'adulte.

 


 

Atelier d'écriture 17 mai 2010

texte 20

Exercice de poésie

Version 1

Motus et bouche cousue, l'âme du monde.

Le silence de la nuit enveloppe mes fantasmes,

N'attendant rien sur le bord de la mer.

 

Ici et nulle part, à moins que ce soit de l'autre côté,

Je voudrais bien le savoir, c'est un bon début.

Pan toute! Malheureusement je l'ai cru mon cœur!

 

Du pays aux odeurs enchanteresses, aux eaux claires,

Mais aussi des amours déçus sous des lumières divines,

Absolument! Mais le temps m'a joué un vilain tour.

 

Version 2

 

Motus et bouche couse, l'âme du monde

Le silence, la nuit, enveloppe ma blonde.

Je n'attends vraiment rien sur le bord de l'onde.

 

Ici et nulle part ou alors à côté

Je voudrais bien le savoir, pour l'en assurer.

Mais pan toute! Mon cœur est bien désabusé.

 

Du pays aux odeurs douces, aux eaux claires;

Amours déçus, à contre-temps, hors lumières

Le temps m'a joué un bien vilain tour, hier.

 

 


 

Atelier d'écriture 31 mai 2010

texte 21

Souvenirs, souvenirs.

Ce n'était pas la première fois que Charles André se faisait remarquer par son attitude déterminée. Il venait tout juste de rentrer dans sa onzième année. Sa mère en était plutôt fière, mais dans son entourage scolaire, cela provoquait des remous, voir des animosités car il était perçu comme un orgueilleux, un m'as-tu-vu pour certains. Cependant, il avait un petit noyau d'admirateurs et quelque fois une ambiance « guerre des boutons » n'était pas loin d'émerger. Son père qui par son travail était souvent absent, suivait cela de très loin. Trop loin pour s'intéresser à des réactions de l'entourage qu'il voyait comme l'expression de la jalousie de ses copains de classe. En aparté, il admettait cependant qu'il pouvait aller loin si les petites bêtes ne le mangent pas. C'était l'une de ses expressions favorites qu'il reprenait en citant son grand-père dont la vie avait été quelque peu aventurière avant qu'il ne se range sous la couette, aidé en cela par une aventurière que Tarzan n'aurait pas refusée. J'étais assez d'accord avec son père, ce qui faisait enrager sa mère car elle avait en elle une part de scepticisme que son attitude déterminée agaçait parfois. Elle y voyait un possible obstacle dans le parcours de sa vie.

En le revoyant dans sa quinzième année, je repensais alors à cette remarque portée par sa mère lorsque j'appris de sa bouche l'amertume qui l'avait envahie à la suite d'une histoire assez banale pour moi mais qui avait pris une importance démesurée à ses yeux.

J'étais venu assister à un match de volley-ball, invité par l'une de mes nièces. Il était le leader de son équipe et ma nièce, celle de 'équipe adverse. Elle m'avait avoué qu'elle ne se faisait pas top d'illusions quant à une victoire car elle savait que l'équipe de Charles André avait une très bonne réputation. Tout alla très bien durant le premier jeu pour lui et son équipe et puis soudain, comme un grain de sable venant enrayer la machine, il y eut un renversement d'avantages. Charles André ne semblait plus maitriser son jeu. Il commettait faute sur faute.

Que se passait-il ?

Je remarquais alors qu'il semblait comme tétaniser par la présence de ma nièce. Et elle sembla en jouer à plaisir à partir de cet instant. Le grand chef, sur de lui, toujours déterminé, volontaire, perdit la face devant son équipe. Le grand héros fut contester, remis en question. Il ne le supporta pas et fit une sortie fracassante pour ne pas affronter les quolibets.

Il n'admettait pas que les sentiments viennent interférer dans son jeu. Ma nièce fut portée en triomphe devant le succès de son équipe et Charles André m'avoua plus tard son amertume à voir son équipe le réfuter. Mais ce qui m'étonna le plus fut son aveuglement à ne pas voir qu'il était tombé amoureux et que cela l'avait perturbé à en perdre ses moyens. Surtout les moqueries de certains qui n'étaient pas dupes de ce qui se passait et qui en profitaient pour lancer quelques piques, histoires de se venger de l'arrogance que parfois il montrait à travers sa détermination. Détermination qui apparaissait comme un désir de puissance, de domination pour quelques uns. Ils le supportaient tout en se disant qu'un jour ou l'autre la vie lui apprendrait à vivre. Et ce jour là rectifia le cours de sa vie sous les apparences de Cupidon. Il le compris bien plus tard et ne s'en plaignit point. Ma nièce l'y aida quelque peu et il accepta de regarder la vie avec un autre œil que de celui de l'objectif à atteindre par quelques moyens que ce soient.

 

A l'approche de la cinquantaine, Charles André était devenu un homme tranquille. A l'exemple de son arrière grand-père, il avait bourlingué à travers les océans et les déserts, les grandes métropoles et les montagnes aux sommets enneigés éternellement. Et puis un jour, ayant décidé de se poser quelque part, il y retrouva une ancienne connaissance qui l'avait battu lors d'un fameux match de volley. Avec l'âge il eut la sagesse de reconnaître ses sentiments, de ne pas les réfuter et de s'en servir pour continuer à poursuivre sa route, une route plus traditionnelle mais tout aussi difficile à gérer que les aventures que l'on rencontre à l'orée des bois ou des mers. Mais il reconnut qu'il était près à les affronter. Déterminait mais sans orgueil exagéré. Ma nièce y était pour beaucoup mais il n'en dit jamais rien, sauf à moi.

 

 


Atelier d'écriture 4 octobre 2010

texte 22

A la recherche du temps...

L'heure c'est l'heure. Dès qu'il ouvre l'œil, Amédé jette un regard vers l'horloge sur la commode. Il n'est plus très jeune Amédé. Il va vers ses quatre-vingt-neuf printemps. Les premiers rayons d'un soleil de printemps, qui est pas mal entamé, éclairent d'une douce lumière la pénombre de sa chambre. Sa vue est encore bonne pour son âge et les chiffres de l'horloge sont assez gros pour qu'il puisse les lire de son lit. Il sait bien que cette vieille horloge ne fonctionne plus depuis belles lurettes, mais c'est plus fort que lui, son regard va invariablement vers le cadran dès son réveil. Huit heures, c'est l'heure se dit-il. Les aiguilles sont bloquées là et le temps s'est arrêté à cette heure-ci un certain jour qui est resté dans la mémoire d'Amédé comme une marque indélébile. Impossible de l'effacer, le veut-il d'ailleurs? Et il en sera ainsi jusqu'à la fin, du matin au soir.

 

Mais pour Amédé, l'heure s'est arrêtée il y a bien longtemps. Dès sa petite enfance semble-t-il. Il n'en parle jamais, mais je sais par l'une de ses tantes que lorsqu'il devait avoir six ou sept ans, il a commencé à regarder le carillon de la salle à manger avec une obsession, une manie étrange, après le départ de sa mère, un matin vers huit heures et qu'elle ne devait plus revenir sous le toit de la maison. Il y eut une nouvelle maman mais malgré cela, il continua à se planter devant le carillon tous les matins à huit heures comme si le temps pouvait revenir en arrière, que l'histoire puisse se réécrire. Il avait essayé de la réécrire mais en vain.

 

Ce soir comme à son habitude, Amédé se dirige lentement vers le guéridon du salon et se plante devant. Lentement, il prend un cadre qui est dessus et le serre contre lui. Une larme coule sur sa joue qu'il n'essuie pas, alors qu'il se retourne après avoir posé le cadre sur le guéridon.

 

Pourquoi, pourquoi, se dit-il en allant s'asseoir sur le canapé du salon comme chaque soir. Il ferme les yeux et revoit cette image qui le hante depuis son enfance. Alors qu'il rentre de l'école plus tôt que prévu, car son maître était absent pour des raisons personnelles, à l'instant où il pénétra dans la cour de la maison, il sentit une odeur de brûlé. Cela venait du jardin derrière l'appentis. Il avait alors une dizaine d'années. Il n'y avait personne dans la maison. Il appela mais n'eut pas de réponse. Il revint vers la cour et aperçut au-dessus du toit de l'appentis une fumée venant du jardin. Il s'y aventura doucement et qu'elle ne fut pas sa stupeur de voir sa belle-mère, brûlant des objets et effets de sa mère. Il hurla comme un fou «pourquoi» et s'enfuit en courant se réfugier dans sa chambre.

 

Ce soir, comme d'habitude, je vais m'asseoir sur le pas de la porte, scrutant le bout du chemin avec l'espoir de la voir revenir, car il n'est pas possible qu'elle m'ait abandonné. C'est sûr qu'elle va revenir et à ce moment-là, l'horloge repartira. Le temps s'écoulera de nouveau.

 

Alors qu'il était réfugié dans sa chambre, il entendit que son père se disputait avec sa belle-mère. Ce devait être à propos de ce feu, mais il n'en était pas sûr, car les mots lui venaient par bribes. Il les entendit s'éloigner car les voix se firent plus lointaines. Il osa sortir de sa chambre doucement et jeta un œil vers le salon, personne; vers la salle commune, personne. Ils devaient donc être sortis de la maison. Il entendit leur voix dans le jardin et une fumée noire s'élevait dans le ciel. Il alla se cacher dans l'appentis et attendit. Il les vit revenir vers la maison. Alors, il s'aventura dans le jardin pour voir ce qui s'était passé. Le feu était éteint. Son père avait dû l'éteindre avec quelques seaux d'eau. Il fit le tour du tas d'objets à moitié brûlés et aperçut dans le bas du tas une photo intacte. Il alla la chercher et la serra contre sa poitrine. Une intense émotion l'envahit alors. Il ne put retenir ses larmes.

 

Pourquoi, pourquoi, se dit-il encore et encore. Puis il rentra à la maison, ayant glissé sa photo sous la chemise, comme si de rien n'était. Ils ne le virent même pas, car continuant à discuter dans leur chambre. Une fois dans sa chambre, il la rangea précautionneusement dans une enveloppe de son bureau. Le temps était comme arrêté.

 

Mais c'est certain pour lui, bientôt il pourra faire redémarrer son horloge. Il le sent. D'ailleurs, tout à l'heure il lui a semblé que les aiguilles avaient légèrement bougé. C'était un signe pour lui qu'il y allait y avoir bientôt un changement et que sa vie allait repartir. Plus il y pensait, plus il en était certain. Il allait enfin revivre pour l'éternité.

Il sentit à cet instant ses yeux se brouiller. Il eut une larme et son cœur s'arrêta de battre. Son attente prenait fin pour de bon.

 

C'est alors que l'horloge du temps se remit en marche. Une main mystérieuse avait remonté le mécanisme. L'espoir fait vivre mais n'empêche pas de mourir. Il se rendit compte que la mort n'était qu'un passage dans un autre état d'être, un retour dans le grand magma de l'univers. Un cycle nouveau commençait. Il sentit la présence de sa mère à ses côtés. Elle aussi n'était pas morte définitivement. Si seulement il avait pu comprendre cela avant, sa vie en aurait été toute différente, pleine de joie et d'espérance. Qu'il n'y avait pas de début ni de fin et cela l'aurait rendu optimiste. Et qu'il n'aurait pas perdu sa vie à attendre ce qui était là. Il suffisait d'être éveillé.

 


 

Atelier d'écriture 11 octobre 2010

texte 23

Elle marche dans la rue.

C'est une chaude journée d'été. Un été caniculaire. Très chaud donc. En ce début d'après-midi, c'est être inconscient que de marcher sous ce soleil de plomb. Et pourtant, il y a une silhouette qui s'avance tranquillement dans mon champ de vision et cela m'étonne. Pour ma part, je suis à l'ombre d'un chêne séculaire, ombre qui m'est salutaire, que j'apprécie. Le banc sur lequel je suis assis est en métal perforé et cela est des plus agréable par cette chaleur. C'est drôle de la voir s'avancer comme si elle flottait. Est-ce la chaleur qui me donne cette illusion? J'ai l'impression qu'elle ne touche pas le sol.

C'est une jeune femme dans une robe évanescente. Une sorte de mousseline qui participe de ce phénomène d'évanescence. Elle est brune avec de longs cheveux et de grandes lunettes de soleil. Elle semble se dire: personne ne m'aime, personne me regarde. Étonnant, non ?...

 

En ce début d'après-midi, c'est être inconscient que de marcher sous ce soleil de plomb doit se dire cette grand-mère qui regarde la rue de sa fenêtre, le regard fixé sur la jeune femme qui s'avance tranquillement dans sa robe évanescente. Elle ne m'a pas vu jusqu'à maintenant? Je suis dans l'ombre du chêne qui doit m'occulter de sa vue. Elle semble s'amuser de voir cette jeune femme déambuler sous ce soleil de plomb. Soudain, j'ai comme l'impression qu'elle se prend pour la jeune femme. Elle s'est levée et marche dans la pièce en imitant le pas évanescent de la jeune femme. Elle semble avoir rajeuni de cinquante ans. À cet instant, un homme dans la quarantaine arrive à hauteur de mon banc. Il s'arrête et me regarde tout en ayant un œil au loin vers la jeune fille qui semble faire du sur place. Puis il aperçoit la vieille dame qui tourne en rond comme pour faire du surplace. Il y a du mimétisme dans l'air me dis-je !... Comme il me voit les regarder à tout de rôle, il me demande si je pense que la jeune femme pourrait être une actrice de cinéma. Quelle question, ça alors ! Vous chercher une actrice, que je lui demande, un peu estomaqué. Pas vraiment, mais puisque vous me le demandez, je m'interroge. Ce serait plutôt une secrétaire, mais ce pourrait être une secrétaire actrice de cinéma, ça peut avoir des avantages, n'est-ce pas ? Si vous le dites, pourquoi pas.

 

Alice sort du « Pays des Merveilles », la boutique de bric-à-brac du coin au moment où la jeune fille arrive à sa hauteur. Elle marche côte à côte un moment. Puis elle s'arrête à la vue de l'homme de quarante ans et quelques … qu'elle aperçoit. Elle est interrogative tout comme l'homme dans la quarantaine qui croit rêver en voyant brusquement deux jeunes femmes identiques marchant côte à côte. Mais elle, c'est parce qu'elle croit reconnaître une vieille connaissance. La jeune femme finit par arriver à la hauteur du banc puis de le dépasser en nous ignorant superbement. Alice a comme pris sa place. Elle avance lentement sous le choc de l'interrogation qui hante son esprit. Est-ce lui ou n'est-ce pas lui ? La vieille dame qui a dû s'absenter un instant, ne comprend pas ce qu'elle voit. Elle met ses lunettes et je suppose qu'elle s'interroge sur les deux silhouettes qu'elle voit alors. Que se passe-t-il dans sa tête ? Elle disparaît puis revient. Il n'y a plus qu'Alice à cet instant. Pour elle, tout est redevenu normal. Mais pour nous, c'est plus compliqué, car notre champ de vision est plus vaste.

D'ailleurs, j'aperçois toujours la jeune femme évanescente qui s'éloigne de nous, mais approche du boulevard au bout de la rue où un homme est employé à des travaux de voirie pour la ville. Je le vois qui s'arrête soudain dans son ouvrage lorsqu'il prend conscience de la jeune femme évanescente. Elle passe à sa hauteur puis tourne à gauche sur le boulevard. Il la suit du regard et rien qu'à voir l'œil grivois du personnage, je me dis qu'il se raconte bien des histoires, des histoires d'homme que provoque cette silhouette affriolante sous la canicule de l'été. Il doit l'imaginer en bikini, marchant sur la plage, elle vient vers lui. Il n'en revient pas. Mais il prend soudain conscience que ces signes ne s'adressent pas à lui mais à quelqu'un, là-bas tout là-bas. Un homme qu'elle vient de retrouver sur le boulevard où lui s'échine à creuser dans la terre dure comme de la roche sous un soleil de plomb. Un rêve passe, se dit-il, certainement. Nous aussi.

 

La jeune femme évanescente a changé de trottoir avec l'homme pour revenir vers le carrefour. Ils ont changé d'avis semble-t-il, car ils courent en tenant un enfant par les mains. C'est un jeune garçon. Ils le font sauter en l'air par à-coup et cela semble l'amuser. Arrivant au carrefour, ils s'arrêtent brusquement et le petit les embrasse l'un et l'autre plusieurs fois puis, au feu rouge, traverse l'artère pour revenir vers les deux hommes sous le chêne. Il salue en passant l'ouvrier qui semble encore dans ses pensées, puis fait un pied de nez à nos deux hommes sous le chêne qui le lui rendent bien. Ils en rient ensemble. Puis il traverse la rue et se dirige tout droit vers la fenêtre de la grand-mère. Qui semble l'attendre. Je les vois manger un gâteau ensemble. L'homme dans la quarantaine est parti à ses affaires et moi je continue ma sieste à l'ombre sur le banc.

 

La jeune femme évanescente a continué de marcher, seule, l'homme est parti de son côté. Elle s'est arrêtée soudain pour s'asseoir à la terrasse du premier café venu. Mais pour elle, ce n'est pas le premier café venu, c'est son café où elle retrouve Aldo, son serveur préféré qui a le talent pour lui remonter le moral. Elle l'aime bien, Aldo. Mais aujourd'hui elle lui fait la tête. Il n'en revient pas. Alors, il s'assoit à côté d'elle et la regarde dans les yeux.

·         Que se passe-t-il ? Tu n'a pas l'air dans ton assiette !

Et de lui lâcher tout de go: personne ne m'aime, personne me regarde.

·         Et moi alors, je ne compte pas !... Je te regarde, hein !... Et je t'aime bien aussi.

·         Oui, mais toi, tu n'es pas personne, tu es Aldo.

·         Et tu voudrais qu'il y ait des milliers d'Aldo, c'est ça ?

·         C'est ça même. Et à la télé, il n'y a pas un seul Aldo qui m'intéresse. Tu es l'unique.

Il se leva et elle s'évapora dans l'air chaud de l'été. C'est alors à cet instant que j'arrivais à sa hauteur et le voyant quelque peu éberlué, je lui demandais ce qui lui était arrivé. Il ne me répondit point. Il me fit seulement un signe pour me dire qu'il se demandait ce qui lui arrivait. Il avait la tête dans un air de jeune femme évanescente, me sembla-t-il.

Je continuais alors mon chemin, dubitatif. Avais-je rêvé ? La vie n'est-elle qu'un rêve éveillé ? Je vais finir par le croire.

 


 

Atelier d'écriture 18 octobre 2010

texte 24

Le thème:

Changer de vie pour:

Enfin exister Éviter les ennuis avec la police

Ne plus tourner en rond Avoir de l'espoir

Être aimé Être le plus fort

Respirer un autre air Être en haut de l'affiche

Repartir d'un bon pied Vivre tranquille

 

Un cercle vicieux

Il y a bien longtemps que Lucien tourne en rond dans sa vie. Et à force de tourner en rond, il a fini par perdre tous ses repères. D'un petit rond de l'enfance il est passé progressivement à un cercle de plus en plus grand lui donnant l'impression d'y avoir trouvé un espace de liberté, de créativité, mais il a bien fallu qu'il se rende à l'évidence, avec l'âge le cercle n'avait pas plus d'ouverture. Maintenant, il avait même l'impression qu'il manquait d'espace, que l'air se raréfiait. Il étouffait. Il allait devoir sortir de ce cercle sous peine de ne plus exister.

 

En feuilletant quelques magazines qui trainaient sur la table il avait fantasmé sur les images.

 

D'abord une belle plante dans une revue de photos.

Ah! que la vie est belle pour cette Simone. Sa beauté lui a permis de devenir un modèle mondialement connu de Paris à New-York en passant par Londres. Aisance financière, vie dans les Palaces, des rencontres toujours renouvelées et intéressantes d'hommes et de femmes des quatre coins de la planète. C'est vivre comme dans un rêve et cela me semble passionnant. Une vie de passion et d'amour sans mesquineries, sans jalousies, sans petitesses. Être aimé, c'est pour elle une réalité.

 

Quant à Paris-Match, ce fut encore autre choses.

Et même cette Marie-Françoise, tellement simple, alors qu'elle vient d'hériter d'une somme colossale, après le décès de son mari, me semble bien le mériter. Je vois bien qu'il y en a plein autour de moi qui la jalouse, l'envie. Pas moi. Elle est veuve et riche maintenant mais je pense qu'elle était déjà riche avant, une autre richesse bien sûr et celle-là, elle ne la perdra pas. Ça doit être pour cela qu'elle est joyeuse. Elle peut repartir d'un bon pied.

 

Et ma dernière surprise dans le Monde du jour.

Cela m'a épaté. Un évêque d'origine maghrébine adulé de son milieu. Ce pourrait être moi, ce Jean-Louis. J'ai failli entrer au Petit Séminaire et moi aussi je suis un enfant adopté, enfin presque. J'aurai pu être adopté. C'est comme si j'avais été adopté car ma famille, je préfère ne plus y penser. Oui, je préfère penser à ce Jean-Louis que les habitants d'Orléans doivent traiter de monseigneur par-ci, monseigneur par-là.

...

Quand il était enfant, Lucien imaginait qu'un jour il serait dompteur de lions dans un grand cirque. Ce genre de cirque avec quatre ou cinq grands mâts pour soutenir un immense chapiteau avec un public de petits et de grands, les yeux pleins d'étoiles et de rêves, des milliers d'yeux brillants sous la lumière des projecteurs.

 

Il sait qu'il ferme pour la dernière fois la porte de son appartement. Lucien ne reviendra pas en arrière. Il jette la clef dans le conteneur à ordures sur le trottoir de la rue. Il a décidé de ne plus tourner en rond et pour commencer, il va aller sur la grande avenue, ligne droite de plus de dix kilomètres et qui l'emmènera sur l'autoroute, autre ligne droite qui l'amènera là-bas au bout du monde, de ce monde sans limite ou enfin il ne tournera plus en rond comme un dompteur dans sa cage, face à ses fauves. Il ira sur les routes pour retrouver cette Simone, à moins que ce soit Marie-Françoise sous la bénédiction de cette évêque de Jean-Louis pour, au lieu de tourner dans le cercle, de tourner autour du cercle de la planète.

Dans sa tête, des phrases se bousculaient, des phrases qu'il ruminait depuis quelques temps.

 


 

Atelier d'écriture 25 octobre 2010

texte 25

Écrire à quelqu'un … pour lui dire quelque chose d'important.

 

Quelques mots: Des photos:

rencontre/regards 1. une langue étrangère

étonnement/se revoir 2. un lieu traversé

1er rendez-vous 3. le + beau jour d'une vie

2e rendez-vous 4. une image un peu flou

double étrange 5. un secret de famille

 

Parcours de vie photographique.

 

Chère vous,

 

Votre silence m'incite à vous écrire. Vous m'aviez promis de vos nouvelles rapidement mais les mois passent et je n'ai rien vu venir. Je veux croire qu'il ne vous soit rien arriver de grave, que c'est mon imagination qui m'amène à des interrogations sans fondements. A vrai dire, c'est parce que je mettais de l'ordre dans mes papiers que je ma suis décidé à cette écriture car j'ai retrouvé une enveloppe de photos, que je croyais perdu, et dont la vue m'a remémoré des instants que nous avions vécu ensemble. Cela m'a d'autant surpris qu'elles étaient au milieu d'autres photos qui ne nous concerne pas. Je me demandais d'ailleurs ce qu'elles faisaient là, parmi des photos professionnelles. C'est étrange car je n'ai aucun souvenir me permettant de reconstituer ce qui a pu faire que ces photos se trouvent rassembler. Mais peut-être avez vous la réponse, peut-être que votre mémoire que je sais monstrueuse, contrairement à la mienne, va éclairer ma lanterne.

Toujours est-il que le fait de revoir ces photos, des souvenirs ont soudain ressurgi.

Vous souvenez-vous de notre première rencontre, cet instant magique qui qui nous a emportés ? Et bien, vous me croirez si vous voulez, mais j'ai là sous les yeux cette photo.

C'était à l'Alliance Française du Boulevard Raspail. Vous, pour approfondir votre français, moi pour tout simplement y venir pour déjeuner, les tarifs au resto étant des plus attractifs. Autour d'un café, nos regards se sont croisés. Il y a eu un déclic, une flamme qui ne nous a plus quitté durant des mois. D'ailleurs en voyant une seconde photo de la plage de Deauville, plus exactement des planches bordant la plage, il s'avère que c'est là que nous nous sommes retrouvés quelques jours plus tard, un peu par hasard. Vous alliez vers l'est, j'allais vers l'ouest. Vous, sortant d'un café pour aller à Trouville, moi venant de la jeté de Trouville pour aller à un rendez-vous professionnel de l'autre côté de Deauville. Nos corps se croisaient alors après nos regards et il se passa ce que vous savez. Cette carte postale de Deauville, vous me l'envoyâmes quelques jours après et à la suite de quoi je vous proposais de nous revoir. Vous ne me croirez peut-être pas mais j'ai entre les mains la troisième photo qui m'est venue, celle où nous avons été photographié devant la Coupole par ce jeune qui parcourait le trottoir avec son Polaroïd, ce genre de photographe que ni vous, ni moi portions dans nos cœurs et cependant il devait ce jour-là immortaliser l'un des moments que l'on dit exceptionnel, à savoir le plus beau jours de notre vie. Celui du début de notre aventure amoureuse sous les plafonds peints de cette célèbre brasserie, entourés de mille yeux mais seul au monde. Nous n'avions d'yeux que pour nous-même. Nous buvions nos paroles. Il y avait de l'électricité dans l'air, je m'en souviens comme si c'était hier. Nous étions sur notre petit nuage et d'ailleurs c'est bien l'impression que donne cette photo qui, malgré sa médiocre qualité, laisse apparaître l'état dans lequel nous étions.

Au point où j'en étais, je me suis laissé aller à continuer ma pioche dans le paquet de photos. Elle est de très bonne qualité cette fois mais cependant elle est comme qui dirait, flou.

Mais, je dois m'avouer qu'il s'agit de ma mémoire.

Je n'arrive pas à mettre un nom sur le lieu où elle a été prise. C'est un bord de mer sans grand intérêt, une plage quelconque et le temps est gris. Quelque part entre la Manche et l'Atlantique, je pense.

Mais qui a bien pu prendre cette photo ? Un copain, une amie, un touriste de passage ? Nous avons une mine défaite à l'image du temps. Les embruns nous enveloppent et n'arrivent pas à nettoyer notre vague à l'âme. Oui, nos âmes ont l'air de naviguer sur une mer démontée, mais je ne sais plus si cela fut les prémices de notre dérive.

De dérives en dérives, nous nous sommes éloignés puis retrouvés pour de nouveau nous éloigner nombre de fois mais toujours avec ce désir de nous retrouver.

Votre silence me dit que peut-être, cette fois il n'y aurait pas de retour ? Et s'il en est ainsi, je dois vous dire alors un secret, qui n'est pas de famille mais un secret qui nous concerne.

Je ne vous l'ai jamais dit, mais lors de notre première rencontre, je venais de terminer un roman dont l'héroïne était comme la copie conforme de cette jeune femme qui venait à moi dans le hall de l'Alliance Française. Je n'en croyais pas mes yeux mais n'en dis rien de crainte d'être ridicule. Mais maintenant je dois me rendre à l'évidence, cela m'a joué un vilain tour car j'ai cru en ce double et je vous ai pas vraiment vu telle que vous étiez. Ce fut un beau rêve mais ce n'est, me semble-t-il, que cela.

Votre silence, s'il persiste, me donnera confirmation que ce fut bien un rêve, un doux rêve qui s'achève.

Je vous écris cela alors que j'ai en mains une vieille photo de famille où l'on voit l'une de mes tantes qui vécu un amour semblable au notre à l'insu de sa famille. Cela nous fut révélé lors de son divorce et de son départ avec son amant. Nous n'avons pas de contrainte de famille, seulement celles de notre imaginaire qui peut, lui, être tout aussi destructeur. Qu'en dites-vous, ma chère Lisa ? Allez-vous me faire mentir et comme à votre habitude me provoquer en arrivant à l'improviste comme vous en avez le secret ? Si tel peut être le cas, j'espère que vous ne vous presserez pas trop de manière à avoir cette lettre auparavant, histoire d'en rire ensuite.

 


 

Atelier d'écriture 6 décembre 2010

texte 26

Thème : Dans la vie, il y a...

Dans la vie il y a les mecs qui pensent et les mecs qui dépensent, c'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui pensent sont en haut du panier et les mecs qui dépensent sont au fond du panier.

Et plus le temps passe, plus le panier s'agrandit, c'est pas plus compliqué que ça.

Quand le panier est plein, les mecs qui pensent le vide et les mecs qui dépensent se dépêchent de le remplir, c'est pas plus compliquer que ça.

Quand les mecs qui dépensent ne dépensent plus, les mecs qui pensent leur donnent des idées pour qu'ils dépensent de nouveau et ça marche, c'est pas plus compliqué que ça.

 

 

Les mecs qui pensent, je peux pas les voir. A force de penser, ils nous empêchent de vivre. Car vivre, c'est ne pas penser, c'est pas plus compliquer que ça.

Les mecs qui pensent se croient intelligent. Moi, je pense qu'en fait ils se cachent derrière des mots incompréhensibles pour épater le péquin. C'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui pensent ont des cheveux longs, de grandes barbes, sont gros et pâles, c'est affreux à voir et boivent de l'eau, c'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui pensent, ça m'énerve, c'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui pensent ont de belles femmes et ça m'énerve, c'est pas plus compliqué que ça.

 

 

Les mecs qui dépensent, c'est des mecs sympa. Ils rigolent et se tapent sur le ventre en rotant, c'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui dépensent, c'est des gens que j'aime bien parce que c'est eux qui m'offrent l'apéro ou le café, c'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui dépensent, ils ne lisent pas parce que ça abime les yeux, c'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui dépensent, ils aiment bien les bagnoles parce que les filles elles aiment ça, un mec avec une bagnole, c'est pas plus compliquer que ça.

 

 

Moi, je ne fais partie ni des mecs qui pensent, ni des mecs qui dépensent.

 

 

Moi, je suis Anastase Hasbinette et ma vie vie c'est de me tenir à l'écart de ceux qui pensent comme de ceux qui dépensent, c'est pas plus compliqué que ça.

Car ceux qui pensent s'usent à ne pas dépenser et ceux qui dépensent s'usent à ne pas penser, moi j'ai autre chose à faire, c'est pas plus compliqué que ça.

Moi, je veux m'économiser et non économiser.

Moi, je veux vivre la tête libre, sans contraintes, sans obligations, assis au pied de mon chêne à regarder les couchers de soleil, c'est pas plus compliqué que ça.

Moi, je ne veux pas faire d'études car ça m'obligerai à penser, c'est pas plus compliqué que ça.

Moi, je ne veux pas travailler dans une usine, ça déforme le corps et ça donne des maladies, c'est pas plus compliqué que ça.

Ma vie, c'est un peu tout ça et bien d'autres choses que je garde pour moi, c'est pas plus compliqué que ça.

 

  

J'aurai pu devenir un mec qui pense, parait-il, mais heureusement le destin en a décidé autrement. C'était pourtant bien parti, au dire de mes parents. J'étais brillant à l'école et ce dès le primaire. Ma vie semblait toute tracée. Les mathématiques étaient pour moi aussi facile que l'apprentissage des langues étrangères. J'avais une mémoire d'éléphant et une clarté d'esprit qui me permettaient d'évoluer deux fois plus vite que mes camarades les plus doués. Arrivé au lycée, je me trouvais alors dans un environnement qui commença à me déplaire en la personne du professeur de français. J'avais jusqu'alors eu d'excellent note. Brusquement le vent tourna car ce professeur me prit en grippe dès le début et cela alla en s'accentuant au fils des mois. Durant l'hiver, il y eut pas mal de neige et de verglas. Dans le cour du lycée, il y avait un endroit où les chéneaux de la toiture étaient en mauvais état. Cela avait provoqué la formation d'une belle patinoire à la sortie du préau. Et ce jour là, notre professeur de français était là, debout dans ce secteur. Il y eut une bousculade dont je fut à l'origine, un peu par provocation car je voyais dans son regard de l'ironie. Cela se passa très rapidement et dans les secondes qui suivirent, notre prof fut sans connaissance, au pied de l'un des piliers du préau. Sa tête avait heurté violemment l'angle d'un pilier, il était dans un coma qui devait durer des années années, c'est pas plus compliqué que ça.

 

Un peu plus tard, j'ai failli devenir un mec qui dépense mais là encore, le destin veillait. Après cette histoire avec le coma du professeur, je fut exclus du lycée. Ce fut le début d'une remise en question. Je me suis dit que le fait de penser m'empêchait d'avoir des problèmes, même de peut-être parfois les provoquer. Ce prof de français qui se vantait de penser, d'en être fière au point de mépriser les autres, cela j'avais décidé de ne pas en faire partie. Je serais dons un mec qui ne pense pas et pour cela je devais adopter une attitude opposée. Je serai donc un mec qui dépense. J'avais lancé ça comme une bravade, une provocation facile sur un jeu de mot bancale.

Que devrai-je faire pour être un mec qui dépense ?

Je fréquentais alors les cafés, les boites de nuits, les plages, les stades de sports en tous genres. C'est le foot qui devint mon sport de prédilection. Mais je devais avec une tête qui ne convenait pas à certain. Un jour il y eut un match qui tourna très vite au vinaigre. J'étais pour les verts et face ceux pour les bleus. Comme les verts étaient en train de gagner, des bleus survoltés ont envahi notre secteur et ce fut la bagarre générale. Je me retrouvais quelques heures plus tard à l'hôpital avec quatre côtes cassées, cinq dents en moins, une arcade ouverte, un genoux déboité, une main écrasée avec cinq doigts en mauvais état et la cerise sur le gâteau, le foie éclaté. Je dus rester six mois à l'hôpital et une année de rééducation. J'ai cru que j'allais y rester, c'est pas plus compliqué que ça.

 

Moi, Anastase Hasbinette, je suis ni un mec qui pense ni un mec qui dépense et pour le prouver, je vais vous raconter ce que je suis devenu après mon séjour à l'hôpital. Je me suis engagé dans la Légion Étrangère. Ainsi, je me suis dis que j'apprendrai à ne pas penser et que je ne dépenserai pas puisqu'il n'y a rien à dépenser à la Légion. Comme j'étais un bon élève, je pris rapidement du galon. Le colonel m'avait à la bonne et je pus devenir un sous-officier. J'étais très occupé par ma position et mon désir de me faire bien voir. Je continuais à progresser dans la non-pensée et je me gardais de dépenser ma solde pour quand je sortirai.

C'est ainsi que je pris l'habitude de vivre en marge de la société. Je fus envoyer en mission en Afrique et ce fut une découverte pour moi. J'y pris goût et à la fin de mon engagement, je décidais d'y rester. Très vite je me coulais dans la société locale et dans ses us et coutumes. C'est ainsi que je me retrouvais à vivre avec cinq femmes qui pensaient et dépensaient pour moi. Je pouvais admirer les couchers de soleil assis sous un catalpa, avec ma pension d'invalide obtenu grâce à quelques subterfuges et mes économies de légionnaire, c'est pas plus compliqué que ça.