vers atelier Ecrire 2010
    J'attends  ...  
La consigne : clic
J'ai peur


Nicole

J’ai 17 ans ...
 j’attends le bruit des pas des amis qui reviennent ; j’attends aussi d’avoir l’âge de ne plus demander la permission de faire ceci ou cela. J’attends que ma vie soit vraiment à moi, une moi que je ne connais pas mais qui en aura fini avec cette putain d’adolescence aux relents putrides d’enfance.
J’ai 17 ans, j’attends d’avoir autre chose que des amis, j’attends d’avoir des amants, des collègues, des relations, des contacts, des interlocuteurs, des vrais, des grands, de ceux qui auront une vie qui ne ressemble pas à la mienne.
J’attends d’être dans un monde qui sera un monde d’adultes. Mes armes sont prêtes, je veux bouffer de la vie même si, je le sais, son goût n’est pas tous les jours bon.
J’ai 17 ans, j’écoute Goldman qui chante : « C’est à toi, c’est à ton tour ; qu’est ce que tu nous amènes ? » Ce que j’amène, je n’en sais rien mais c’est là, c’est en moi et quand ça va sortir, ça va faire mal ou pas, aux autres ou à moi, je ne sais pas mais c’est à moi, c’est mon tour de montrer ce que j’ai dans les veines.

J’ai 42 ans ...
 j’attends de retrouver mon sourire d’enfance. Je détourne mon regard de la vieillesse de mes parents qui me parlent fort de ma propre vieillesse.
Je détourne mon regard de ces événements d’hier, tristes et prévisibles, infiniment tristes et tellement prévisibles.
J’ai attendu longtemps la réalisation des rêves qu’enfant j’avais fait pour plus tard. J’ai attendu trop tard, les années ont passé et le bonheur joyeux de ceux qui n’attendaient rien perturbe, certains soirs, mon silence et mon vide ; ce silence triste, ce vide si prévisible.
J’ai attendu longtemps et je n’attends plus rien ; une seule petite chose peut être, de retrouver un instant, au fond de mon miroir, mon sourire d’enfance et les étés d’alors.

J’ai presque 43 ans...
 j’attends encore cinq minutes et je fais ma valise. Je ne veux plus attendre  que les choses s’arrangent. Je n’attends plus de réponse puisque je sais qu’elles ne viendront pas.
Je n’attends plus de mener à bien cette mission que personne ne m’a donnée, paraît-il. Je n’attends plus ceux qui ne veulent pas marcher sur mon chemin.
Je n’attends plus, je n’ai plus le temps, les années passent trop vite, je vais vers l’essentiel.
Je ne voudrais pas attendre que le désespoir m’envahisse pour de bon ou me perdre en chemin.
Je n’attends pas encore la mort, alors je vais vivre. C’est encore à moi, c’est encore mon tour ; je ne veux plus attendre pour montrer ce que je vous amène. Et même si c’est moche, si ce n’est pas ce qu’on attend de moi, ça va sortir, ça va faire mal.
C’est à moi, c’est à mon tour, qu’est ce que je vous amène ? 






J'ai peur

J’ai peur de la violence, des hommes, des guerres, des attentats
J’ai peur des foules en colère, des foules désemparées
J’ai peur de ceux qui n’ont plus peur de rien
J’ai peur des désespérés, des humiliés, des déchirés
J’ai peur de la nature quand elle défie les hommes
J’ai peur qu’un jour la terre tremble, qu’elle s’ouvre, nous engloutisse
J’ai peur de tout ce que l’Homme a fait et qui détruit la vie
J’ai peur des villes tentaculaires, de leur fureur, de leur agitation
J’ai peur des silences épais dans lesquels se murent les solitudes
J’ai peur qu’un jour la peur,  seule, dirige le monde.

J’ai peur des silences épais dans lesquels se murent les solitudes parce qu’elles murissent en leur sein toutes les violences contenues et la folie des hommes.

Tu sais maintenant je n’aurai plus peur de vieillir, je n’aurai plus peur de ne jamais trouver ma place, d’être à jamais une moitié sans moitié. Je ne savais pas que j’étais incomplète à ce point, je ne savais pas qu’existait quelque part une autre partie de moi qui saurait à ce point combler mes peurs, remplir mes vides, éloigner mes démons et faire rire mon cœur. Je ne savais pas que quelqu’un m’attendait dans la peur de ne jamais me trouver.

J’ai peur de perdre ceux que j’aime.
J’ai peur de la vieillesse de mes parents.
J’ai peur quand le téléphone sonne la nuit.
J’ai peur que tout ce qui est beau s’arrête.
J’ai peur de perdre ceux que j’aime.
J’ai peur que la maladie, la souffrance, le deuil s’installe dans nos maisons.
J’ai peur de perdre ceux que j’aime.
J’ai peur des loups qui rodent parfois la nuit autour des fermes.
J’ai peur que quelqu’un souffre sans que je puisse l’aider.
J’ai peur de perdre ceux que j’aime.
J’ai peur qu’un jour nous regardions en arrière et que le meilleur soit au loin.
J’ai peur de ne pas être là si quelqu’un crie la nuit.
J’ai peur de perdre ceux que j’aime.

Je n’aurais pas eu peur si tu étais venu tout de suite t’asseoir à côté de moi ; si, sans un mot, tu avais pris ma main ; si tu avais posé ta tête sur mon épaule, j’aurais tremblé peut être mais je n’aurais pas eu peur.
Je n’aurais pas eu peur si tu étais cet homme là, cet homme fait pour moi, cet autre moitié du monde, j’aurais tremblé peut être mais je n’aurais pas eu peur.
Je n’aurais jamais eu peur si, de toute éternité, j’avais su que tu existais et que tu me cherchais, j’aurais tremblé peut être mais je n’aurais pas eu peur.
Maintenant tu es là, à côté de moi, ma main est dans la tienne et ta tête sur mon épaule. Tu es cet homme là, je tremble peut être mais je n’ai plus peur de ça.

J’ai peur de ne pas savoir être aimé.
J’ai peur de ne plus avoir de force.
J’ai peur qu’un jour mon corps se vide de ce qui le compose à l’intérieur.
J’ai peur qu’un jour une mort qui ne serait pas la mienne vienne et me laisse moi, vivante.
J’ai peur qu’un jour une mort qui ne serait pas la mienne ne vienne pas malgré mes cris pour l’appeler.

J’ai peur de tes peurs quand je ne les comprends pas.
J’ai peur des ténèbres, pas celles du monde, mais celle des âmes.
J’ai peur de te perdre, infiniment, j’ai peur de te perdre et je sais que cette peur m’accompagnera jusqu’à ma mort.
Par contre je n’ai plus peur de ce petit vélo qui parfois tourne dans la tête au rythme de ces peurs, les tiennes, qui t’accompagneront longtemps et qui peuvent dormir à présent.