J’ai 17 ans ...
j’attends le bruit des
pas des amis qui reviennent ; j’attends aussi d’avoir l’âge de ne plus
demander la permission de faire ceci ou cela. J’attends que ma vie soit
vraiment à moi, une moi que je ne connais pas mais qui en aura fini
avec cette putain d’adolescence aux relents putrides d’enfance.
J’ai 17 ans, j’attends d’avoir autre chose que des amis, j’attends d’avoir
des amants, des collègues, des relations, des contacts, des interlocuteurs,
des vrais, des grands, de ceux qui auront une vie qui ne ressemble pas
à la mienne.
J’attends d’être dans un monde qui sera un monde d’adultes. Mes
armes sont prêtes, je veux bouffer de la vie même si, je le sais,
son goût n’est pas tous les jours bon.
J’ai 17 ans, j’écoute Goldman qui chante : « C’est à
toi, c’est à ton tour ; qu’est ce que tu nous amènes ? »
Ce que j’amène, je n’en sais rien mais c’est là, c’est en
moi et quand ça va sortir, ça va faire mal ou pas, aux autres
ou à moi, je ne sais pas mais c’est à moi, c’est mon tour
de montrer ce que j’ai dans les veines.
J’ai 42 ans ...
j’attends de retrouver
mon sourire d’enfance. Je détourne mon regard de la vieillesse de
mes parents qui me parlent fort de ma propre vieillesse.
Je détourne mon regard de ces événements d’hier,
tristes et prévisibles, infiniment tristes et tellement prévisibles.
J’ai attendu longtemps la réalisation des rêves qu’enfant
j’avais fait pour plus tard. J’ai attendu trop tard, les années
ont passé et le bonheur joyeux de ceux qui n’attendaient rien perturbe,
certains soirs, mon silence et mon vide ; ce silence triste, ce vide si
prévisible.
J’ai attendu longtemps et je n’attends plus rien ; une seule petite chose
peut être, de retrouver un instant, au fond de mon miroir, mon sourire
d’enfance et les étés d’alors.
J’ai presque 43 ans...
j’attends encore cinq minutes
et je fais ma valise. Je ne veux plus attendre que les choses s’arrangent.
Je n’attends plus de réponse puisque je sais qu’elles ne viendront
pas.
Je n’attends plus de mener à bien cette mission que personne ne
m’a donnée, paraît-il. Je n’attends plus ceux qui ne veulent
pas marcher sur mon chemin.
Je n’attends plus, je n’ai plus le temps, les années passent trop
vite, je vais vers l’essentiel.
Je ne voudrais pas attendre que le désespoir m’envahisse pour
de bon ou me perdre en chemin.
Je n’attends pas encore la mort, alors je vais vivre. C’est encore à
moi, c’est encore mon tour ; je ne veux plus attendre pour montrer ce que
je vous amène. Et même si c’est moche, si ce n’est pas ce
qu’on attend de moi, ça va sortir, ça va faire mal.
C’est à moi, c’est à mon tour, qu’est ce que je vous amène
?
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