Je suis un ancien ramasseur de feuilles mortes et un futur président de l'air pur.
Je suis un ancien collectionneur de punaises vertes et un futur collectionneur de cacahuètes.
Je suis un ancien sabotier sans sabot et un futur pompier sans feu follet.
Je suis un ancien maréchal-ferrant de Clermont et un futur planteur de piquets de grève.
Je suis un ancien coureur des bois des villes et un futur rêveur sans rêve.
Je suis un ancien tailleur de pierre brute et un futur cuisinier de la marinade.
Je suis un ancien décorateur de théâtre de marionnettes et un futur démonteur de pneus crevés.
Je suis un ancien buveur de bière de 5 à 7 et un futur arracheur de dents sans tenailles.
Je suis un ancien président des amis des abeilles et un futur balayeur sans ballet rose.
Je suis un ancien tricoteur de chaussettes pour cul-de-jatte et un futur dégustateur d'eau de vaisselle.

Le grand Charles disait que je ne serais même pas capable de ramasser des feuilles mortes, maintenant il me reproche de ramasser toutes les feuilles mortes de la ville grâce à ma société de nettoyage urbain et d'être ainsi devenu l'un des plus riches citoyens de la cité.

J'ai ramassé, amassé, balayé, brûlé, dessiné, décortiqué, collectionné des feuilles mortes de platane, de chêne, de châtaignier, de rosier, d'amandier, de figuier, de palétuvier, de citronnier et j'en oublie...
J'ai collectionné des punaises vertes et des jaunes et des bleus.
Des punaises piquantes et pimpantes sur les murs.
Des punaises puantes et dégoutantes.
Des punaises des bois et des punaises des villes.
Des craquantes et des pas ragoutantes.

Mon oncle Antoine disait de moi dans l'enfance que j'étais petit parce que je n'étais pas grand et maintenant que je suis grand il dit qu'il est petit parce que je suis très grand, car en effet je mesure plus deux mètres et que je suis champion de basket sur une autre planète. Lui, il a rapetissé énormément, au point de disparaître de ma vue. Mais c'est une question de distance. L'océan est vaste, mais je pense encore à ce qu'il me disait étant petit, ce cher oncle Antoine.

Un jour, il y aura des dégustateurs d'eau de vaisselle tellement elle sera pure. Ce ne sera plus de l'eau de vaisselle à moins que ce soit la vaisselle qui ait disparu rendant ainsi l'eau claire et pure, mais de l'eau en attente de vaisselle.
Il y aura aussi des planteurs de piquets, mais sans grèves, car les grèves n'auront plus lieu d'être, sauf les piquets à planter en souvenir des temps anciens, le bon temps des piquets de grève autour du brasero et des barbecues dans les petits matins froids mais tellement chaud dans les cœurs. En tapant sur les piquets , cela nous redonne de l'énergie et cela nous réchauffe car il n'y a plus de brasero ni de barbecue.
Et puis il aura des balayeurs sans balai, même rose, car tout sera tellement propre et aseptisé que l'idée de balai de ménage comme de balai rose, n'aurons plus lieu d'être et la vie sera bien triste sous ses aspects bien rangés, bien classés, ordonnés.
Vivement le bordel.

Ma sœur Ernestine disait que ma grand-mère était une vieille bigote. Moi, je comprenais qu'elle était une vieille bicoque. J'avais beau chercher le lien entre l'église et notre vieille grange, je ne voyais pas le rapport. Jusqu'au jour où ma grand-mère proposa de transformer notre vieille grange en chapelle pour aider son « cher curé » dont l'église avait subi un terrible incendie et se trouva sans lieu de culte.
Les voisines et voisins ne tarirent pas d'éloge envers elle, celle vieille bigote restauratrice de la vieille bicoque. C'est à ce moment-là que je compris la différence entre bigote et bicoque. Il était temps, je venais d'avoir l'âge de raison.

(Pierre)