Si c’était … Marie Claire ?
17h30. Je me suis installé
sur un banc dans le square le plus proche du Village Suisse à Paris. La sonnette
de Thérèse est muette, la porte ne s’ouvre pas. Son téléphone ne répond pas,
aucun indice de présence. Est-elle retenue quelque part ? Elle est peut être
la haut dans son appartement, il lui est arrivé quelque chose et elle ne peut
pas se manifester. Quelques appels vers son entourage, personne ne sait où
elle est, ni ce qu’elle fait ce dimanche après midi. Patience ! Aucune autre
solution que d’attendre un retour hypothétique. Restons calme et confiant
en optant pour un simple retard. Nous apprendrons plus tard que son téléphone
portable était déchargé depuis la veille et qu’insouciante et oublieuse du
rendez vous elle prenait du bon temps avec une amie, loin de Paris.
Je prends donc mon mal en patience et me distrais en regardant les enfants
jouer sur le terrain poussiéreux ou sur les agrès plus ou moins en bon état.
A environ cinquante mètres une meute de louveteaux finit la journée de plein
air par un rassemblement destiné à leur faire passer les consignes des cheftaines.
Ils s’y prêtent avec plus ou moins d’attention, semble t il, tantôt sur une
jambe, tantôt en tirant les cheveux du voisin … Stoïques et courageuses les
cheftaines font un dernier effort. La plus frêle attire mon regard. C’est
curieux elle ressemble à … mais oui ! C’est Marie Claire ! Son prénom me revient
de je ne sais où. Une rencontre que j’avais faite dans un stage autogéré qui
avait pour thème « Hommes Femmes » ; tout un programme.
Non, ce n’est pas possible. C’est un autre monde, je mélange tout … Mais
on dirait bien…
La réunion se termine et les enfants se dispersent. Les jeunes femmes, pour
faire un rapide bilan, sans doute, se concertent en se rapprochant de mon
banc.
Je me mets à rêver à Marie Claire que je crois reconnaître de mieux en mieux.
Mais, suis-je bête ? Les années ont passé depuis ce fameux stage où il y avait
eu un déclic entre nous. Tout me revient doucement maintenant. Elle habitait
près de Cannes, oui Villeneuve Loubet, nous nous sommes revus deux ou trois
fois à l’occasion de ses déplacements. Elle avait trois garçons dont deux
jumeaux qui doivent être bien plus grands maintenant que les gamins qui jouaient
ici. Et puis ! Et puis surtout, Marie Claire est décédée depuis. Elle est
tombée malade et un cancer l’a emportée rapidement laissant ses enfants orphelins
et son mari veuf. Tout est changé aujourd’hui…
Oui mais voilà ! Les jeunes femmes sont passées devant moi et quelques mètres
plus loin, celle que je prenais pour Marie Claire se retourne et semble me
reconnaitre ; elle me sourit.
« Bonsoir, me dit-elle, comme c’est drôle de se revoir ici ! »
Je bafouille quelque chose pour expliquer que j’attends ma sœur qui semble
avoir oublié le rendez vous que nous avions chez elle. Je fais comme si je
la reconnaissais mais sans lui donner d’indices sur mon identité. De son côté
elle ne parait pas avoir de doutes, je suis un familier apparemment. Je suis
troublé, le fantôme de Marie Claire est là devant moi. Je ne sais plus à
qui je m’adresse.
Cherchant à sortir de mon malaise, je tente alors la conversation : « La
journée a été bonne ? Les enfants n’étaient pas trop difficiles ? »
« Non, non, tout s’est bien passé. Merci ! Il faut que j’y aille ! A bientôt
! » Elle me quitte pour rejoindre ses collègues.
Je la regarde partir, je reste stupéfait. Les quelques mots prononcés m’ont
replongé dans mes souvenirs. C’était sa voix, ses intonations, son accent
même, c’était Marie Claire.
Une réapparition ? Un mirage ? Une projection de ma part ?
Mais elle m’a reconnu ; si ce n’est pas Marie Claire qui est cette personne
?
Mon téléphone me ramène à la réalité ; Thérèse est arrivée. Je vais oublier
un moment cette aventure.
Le lendemain, je reprends le TGV pour la Provence. Je récupère ma place
au bout du wagon juste avant le départ du train. Parmi les personnes déjà
installées, assise quelques rangées plus loin que moi, plongée dans une revue,
Marie Claire. La même personne que j’ai rencontrée hier. Elle ne m’a pas
vu. Troublé, je n’ose pas me manifester de tout le trajet. Je choisis de
rester avec mon rêve.
C’est dans un autre monde que je reverrai vraiment Marie claire.
|