Je voudrais
te raconter un dimanche merveilleux en compagnie de mon père.
Mon père était médecin et bien qu’ayant installé son cabinet de consultation
dans la maison, il participait très peu à la vie de famille.
Il était grand, il était jeune ce fameux dimanche de vacances d’été mais
il ne savait pas le matin qu’il vivait ses derniers moments. Oui le soir
même il avait disparu dans une crevasse au fond de laquelle coulait un torrent.
Moi, je n’étais pas grand du tout. Je ne me rappelle même pas la silhouette
de celui que je ne devais jamais revoir.
Il était fier Jean ! Il était fier d’être enfin en vacances avec toute
sa famille, ses huit enfants dont il s’occupait avec beaucoup d’attention
pendant ces quelques jours alors qu’en temps ordinaire il ne voyait presque
pas.
Il faisait un temps magnifique. Un temps à aller faire une course en montagne.
Tout était beau. Pourtant on annonçait de l’orage pour la soirée.
« Je vous ai aménagé un beau programme dont vous vous souviendrez » annonça
Jean à l’heure du petit déjeuner.
En effet ce dimanche là, la journée commençait par la visite de l’abbaye
du Boscodon et l’office que les moines agrémentaient de leurs superbes chants
grégoriens. Nous avons visité ensuite les ruines du XIIème siècle, la crypte
et les caves dans lesquelles Lisette a failli se perdre.
C’est sur le chemin du retour, juste après le passage de Philippe au dessus
d’un névé, que Jean a disparu. La glace a cédé brusquement sous son poids
et il est tombé.
Moi je suis rentré dans la voiture mais la journée est restée un merveilleux
souvenir ; je gardais dans ma tête l’impression d’un bonheur familial tel
que je le ressentais le matin avant le départ.