L'atelier Ecriture 2012 le 23 janvier : L'Objet

Consignes :
•    A est en manque d’un objet, décrire l’objet
•    Décrire A et lister ce qu’il a
•    La première fois que A voit l’objet
•    Décrire tout ce que A possède    mais il ne pense qu’à l’objet
•    Soit A n’aura jamais l’objet, soit … soit il aura l’objet mais ….


Les textes : celui de Marc




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Lucien et l’objet

La perceuse-ponceuse-visseuse, vous connaissez ?
C’est un outil particulier, jadis on l’appelait une chignole. Il fallait mettre de l’huile de coude pour la manœuvrer mais quel plaisir quand on a pu adapter la mèche adéquate et faire un trou dans le mur pour y placer une cheville, une vis ou tout autre accessoire et répondre au besoin du moment sans avoir à taper, souvent très longtemps, sur un burin.
Aujourd’hui cet outil existe plus perfectionné. Il se branche sur le courant ou bien possède une batterie qui lui permet une autonomie de fonctionnement intéressant. Vous pouvez alors visser, dévisser sans mal une série de vis de toutes tailles. Alors qu’à la main il vous aurait fallu plusieurs heures, en quelques instants vous avez fait le travail. En adaptant une tête différente vous pouvez faire une perceuse, une ponceuse et même d’autres instruments que vous ne soupçonnez pas.

Lucien est un brave garçon qui passe les moments, que son cancer de la gorge lui accorde, à bricoler. Il signe ses œuvres Luchty. Il se fait valoir en dépannant à droite ou à gauche des amis, ceux qui acceptent avec patience ses infirmités car il est aphone et a des maladresses. Sa  bonne volonté ne résout pas tous les problèmes. Oui il est précieux Luigi, on l’appelle aussi de cette façon ; il fait tous les petits travaux dont il se croit capable : poser un rideau ou faire des joints. Il peut faire des bêtises quand il n’est pas bien, traverser le mur par exemple quand il fait un trou pour enfoncer une cheville ; ou bien il disparait pendant plusieurs jours sans donner de nouvelles.
Il est équipé Lucien. D’abord il est autonome, il a sa voiture et non seulement il se déplace avec tous ses outils mais il peut aussi transporter ou aller chercher ce dont il a besoin. Tout ce qui peut lui être nécessaire dans ses interventions, il a. Tournevis, marteau, scie, rabot, burin etc… gisent en vrac dans sa boite à outil. Mais voilà, il n’a pas de visseuse-perceuse-ponceuse électrique bien sûr. Il perd un temps fou pour assembler deux morceaux de bois ou démonter la porte d’un placard.

La première fois que Lucien est tombé sur cet objet « fantastique » c’est lorsque David (clic) est venu assembler les pièces de ce qu’on appelle le chalet. Il avait apporté dans un vulgaire sac en plastique une sorte de pistolet mitrailleur digne d’armer Batman avec une gâchette et un chargeur sous la poignée… un chargeur escamotable qui est en fait la réserve d’énergie, une batterie rechargeable sur une prise de courant. Avec l’embout adéquat cet appareil peut enfoncer des vis d’une dizaine de centimètres dans une pièce de bois en moins de temps qu’il n’en faut habituellement pour faire un trou de pré vissage à la main. Et puis, s’il y a erreur d’emplacement, aucune importance, la pièce est retirée et replacée après une petite pression sur le poussoir spécial de la machine.
Lucien n’en revenait pas. Il l’avait pris délicatement, l’avait examiné et admiré sur toutes les coutures. Il l’avait même essayé quelques instants avant de la remettre religieusement dans le sac en plastique.


La perceuse-ponceuse-visseuse est repartie avec David et, en rêvant Lucien a continué avec les outils classiques son travail commencé.
Pour faire semblant de négliger son désir, il s’est concentré sur le lissage de la dalle sur laquelle était monté le chalet. Là il est dans son domaine car il est carreleur de son métier.
Pelle classique, truelle, maillet, échelle démontable remorque pour aller chercher le mélange à béton, font partie de son équipement et lui paraissent nécessaire, indispensables même. Il pense bien à acheter une bétonneuse mais il peut s’en passer ; il adore mélanger le ciment et le sable avec sa pelle. Mais … mais il rêve à la visseuse-ponceuse-perceuse. Un seul objet vous manque et le monde est un désert …

A la pause-café, en tournant sa cuiller dans sa tasse, Lucien pensera longtemps à la perceuse-visseuse-ponceuse. Il pensera qu’il aurait bien les moyens de s’offrir cet outil génial s’il se faisait payer tout ce qui lui est du et qu’il n’ose pas demander tellement il se sous estime.
Mais … mais aurait-il  le temps de s’en servir ? Car il sait, qu’à cause de son cancer, ses jours sont comptés.