L'atelier Ecriture 2012 le 11 mars : Ecriture fragmentée
le 18 : Nous dans un lieu agréable

Consignes Ecriture fragmentée
Parmis une quinzaine de propositions :
1.    La solitude : une photo
2.    La colère : un ressenti
3.    Les regrets : un souvenir perso
Sur 1 faire un nouveau texte 5 lignes en commençant par « On ne m’a pas écouté … »
Sur 2 formuler une question
Sur 3 composer un alexandrin
Conclusion : donner une définition des 3 thèmes et disposer au mieux  l’ensemble.
texte de Marc : clic
Le 18 mars : Nous dans un lieu agréable
Consignes :
•    Décrire le lieu agréable.
•    Dans ce lieu A constate que B s’est endormie.
•    Comment  B peut dormir alors que …
•    Si elle ne dormait pas A, je, lui dirais que …
•    Conséquences supposées de « si je lui dis ... »
•    Conséquences supposées de « si je ne lui dis pas ... »
•    B se réveille et quelque chose fait que A ne lui parle pas.
Textes : celui de Marc


 

 

 

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Ecriture fragmentée

Adèle se prélasse, seule, sur une chaise longue installée au soleil dans son appartement parisien. Elle n’a pas de programme sinon qu’il lui faudrait réaménager sa cuisine restée peu confortable. Elle attend un coup de téléphone de Jean qui s’était fâché la veille car il n’obtenait pas les réponses et l’attention qu’il souhaitait acquérir de sa part à elle.
Elle envisage par le fait de se retrouver encore plus seule ; même si elle ne voyait pas beaucoup Jean c’était, pour elle, une compagnie qu’elle appréciait en pensant à lui dans ses moments d’inaction.
Elle a choisi un livre « Les âmes fortes » mais l’ouvrage traine sur le sol à côté d’elle.  Elle préfère la revue « Femmes d’aujourd’hui » qu’elle feuillette sans vraiment s’arrêter sur un sujet en attendant l’heure de son émission télé favorite « C dans l’air ».

C’était un 31 décembre. Pour moi, Jean, c’est un jour qui a correspondu, par hasard, avec la fin de l’année 2… Je venais de passer quelques heures avec Adèle avec qui j’entretenais une relation affectueuse, parfois difficile mais sans passion.
Avec F. nous avions rendez vous sur le quai de la gare de Rouen ; j’arrivais donc de Paris.
En nous séparant trente ans auparavant, nous avions programmé de faire le point tous les dix ans puis nous avons fait notre vie chacun de notre coté. En fait nous nous étions revus deux fois à diverses occasions mais n’avions pas eu le temps de faire cette fameuse mise au point. Qu’allait-il se passer dans ces retrouvailles ?
Nous avons fait comme si la vie ne nous avait pas séparés mais tout était contre nous. Nous avions changé, bien sur et dans l’immédiat nous ne trouvions pas de coin tranquille pour nous arrêter. J’ai écouté le récit de ses aventures et nous avons décidé de renouer quelque chose mais, pour moi, sans y croire vraiment.

 Les stériles regrets dévorent l’avenir.

On ne m’a pas écouté quand j’ai dit qu’il valait mieux vivre seul que mal accompagné.
Le mythe du « Je t’aimerai toujours » ne survit pas à l’épreuve de la vie quotidienne.
On fait comme si tout allait bien pendant quelques temps puis on se rend à l’évidence.
On organise alors la séparation en espérant conserver une bonne entente
    mais la complicité ne survit pas et c’est le désastre.

Les stériles regrets dévorent l’avenir.

Adèle n’en peut plus, rien ne l’intéresse. Elle ne peut pas s’empêcher de penser à Jean qui n’a pas daigné revenir sur la conversation qui avait si mal tourné.
Elle est furieuse, elle ne comprend pas ce qui se passe, elle sent sa gorge se serrer. Ce n’est pas son genre non plus de faire la démarche pour tenter un rapprochement. Elle voudrait qu’il l’appelle mais évidemment
, se dit-elle, il a d’autres chats à fouetter.
Elle ne peut pas tenir en place ; elle se lève, se rassoit pour se remettre debout tout de suite après. Elle va dans le cabinet de toilettes, se soulage et rencontre son image dans la glace. Elle s’exerce à faire des grimaces comme si Jean pouvait la voir. Après avoir fermé la porte pour ne pas affoler le voisinage, elle se met à crier, à jurer, à interpeller Jean : « Espèce ce vieux con !»
Elle n’ose pas aller plus loin, s’il l’entendait… Elle tient à lui et sans doute l’aime t il malgré tout …

Pour continuer à vivre, vaut-il mieux s’exprimer ou ravaler sa colère ?

Ni la colère ni les regrets n’éviteront la solitude.
(Marc)
Nous dans un lieu agréable

Le soleil, la nature, les arbres que nous avons plantés il y a trente cinq ans, grands maintenant, étalent leur ombre douce sur les coins d’eau où s’ébattent poissons, grenouilles et tortues de vingt ans, pigeons blancs narguant les chats qui feignent de les attaquer, même les chiens s’y aventurent alors qu’ils n’y sont pas conviés. C’est l’environnement que propose l’Escoubaïre, nom donné au mistral, balayeur en provençal, le vent du Nord qui pousse les nuages.
Pas de clôture, pas de portail automatique dont il faut mémoriser le code et qui vous enferme dans un ghetto ; vous pouvez venir vous y promener, y faire jouer les enfants sur les agrès ou sur le toboggan auquel on accède derrière les feuillages, y faire la sieste en plein soleil ou dans les bosquets isolés. Un abri aménagé pour le pic nique fait aussi le bonheur des enfants qui s’y installent pour la dinette.
Toute l’année, végétale s’entend, les fleurs s’y succèdent. Le jasmin d’hiver, lauriers communs et  pyracanthes font l’intérim (arbustes à feuillage persistant, en fleurs au printemps et avec des baies en hiver, le pyracantha est très décoratif) ; les amandiers démarrent dès que le gel est terminé puis ce sont les abricotiers et les pruniers. Au sol, les crocus et les narcisses s’épanouissent en annonçant le printemps.

Dans ce paradis, Juliette s’est trouvé un petit coin à son goût, trop exposé, il me semble, aux ardeurs du soleil. Elle s’y installe, couverte ou non selon la température, pour faire sa sieste habituelle. Je lui jette un coup d’œil tout en taillant les vignes et en épluchant les lauriers roses que le gel du mois de février rigoureux a transformés en buisson de feuilles mortes.
A proximité de sa couchette provisoire son téléphone grésille, je constate alors qu’elle s’est assoupie.
Vais-je répondre à sa place ?

Comment peut-elle dormir en pleine journée alors qu’elle a tant de travail qui risque de la faire veiller très tard ? Elle aurait bien besoin d’une secrétaire ou d’un imprésario qui la soulagerait de ces tâches accessoires. Je crains surtout les inconvénients d’une exposition inconsidérée et prolongée au rayonnement du soleil.
Son téléphone l’appelle et elle reste inconsciente de ce qui l’attend. Pourquoi m’inquiéter ? Ce temps lui est nécessaire apparemment. Elle a sans doute raison de ne pas se rendre esclave de ces accessoires ; son correspondant laissera bien un message ou rappellera plus tard.

Si elle ne dormait pas, je lui dirais combien j’admire son souci de se donner du temps pour faire une pause au milieu de la journée. Pour moi, j’apprécie aussi de prendre un moment où je perds conscience et me recharge en énergie ; quelques minutes suffisent et je me réveille dispo, rajeuni, prêt à mener une nouvelle demi journée avec entrain.
Pourtant je crains que, cette routine qu’elle semble installer en besoin, au détriment souvent d’urgences importantes, que cette habitude devienne une addiction qui lui occulte les dangers du processus.
Si elle ne dormait pas, je lui dirais sans doute de se méfier du soleil qui abîme la peau. Je supporte mal la voir exposer ainsi son corps aux méfaits des rayons cancérigènes dont j’ai pâtis moi-même. Elle me répondra, comme d’habitude, que le bronzage n’est pas ce qu’elle recherche principalement mais l’énergie qu’elle trouve dans cette pratique.

Un peu c’est bien, mais quand ça dure je supporte mal.
J’élabore alors un plan pour réveiller Juliette.
J’ai beau implorer le ciel de faire venir les nuages, c’est bien en vain dans ce pays où les autochtones de longue date ont fait entrer dans leurs moeurs de se mettre à l’ombre.
Une odeur ? Un cri ? Un courant d’air ? Que trouver ?
Et si j’envoyais le chat lui faire un câlin ?
Et au réveil, lui dirai-je mes craintes ?
Je vois déjà la scène : même si je commence à la gratifier de prendre soin d’elle, si je lui dis de se méfier des méfaits du soleil, elle me répondra que c’est une nécessité pour elle et qu’elle ne se privera pas des avantages qu’elle en tire sous prétexte qu’il peut y avoir des risques.

Si je ne lui dis rien, je vais m’en vouloir de la laisser prendre des risques insensés. J’imagine déjà les effets de ce comportement dommageable.

Le téléphone grésille encore et cette fois Juliette se réveille et répond. Elle semble affolée, elle ramasse ses affaires et plie bagages en urgence. Juste un au revoir et la voici partie sans explications.
Je suis bon pour ravaler mes recommandations et m’inquiéter un peu plus.

(Marc)