vers l'atelier 2012


Comme au cinéma

Vous connaissez le personnage de Bridget dans le film « le journal de Bridget Jones *» ; c’est une trentenaire gaffeuse, un peu gourde, célibataire et qui se désespère de trouver le prince charmant. Si sa vie professionnelle est un désastre, sa vie sentimentale est un fiasco. Et au plus elle veut bien faire, au plus les choses s’aggravent. Elle est amoureuse de son chef de service, un véritable séducteur volage et inconséquent, qui va profiter d’elle et lui briser le cœur. Elle ne voit pas que Marc, un brillant avocat, un peu froid, un peu snob, mais qui est vraiment un mec bien, est, lui, sincèrement amoureux d’elle.
Et bien moi c’est pareil. Sauf qu’aucun brillant avocat n’est amoureux de moi. Ma vie professionnelle est lamentable ; j’enchaîne les postes inintéressants et les CDD. Je change si souvent de travail que parfois quand mon réveil sonne le matin, il me faut quelques minutes pour me souvenir de l’endroit où je vais aller passer la journée.
Ma vie sentimentale est vide. Vide. Rien, pas un amoureux, pas un flirt, et ça depuis le lycée, où déjà il ne s’était rien passé ; le vide depuis toujours..
Vous connaissez cette chanson « tous les garçons et les filles de mon âge » que chantait Françoise Hardy :
« tous les garçons et les filles de mon âge
S’en vont tous dans la rue deux par deux
 tous les garçons et les filles de mon âge
savent très bien ce qu’est être heureux »
et bien voilà, je suis dans cet état-là. Sauf qu’en vrai,  tous les garçons et les filles du mien d’âge à force de marcher deux par deux et d’être heureux, ils se sont mariés, ont fait des gamins, ont acheté une maison avec leur plan d’épargne et ont des boulots stables et passionnants. Moi, je galère toujours, j’habite toujours un studio, et je n’ai pas un rond de côté. Vivre la bohème à 20 ans, c’est beau, la vivre toujours à 30 ans, ça commence à devenir louche, et à 40 ans, ça devient carrément pathétique. Voilà, c’est ça, je suis pathétique. Et je n’ai même pas le droit de déprimer ou de m’arrêter pour réfléchir, sinon mon fragile équilibre se casse la figure, et là, c’est la fin des haricots. Alors, ma vie, c’est ça : je surveille les offres d’emploi et les promotions dans les grands magasins Discount. Je m’habille aux fripes et je passe les vacances chez mes parents. Et le pire, c’est que je ne sais pas à quel moment j’ai merdé pour en arriver là.
Vous vous souvenez d’Aristote Onassis, ce gars qui a commencé comme cireur de chaussures aux Etats-Unis, qui est devenu armateur et milliardaire, celui qui a épousé une fille Kennedy. Et bien des fois je me dis que ça pourrait être comme ça pour moi. Il suffirait de quoi ? une petite opportunité, un petit coup de vent dans le dos, quelqu’un qui me fasse confiance, ou une idée géniale. Je n’aurais pas peur de me lancer, d’investir un sous pour en récolter eux… c’est le petit truc du début qui manque. Et ne me dites pas que c’est parce que je ne sais pas le voir, au contraire, j’avance dans la vie les yeux écarquillés, mais, non… rien… pas la moindre petite ouverture…
Bon, en même temps : vous avez entendu parler de Lance Armstrong ? le coureur cycliste ? lui on peut dire qu’il a pris des risques, il a foncé, il a fait ce qu’il fallait pour réussir, pour être en haut du podium. Mais il a joué de mauvaises cartes et patatras… quelle dégringolade !...pire qu’avant. Alors ce n’est pas le tout de saisir sa chance, encore faut-il que ce soit vraiment une chance, et pas un coup fourré. Vous voyez ce que je veux dire.

Vous savez ce qu’on dit des gens comme moi : « pierre qui roule n’amasse pas mousse ».
Je suis une pierre qui roule. Je roule de serveuse chez Quick à livreuse pour Casino. Je roule de distributrice de presse à pompiste chez Total. Ça c’est vrai : je n’amasse pas mousse. Mais qui sait ? Peut-être qu’un jour je servirai des frites à un brillant avocat qui tombera amoureux de moi. Ou bien j’irai livrer des courses chez un Onassis qui me prendra sous son aile. En fin bref : j’y crois encore. De moins en moins c’est vrai, surtout certains jours. Mais bon, j’y crois encore.

(Nicole)



La famille Louis Auguste D'Orgnes






Rudy et Rachida (homosexuels contrariés)