L’ère du rien… (l’air de rien)

-A l’air du rien, une voix me disait : « tu as l’air de rien, un jour tu deviendras.»
-A J-9 J’ai foncé comme un bélier, la tête en premier, à la rencontre d’un œuf, la même voix me disait « tu es petit mais tu avances vite ».
- A terme, après les pleurs et le nettoyage, une autre voix plus douce, me disait « tu es beau comme un ange ».

-A l’air du rien, faut dire, il faut dire, mais comment le dire ; à l’époque, bien avant encore, il n’y avait pas grand-chose, plutôt il y avait des milliards de choses. Des lumières, des étoiles et surtout des mémoires cellulaires suspendues autour de ton cou comme des joyaux célestes pour magnifier ton corps et accepter l’amour en échange.
- A J -9 après mon expulsion sidérale, je me suis battu comme un fou, ignorant mes semblables, c’est ainsi, être le plus fort, le plus volontaire. J’ai fini le premier, le déclic a eu lieu. J’ai ovulé, j’ai évolué nageant comme un têtard dans des eaux gluantes, opaques mais aux vertus ô combien miraculeuses. J’étais protégé, déjà aimé…
Au commencement, ma tête n’était pas plus grosse que celle d’une aiguille.
- A terme, je me suis nourri de toi-même, de tes chants .Ils savaient atténuer le vacarme intérieur, j’acceptais le tout avec tendresse. A terme j’en oubliais mon savoir.

J’ai quitté cette chambre nuptiale, ce palais aux parois d’or où je me sentais invincible, immortel…
J’ai pleuré, pleuré tel un nouveau né que j’étais et je me suis endormi entre tes seins. Premier jour.


-A L’air du rien, bien avant, l’éternité devenait bien trop longue ; je m’ennuyais. J’avais envie de tes baisers de ton amour, être un roi pour toi… « Il était une fois …».
-A J-9, je me suis dissimulé, dans une rencontre, un ébat amoureux, passant du père éternel à la merveille de l’intérieur de ton ventre. Puis une décharge puissante s’est déclenchée. Me voilà expulsé. J’exécutais des numéros de gymnastique, de haute voltige sur un trampoline. Mes pirouettes on t fini en double axel arrière.
-A terme, mes yeux ne voyaient pas, ils ressentaient les caresses de ton regard, de tes mains et de tes lèvres. Le lait de tes seins se transformait en miel, j’étais inassouvi.

- A l’air du rien où je n’avais l’air de rien, où étais- je vraiment ?
-A J-9 le compte à rebours avait commencé. Apollo était en orbite. Le grand pas pour l’humanité approchait de mois en moi.
-A terme mon corps s’est posé sur ton ventre.

Alors, si aujourd’hui on dit que j’ai l’air de rien fonçant le tête en premier comme un bélier et beau comme un ange, je répondrais « vous savez, il y a bien longtemps, quelque part dans l’univers, vivait un non être dans l’ignorance de son devenir. Pourtant il savait une chose, c’est qu’il deviendrait …un jour, une nuit…qu’il connaîtrait ce que le ciel, les anges et les étoiles ignorent et ne pourront jamais connaître ; cette rencontre éternelle et éphémère avec une femme où le temps se confond dans un amour incommensurable afin de renouer avec l’éternité…l’ennui en moins…


Paul Dahan mai 2014