Ecologie (le film de Nicolas Hulot)
Voir aussi le dossier Ecologie et les potaches
Le Titanic (
Ce Titanic-là aura-t-il le succès de l’autre film, avec son couple d’amoureux mythique perché à la proue du paquebot sur le point de couler ? Il est à parier que oui, porté qu’il est par la personnalité de son auteur, Nicolas Hulot, et l’engouement des médias. Comme d’autres films-documents, eux aussi soutenus par de grands noms (Al Gore ou Yann Arthus-Bertrand), il rencontrera l’adhésion d’un public qu’intéresse et inquiète l’avenir de la planète. Même si le titre du film semble écrire à l’encre noire la fin du scénario.
Faut-il se réjouir de ces emballements cinématographiques ? Ils signifient peut-être une prise de conscience réelle sur les risques environnementaux et permettent d’espérer, après le temps de la dénonciation, un changement des comportements. Faut-il s’agacer du succès annoncé ? L’écologie, aujourd’hui, se présente trop souvent comme un nouveau prêt-à-penser, un nouveau dogme, une nouvelle religion. Les contradicteurs, les dissidents, ceux qui s’interrogent ou contestent certaines professions de foi, se trouvent suspectés de déviance, voire de dépendance à l’égard des puissances industrielles. Des écologistes de la première heure jusqu’aux nouveaux convertis, chacun aujourd’hui peint son discours en vert. Sans que l’on sache toujours si, derrière la façade, se cachent de véritables convictions. Le label « écologie » devient un gage de modernité, un passeport pour la gloire, une manière de « vendre » de nouvelles technologies pas forcément très « propres », un argument marketing politique ou économique…
Car il y a encore loin de l’effet de mode à la révolution des mœurs à laquelle invite l’idée d’un développement durable. La protection de la nature et de l’homme (l’une ne peut pas aller sans l’autre), la sobriété dans les modes de consommation, l’usage raisonné des énergies, la lutte contre les gaspillages, un partage équitable des richesses, l’interdépendance entre les manières de vivre occidentales et les aspirations des autres peuples appellent à un retournement des mentalités individuelles et collectives. Une très longue traversée.
06/10/2009 20:00
L’écologiste appelle à faire des choix pour changer
la société, convaincu que l’on « gagnera en humain » ce que l’on va « libérer
en matérialisme »
Pourquoi vous-même et de nombreux
écologistes investissez-vous la sphère du cinéma ?
Nicolas Hulot : Le Syndrome du Titanic, ce n’est
qu’un film. Ce n’est pas le plan B pour la planète. Il ne faut pas tout en
attendre. Mais un engagement comme le mien ne s’accommode pas d’un seul outil.
Il faut une multiplicité de moyens d’action et d’expression, certains visibles
qui passent par les médias, d’autres invisibles, mais tout aussi utiles, comme
le travail de fond que nous menons à la Fondation.
Quel est votre propos ?
Nous sommes à un carrefour de crise qui nous impose un rendez-vous
critique avec nous-mêmes. Je souhaite que ce film y contribue, non pas pour
nous culpabiliser mais pour essayer de comprendre pourquoi nous en sommes
arrivés là, à quel moment s’est produite cette sorte de schisme dans le couple
« avenir et progrès » que l’on croyait indissociable. Cette réflexion sociétale
et culturelle est désespérément absente des débats. Einstein disait que notre
époque se caractérise par la profusion des moyens et la confusion des intentions.
La bonne nouvelle, c’est que l’on a la profusion des moyens. On est capable
de faire de grandes choses. Mais pour faire quoi ?
Le ton extrêmement pessimiste
ne risque-t-il pas d’être contre-productif ?
L’avenir n’est effrayant que si on laisse le temps nous dicter
nos mutations. Tant qu’elle n’est pas convaincue que la mutation est incontournable
et opportune, la société ne passe pas à l’acte. Il faut montrer que nous sommes
dans une impasse. Les choses vont se réguler de gré ou de force. Un esprit
sensé comprend qu’il vaut mieux choisir de gré que de force.
Ce film est une transition dans mon parcours. Je suis passé d’un combat
tourné vers l’écologie à des préoccupations plus larges. Car nous vivons une
crise à la fois écologique, économique, énergétique et de civilisation. Il
faut bien sûr adopter des gestes écologiques, mais c’est insuffisant. Il
faut aussi s’attaquer au système monétaire, aux règles du commerce international
et de la gouvernance mondiale. On ne peut pas traiter la crise écologique
sans traiter simultanément inégalités et pauvreté.
Votre discours est de plus
en plus radical…
On me dit : Ton discours s’est radicalisé. Mais c’est le contexte
qui s’est radicalisé ! Les experts du climat revoient à la hausse leurs prévisions.
Les inégalités se creusent. Les crises se multiplient et mettent au grand
jour une crise systémique d’un modèle qui eut ses vertus mais qui devient
un problème. Car ce modèle repose sur un principe qui n’est pas tenable :
la croissance exponentielle. Chacun peut comprendre que, dans un monde qui
ne s’étend pas, on arrive en butée.
Or, tout cela se passe dans un monde connecté et relié. Il faut en assumer
les conséquences. On ne peut pas condamner ceux qui sont exclus à une double
peine : être exclus et spectateurs passifs. C’est ignorer la nature humaine.
Ils réagiront. Et cela ne va pas se régler avec un peu de peinture verte et
de charité bien ordonnée. Il faudra revoir notre modèle économique et faire
des choix, c’est-à-dire des renoncements consentis, si nous voulons éviter
d’aller vers la société de privation et de rationnement qui nous pend au
nez.
Entre la civilisation du gâchis et un monde de privation absolue, j’ose
espérer qu’il y a une voie médiane, une société heureuse, une société d’abondance
frugale, comme dit Jean-Baptiste de Foucauld. Nous avons de la marge si
c’est nous qui organisons ce changement. On ne sera pas moins heureux, on
sera heureux différemment. Je pense même qu’on sera plus heureux. Ce qu’on
va libérer en matérialisme, on va le gagner en humain.
Peut-on attendre des individus
qu’ils se restreignent ?
Nous sommes désespérément humains, donc faillibles, surtout
dans une société qui multiplie les désirs et les besoins tous les matins.
Or, il en est des sociétés comme des enfants : si vous ne leur fixez pas de
limites, ils basculent dans le vide. Comme on ne sait pas le faire spontanément
et qu’il faut le faire urgemment, c’est à la puissance publique d’agir en
fonction des contraintes physiques et sociales. Si nous devons gérer une addition
de pénuries, faute d’avoir anticipé, nos démocraties voleront en éclat. Pour
éviter cela, il est nécessaire de renforcer la puissance publique et la démocratie
pour établir un point de rencontre entre le courage politique et l’adhésion
des citoyens.
L’écologie est-elle vraiment
ni de droite ni de gauche ?
Je ne nie pas la nécessité de clivages idéologiques. Mais
on ne va pas revenir au premier modèle, le collectivisme. Et le capitalisme,
conditionné à une croissance exponentielle, arrive à sa fin. Un nouveau modèle
est à construire, une troisième voie. Personne ne l’a encore inventée. Il
serait bon que tout le monde y participe. Certains affichent une forme de
dégoût, critiquent ces « préoccupations de riches ». Mais c’est un devoir
de riches. Ce sont toujours les mêmes qui trinquent. Quand les ressources
seront rares, qui s’en sortira ? Qui sait que le changement climatique a contribué
au drame du Darfour ? Il a contraint les éleveurs de chameaux nomades à se
déplacer et à entrer en confrontation avec les agriculteurs sédentaires. Cela
a mis le feu aux poudres. Quand on sait cela, on sourit moins.
Vous êtes d’une famille catholique
bretonne. On a parfois opposé catholicisme et écologie. Qu’en pensez-vous
?
Sont-ils inconciliables ? L’idée que l’homme puisse détacher
indûment sa branche de l’arbre de
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Marie VERDIER et Arnaud SCHWARTZ |