Présentation : "La Vénus Noire" d'Abdellatif Kechiche
Commentaires :  André , Christian,  islamophobie (Marc)  Jacqueline    Aline


La venus Hottentot, son histoire sera dès le 27 octobre 2010 sur les grands écrans...

... grâce à Abdellatif Kechiche.

Abdellatif Kechiche, réalisateur franco-tunisien habitué des récompenses les plus prestigieuses, quatre césars pour "L’Esquive" et autant pour "La Graine et le Mulet", avec Hasfia Herzi, devrait encore surprendre avec "La Vénus noire", présentée à la Mostra de Venise le 8 septembre.

 Dans ce film, il revient sur l’histoire cruelle de la Sud-Africaine Saartjie Baartman, plus connue sous le nom de "Vénus hottentote", qui fut exposée à Londres comme une bête de foire à partir de 1810. Sa morphologie, en particulier l’hypertrophie de ses fesses, attirait les foules venues contempler ce spécimen de ce que l’on appelait alors les "races inférieures"… À sa mort en 1815, les scientifiques, le zoologiste et paléontologue français Georges Cuvier en tête, se prennent de passion pour l’étude de son corps.

 Mais pour Kechiche, l’aspect strictement historique n’est pas au centre de La Vénus noire. Pour son premier film en costumes, il n’a pas voulu se perdre dans le décorum ou dans la recherche d’une vérité historique. "Saartjie est un personnage très mystérieux. Finalement, on ne sait pas grand-chose de ses motivations réelles. C’est ce vide d’explications qu’il est intéressant de filmer", explique-t-il.

Thèmes sensibles

 Tournée à Nantes et en Île-de-France durant l’automne 2009, La Vénus noire s’attache surtout aux contradictions de son personnage principal. À la fois artiste et bête de foire, consentante et sans cesse violée, Saartjie connut un destin tragique et finit sa vie dans la prostitution et l’alcool. Prisonnière du regard que les Européens posent sur elle, elle ne réussira pas à s’imposer comme artiste. "Je me suis beaucoup identifié à cette dimension du personnage, explique Kechiche. C’est ce que je ressentais en tant qu’acteur, à mes débuts. Je souffrais de ce que l’on attendait de moi, non pas comme acteur mais comme Arabe. Je me sentais dans une prison. Les rôles qu’on offrait aux Arabes étaient à l’époque très limités."

Synopsis :

 Paris, 1817, enceinte de l'Académie Royale de Médecine. "Je n'ai jamais vu de tête humaine plus semblable à celle des singes". Face au moulage du corps de Saartjie Baartman, l'anatomiste Georges Cuvier est catégorique. Un parterre de distingués collègues applaudit la démonstration. Sept ans plus tôt, Saartjie quittait l'Afrique du Sud avec son maitre, Caezar, et livrait son corps en pâture au public londonien des foires aux monstres. Femme libre et entravée, elle était l'icône des bas-fonds, la "Vénus Hottentote" promise au mirage d'une ascension dorée...



Commentaires :

Huguette et moi avons déjà vu ce film. C'est un film important, comme les médias le disent. Mais j'avoue un  certain malaise sur la description de la fin de la Vénus de foire.
Le traitement de cette fin d'histoire, dans le bordel, me choque. Et pourtant je ne pense pas être naïf. Ce qu'elle a vécue est peut être pire. Une autre personne, voisine de siège, que je ne connais pas, disait tout bas "pourquoi montrent 'il cela  ?".
Mais aprés votre séance je m'informerai des réactions de l'équipe cinéma.

André



Christian :

Le film d'Abdellatif Kechiche m'a paru, non pas dur, mais très fort dans sa dénonciation des préjugés racistes de la bonne société française.

La première scène se déroule après le décès de la Vénus noire (Sartjee Baarkman chez ses propriétaires afrikanner) dans un amphi de distingués savants. Georges Cuvier commente le moulage de sons corps et les prélèvements d'organes conservés dans des bocaux de formol. Il conclut sous les applaudissements  que la conformation de son crâne l'apparente aux races humaines vouées à "une éternelle infériorité". Nous sommes en 1817.
Les dernières scènes font écho à la première. On y apprend qu'en 1974 (sauf erreur) la France a refusé la restitution des restes de Sartjee à l'Afrique du Sud libérée de l'apartheid, au motif que ce serait dépouiller le patrimoine scientifique national. (J'aimerais en savoir plus sur cet épisode : qui à dit quoi, etc). Le rapatriement n'aura lieu que neuf ans plus tard ( 2003 je crois) après des péripéties que le film ne détaille pas.
J'y vois la persistance, dans la France contemporaine, des préjugés racistes du 19e siècle et je suis convaincu que c'est la démonstration voulue par Abdellatif Kechiche.

• La biographie de Saartje par la LDH Toulon ici :
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4115

• Cuvier était un féroce tenant de la théorie "fixiste"  Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Cuvier
Soucieux de  l'honneur gaulois,  j'ajoute que les "créationnistes" américains perpétuent cette théorie et qu'une majorité d'Américains s'y rallie.

Voilà ce que j'ai retenu du film. Christian
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Par extension, le problème actuel de l'islamophobie me parait digne d'un débat au sein de Poursuivre.
Marc


Tout à fait d'accord.
L'islamophobie repose sur les mêmes arguments et réflexes que ceux qui ont présidé au sort fait à la Vénus Noire.
Cette intention aussi devait être dans la tête du metteur en scène, Abdellatif Kechiche.
A+, Christian



Jacqueline

Il était hard vrai de vrai, comme l'était la représentation des peuples colonisés par les colonisateurs dans une société positiviste. Il pose aussi beaucoup de questions :

- les relations du maître et de l'esclave mais pas tout à fait au sens de Hegel mais plus particulièrement dans celui de la complaisance de la victime à l'égard de son agresseur.

- l'Africain qui doit jouer au "sauvage", tromper les spectateurs qui ne demandent qu'à être confortés dans leurs à priori, d'ailleurs ils ont payé pour ça, pour avoir des émotions fortes

- la violence que s'impose certains artistes dans des performances devant celui qui regarde. Est-elle de l'art ? 

- le mercantilisme qui vend et achète les services de femmes, d'abord pour faire un spectacle de domptage d'un animal ou d'une femme

- comment le moulage du corps a-t-il pu être exposé au Musée de l'homme jusqu'en 1972 ou 74, sans soulever la désapprobation d'anthropologues humanistes ?

Ce film rappelle bien le peu de considération, que les sociétés qui ont été le berceau de la Déclaration universelle des droits de l'homme, avaient il n'y a pas si longtemps, pour leurs congénères ne partageant pas leur culture. N'a-t-on pas entendu à Dakar il y a peu que l'Africain tardait à rentrer dans l'Histoire ?

Les Canaques exposés au zoo de Vincennes, comme des animaux exotiques, pendant l'Exposition universelle avant guerre se souviennent encore.

Film donc intéressant mais qui fait mal.... Jacqueline M


Aline
Bonjour Marc voici à la suite de Christian et Jacqueline quelques lignes au sujet de "vénus noire".
Merci à Christian et Jacqueline qui ont répondu à ma sollicitation. Je rejoins tout à fait leurs analyses pertinentes et j'ajoute mes commentaires.

Personnellement je dirai que ce film a la capacité de nous mettre mal à l'aise; il est dérangeant parce qu'il renvoie le spectateur à une situation de voyeur comme l'était le public des cabarets londoniens ou celui des salons parisiens. Quel regard avons nous sur l'Autre , l'Etranger ou le Différent?
Pour répondre à Christian ,en effet ce n'est qu'au bout de 8 ans que Nelson Mandela qui était intervenu auprès de François MItterand sur la demande des chefs de tribus , a obtenu la restitution des restes de la Vénus noire à l'Afrique du Sud. Un préhistorien contemporain, Henri de Lumley,  s'y était  opposé, arguant l'intérêt scientifique des organes prélevés. je vous recommande à ce sujet le blog de Daniel Giacobi avec les débats à l'assemblée édifiant!

http://hgsavinagiac.over-blog.com sur la vénus hottentote.

Avec Buffon avait commencé le classement des différentes  espèces y compris de l'espèce humaine. Les manuels scolaires du 19 ° siècle  faisaient référence à quatre races: la blanche, la rouge, la jaune et la noire et évidemment la blanche était la race parfaite. Cuvier que nous voyons dans le film, père de la paléontologie et de l'anatomie comparée, se situait dans ce courant de pensée dominant  à cette époque en France qui croyait en une hiérarchie des races et s'opposait aux théories évolutionnistes  de Lamark. Cette thèse  recoupe l'histoire coloniale française.
Je vous suggère d'aller lire l'article d'Olivier Bardet et Pascal Blanchard publié dans le Monde du 27/ 06/ 2005 : les zoos humains sont ils de retour? 
Je vous livre un extrait de leur conclusion: Dans tout ce phénomène de "zoos humains", on l'aura compris, c'est avant tout de "Nous"(occidentaux) qu'il s'agit. Les "zoos humains"ont rempli leur mission : construire une frontière invisible, mais tangible, entre "eux" et "nous". Ces "eux" et "nous " sont essentiels.

prochaine séance cinéma: 6 décembre après midi pour un film plus soft...

Aline


Bonjour Aline !
Tu souhaites que j'insère ces lignes dans les commentaires de le la "Vénus noire" ?
Le blog que tu cites est fort intéressant mais je n'y vois rien sur la vénus en question. Il faudrait donner une référence plus précise.
Merci de souligner ce que je dois insérer.