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Invitation
Dernière séance de l'année ! Je propose aux Variétés (espérant que 2016 ne sera pas la fin de ses activités) le film iranien "Le Client" de Asghar Farhadi. La séance commence à 13h30. Les critiques de presse sont partagées à son sujet, mais les choix sont de plus en plus restreints dans notre bonne ville. Nous verrons bien et jugerons par nous-mêmes. Nous ne pouvons pas bénéficier des cinémas attachés à des musées (Le Miroir à la Vieille Charité, au Mucem, à la Maison de la Méditerranée) ceux-ci étant fermés le lundi. Faudra-t-il changer de jour ? Par ailleurs j'irai certainement voir le dessin animé "Louise en hiver" qui passe à l'Alhambra (Estaque) à 17h. D'ici là je vous souhaite sans souci et même d'être heureux ! Jacqueline
Le Client Synopsis
9 novembre 2016 / 2h 03min / Drame
De Asghar Farhadi
Avec Shahab Hosseini, Taraneh Alidoosti, Babak Karimi
Contraints de quitter leur appartement du centre de Téhéran en raison d'importants travaux menaçant l'immeuble, Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement. Un incident en rapport avec l’ancienne locataire va bouleverser la vie du jeune couple.


 

Commentaires du groupe, compte rendu de Jacqueline
Contraints de quitter leur appartement du centre de Téhéran en raison d'importants travaux menaçant l'immeuble, Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement. Un incident en rapport avec l’ancienne locataire va bouleverser la vie du jeune couple.
Le film a été primé au festival de Cannes.
L’humiliation est le cœur du drame : celle de la jeune femme, celle du mari dont l’honneur de son épouse (et le sien) a été atteint et veut le venger en la faisant subir à son tour au septuagénaire qui a observé sa femme nue.
Les membres du couple sont partenaires, non seulement dans leur vraie vie quotidienne, mais aussi dans celle d’acteurs. Ils interprètent une pièce de théâtre « La mort d’un commis voyageur » d’Arthur Miller. Le spectateur que nous étions, était doublement sollicité en assistant aux bribes de scènes de la pièce jouées par le couple, il l’était aussi et surtout par son jugement à propos du comportement des protagonistes. Nous n’avons pas d’ailleurs bien compris s’il fallait voir un lien entre les deux lieux de vie du couple, mise à part la stigmatisation de deux humiliations apparemment différentes.
L’intrigue est mince, un fait divers qui a semblé cocasse à certaines. C’est surtout un film sur le jugement :
« l’argent impur » destiné à une prostituée mais qui a servi, par ignorance, à acheter des aliments ;
sur l’histoire sordide que le vieux monsieur pris en faute, doit falsifier
Qui pourrait être porté sur la jeune femme honteuse laquelle préfère garder le secret par peur d’être condamnée ;
Envers le mari dépossédé de sa femme vue nue par un autre homme…
Un bon film moyen, sans rien d’original et de particulièrement marquant. Inscrit dans la société iranienne, comme dans son autre film « La séparation » Asghar Farhadi nous décrit des situations que nous pouvons tout à fait imaginer dans nos contrées.
Le groupe, réduit à cette séance, a apprécié le film sans plus.

Commentaires extérieurs :

Ci-joint quelques lignes, car sur le site il y a beaucoup  d' extraits d'article de grands journaux, qui disent beaucoup sur le dernier film d'Agshgar Fahradi. (Alain LG)

Ce film m'intéressait par son scénario. Puis lors de la projection, je me suis senti littéralement scotché. D'abord, ça commence par un tremblement de terre qui oblige la petite communauté 
qui logeait dans un immeuble à évacuer leur appartement, dont le couple qui va former la trame de l'histoire.
L'action se passe en Iran, pays en zone sismique, comme nous le savons. Mais l'Iran est un Etat islamique et théocratique, un pays où les artistes, les cinéastes et les gens de théâtre en particulier, font
l'objet dune surveillance tatillonne. Alors, ce film tourné là-bas (à la différence du précédent, La séparation) c'est un signe d'une censure moins forte, mais aussi d'une grande habileté du cinéaste. On peut s'en réjouir. En effet, le cinéaste livre, sous le couvert d'un fait divers, un exposé percutant sur l'état moral du pays. Car que se passe-t-il dans la tête des deux protagonistes, la femme agressée dans sa salle de bains, en position de victime, le mari indigné mais honteux de vivre cet affront? On remarquera: pas de police, pas d'inspecteur, pas d'enquête. Le mari fera lui-même l'enquête et démasquera l'agresseur, mais à quel prix. Il crée "un tremblement de terre " dans la famille de l'agresseur. Et le couple n'en sortira pas indemne. Le style est sobre, sans grands effets, à l'image du mari, remarquablement interprété par Hosseini (prix d'interprétation à Cannes).. Le film fait de nombreuses allusions aux défauts de la société iranienne, et son côté tranquillement subversif m'a laissé admiratif. Sans effet de manche, voilà un pied de nez à la censure!
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    J'ai vu le film il y a déjà plusieurs jours .
Il me reste une impression de perfection technique, de beauté des personnages, de réalisme pour une situation presque ordinaire et peu dramatique du scénario mais que l'on cherche à décrypter tout au long de la séance.
A voir mais pas à revoir à mon avis. (Marc)

LE CLIENT/Asghar Farhadi
Elle/par Anne Diatkine
Une pépite. Asghar Farhadi, dont on a adoré « Une séparation » et « Le Passé », c’est le regard du spectateur qui construit le sens,[cf Didi Hubermann] et l’on garde un sentiment d’incertitude sur ce qu’on a vu au fur et à mesure des rebondissements. le propre d’Asghar Farhadi, comme dans ses précédents films, est de nous captiver par sa familiarité avec ce qui est montré. Un nouvel appartement est prêté au couple. La précédente locataire, qu’on ne voit jamais, y a laissé ses affaires. Rana se fait agresser sous la douche. Ellipse de l’agression, mais pas du sang qui coule sur son visage. Dès lors, le film se transforme en thriller énigmatique. Emad mène-t-il l’enquête pour se venger ou pour sauver son honneur ? Y a-t-il eu méprise sur l’identité de l’agressée ? Le film d’Asghar Farhadi est intéressant aussi sur des détails : par exemple, la scène où la commission de censure trouve huit points litigieux dans la pièce « Mort d’un commis voyageur » montée par la troupe d’Emad et Rana...

Positif/ par Vincent Thabourey
Asghar Farhadi excelle à orchestrer ce ressac temporel. Conviant tous les outils du cinéma avec un savoir-faire discret, il assume sans forfanterie son côté bâtisseur d'histoires. "Le Client" est un magnifique système, une habile construction.

Charlie Hebdo/par Sigolène Vinson
Le réalisateur ne semble pas prendre position sur les questions qu'il pose. Son talent peut-être est-il un point de vue.

Transfuge/par Damien Aubel
C'est brillant mais, heureusement, les zones d'ombre restent inentamées (...), la direction d'acteurs, réglée au millimètre, prenant le relais sur la narration pour faire ressortir cette inquiétude permanente : l'incapacité de rester dans la quiétude d'un endroit qui serait à soi.

Le Nouvel Observateur/par Pascal Mérigeau
De retour en Iran après une parenthèse française ("Le Passé"), le cinéaste se comporte une nouvelle fois en architecte, bâtissant un scénario implacable, dont chaque pièce s’assemble sans que le spectateur en ait toujours conscience, sans que jamais les personnages ne mesurent les effets produits sur leur existence. Emad et Rana, également partenaires sur scène, où ils jouent "Mort d’un commis voyageur", emménagent dans un nouvel appartement, dont la locataire précédente, "une femme qui a de nombreux compagnons" (autrement dit, une prostituée), refuse de débarrasser ses affaires. C’est là qu’un soir, Rana, seule, a ouvert la porte sans demander qui sonnait, persuadée qu’il s’agissait de son mari. Quand celui-ci est entré, il a trouvé des traces de pas ensanglantés et Rana blessée à la tête, traumatisée.
Que s’est-il passé ? C’est ce qu’Emad tente de savoir, menant sa propre enquête, mais la question essentielle est de comprendre comment cet incident, les interrogations qu’il fait naître et, plus encore, le regard porté par les autres sur le couple vont insidieusement modifier la relation jusqu’alors sans nuages entre un homme et une femme. A force de chercher, le mari finit par trouver et il piège le coupable, en qui il ne tarde pas à voir un double de celui que, chaque soir, maquillé, vieilli, il interprète sur scène, le misérable Willy Lomax créé par Arthur Miller.
L’humiliation est au cœur du drame, celle vécue par Rana, dont on ne saura presque rien, celle endurée par Emad, confronté à la pression exercée par ceux qui veulent qu’il venge l’honneur de son épouse et le sien propre. Cette fois-ci, la femme est au centre du tableau dessiné par Farhadi, c’est elle qui, tout en silences, tout en regards, fait naître la tension, et la maintient jusqu’au dernier plan, délicieusement énigmatique.

La Croix/par Arnaud Schwartz
Primé au Festival de Cannes, le nouveau film de l’Iranien Asghar Farhadi propose une exploration morale vertigineuse, où se dérobe l’évidence du jugement. paysages changeants de la faute. Asghar Farhadi propose une exploration morale vertigineuse, où se dérobe l’évidence du jugement.
Avec une prédilection pour la faute, la culpabilité, la responsabilité dans la multitude des points de vue moraux. Nul hasard si la pièce que le couple joue est celle d’Arthur Miller, dans laquelle un vieil homme usé se perd entre dignité et pardon.
Le cinéaste, jamais preneur de réponses toutes faites, n’a pas son pareil pour mettre ses spectateurs au travail, faisant évoluer la perception que l’on a de ses personnages en fonction des situations auxquelles ils sont soumis. « Pour savoir qui est coupable de quoi, il faut entendre tous les personnages, note-t-il. Les justifications de l’un peuvent influer sur le jugement de l’autre. Plus on dispose d’informations, plus on comprend que personne n’est tout à fait coupable. Chacun a de bonnes raisons d’agir comme il le fait, et ce qui complique encore l’affaire, c’est que ces raisons sont très souvent inconscientes au moment où les actes sont commis. »
Comme dans ses films, la réalité iranienne n’est pas binaire : « Mon propos est de m’adresser à tous, confie-t-il. Y compris aux membres de la commission de censure, qui sont aussi des êtres humains. Si je parviens à ce qu’au bout d’un quart d’heure ils oublient qu’ils sont là pour repérer ce qui leur pose problème et se laissent porter par le film, tant mieux. C’est ça qui m’intéresse : les inclure au public. »

L'Humanité/par Magali Jauffret Le choix cornélien de la vengeance ou du pardon
Une nouvelle fois, le cinéaste iranien bouscule le confort d’un jeune couple de la classe moyenne pour le confronter à une situation dramatique, nous plongeant dans la complexité de l’humain.
Après la Séparation, le Passé, Ashgar Farhadi est rentré filmer ce thriller psychologique en son pays, dans une ville de Téhéran surpeuplée, où il est très difficile de se loger et qui bruisse, tout au lond du film, tourné dans un dédale anarchique d’escaliers et de toits-terrasses. D’emblée, on entre en métaphore : les fissures de l’immeuble nous plongent dans les fêlures, les fractures de la société iranienne…
Un film construit sur le non-dit et le contournement. Entre drame théâtral et drame réel, atermoiements, doutes et contradictions de l’un ou l’autre, nous voilà, nous aussi, transformés en limiers, dans la situation de soutenir l’un, puis l’autre, de compatir ou pas. Nous aussi, nous cherchons la vérité, nous nous interrogeons, incapables de trancher. C’est d’autant plus prenant que les personnages sont ambivalents, les situations ambiguës, que le film se construit sur l’ellipse, le contournement, le non-dit, que tout se passe dans les silences, les regards, sans compter le jeu avec la censure du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique qui se confond avec le récit. Une intimité a été violée

Critikat.com/par Benoît Smith
La pertinence de l’observation est indéniable, cependant le handicap qui l’accompagne l’est tout autant : une tentation pour le spectateur de jauger les contours de ce qu’il faut bien appeler le système Farhadi, un système qu’il est légitime de trouver verrouillé. Comme dans d’autres de ses films, l’engrenage que le cinéaste se plaît à mettre en branle reste avant tout scénaristique, reposant sur une écriture au cordeau des situations, des échanges, des confrontations – et sur la faculté de la mise en scène de s’appuyer sur le scénario pour matérialiser une tension du regard, en faisant durer les plans et les silences, en aménageant du hors-champ et des ellipses. C’est efficace, et mené ici un peu plus habilement que dans Une séparation (où une certaine ellipse semblait conditionner toute la lecture du film). Mais cela ne nous débarrasse pas de l’impression un peu étouffante que de tels films, et le regard qui s’y exerce, roulent sur des rails rigides dont on aimerait parfois les voir sortir pour respirer un peu, oser regarder légèrement de côté. De telles sorties se produisent néanmoins à l’occasion, comme ici au cours d’une filature à travers Téhéran où le film semble s’offrir l’option de bifurquer librement du programme suivi jusqu’alors.
Sa critique social : s’avère aussi à double tranchant, en tant que partie intégrante de ce système. Dans Le Client peut-être plus encore que dans ses autres films, aucun personnage (du couple à leurs camarades de théâtre en passant par les voisins : on n’exceptera guère qu’un petit garçon) n’est épargné par cette machine à relever les ambiguïtés, les travers sournois, les petites lâchetés, parts d’ombre savamment exposées par des dialogues aux mots pesés, ou suggérées par de petites ellipses judicieusement choisies. Les scènes sur la scène de théâtre semblent exister pour appuyer la posture, quand le réel s’invite inopinément dans la représentation pour la perturber
On note que si Farhadi se fait juge, il ne condamne pas vraiment : d’abord parce qu’à l’arrivée tous les personnages auront été soumis au même niveau de regard critique, si bien que nul n’est vraiment plus fautif qu’un autre ; ensuite parce qu’au moins pour certains, quelques instants (comme les derniers plans sur le couple désuni mais prêt à remonter sur les planches) suffisent pour rappeler que l’engrenage de l’étouffement dans la culpabilité n’est pas une fatalité, qu’une sortie est possible, même du plus bas. Et puis, dans ce regard inquisiteur qu’il fait circuler sur son théâtre à lui, une dimension plus discrète transparaît. Si les personnages se dérobent, dissimulent, biaisent voire trichent, le film laisse toujours deviner au-dessus d’eux une dimension – sociale, traditionnelle, religieuse aussi sans doute, quoi jamais clairement désignée – qui les incite tacitement à ces arrangements avec la sincérité. De ce poison qui circule de scène en scène, ils sont responsables mais contraints. Le cinéaste ne les dédouane pas, mais reconnaît que leurs actes critiquables trahissent autre chose qui les dépasse. Au moins pour ce témoignage en filigrane, pas si surplombant qu’il peut s’en donner l’air, le cinéma de Farhadi invite à surmonter son abord peu amène.
Le Monde/par Jacques Mandelbaum
Le redoublement du théâtre et de la vie, qui aurait pu être fructueux si la partie théâtrale avait pu être autre chose qu’un décor destiné à contenir l’idée d’une mise en abyme, mais où rien ne se joue vraiment pour le film. Le sentiment d’une déception l’emporte donc, aussi intéressante et inventive la métaphore fût-elle.

Télérama/par Cécile Mury
C'est l'ambiguïté d'Asghar Farhadi face à son sujet qui crée le seul vrai malaise. Si on retrouve le talent du cinéaste (...), son sens de l'ellipse et de la fluidité nerveuse du mouvement, on ne cesse de se demander ce qu'il dit vraiment, tant chaque situation, chaque dilemme, peut faire l'objet d'interprétations contradictoires.
Après un détour en France (Le Passé, 2013), le cinéaste revient donc au pays, avec les mêmes procédés : il pose ses personnages dans une labyrinthique enfilade de huis clos domestiques, d'appartements en cages d'escaliers, enfermés ensemble dans une vision métaphorique et étouffante de la société.
Mais cette fois, c'est presque trop littéral. Au début du film, l'immeuble des héros, Emad et Rana, un couple de théâtreux trentenaires, menace de s'écrouler. Manière de nous suggérer, sans grande subtilité, la décrépitude qui guette ce petit monde, aussi bien dans l'espace public que dans la sphère privée
Le conte moral qui en découle se veut dérangeant, une lecture cruelle des manques, des préjugés et des hypocrisies de chacun — y compris les « victimes » de l'incident. C'est pourtant l'ambiguïté d'Asghar Farhadi face à son sujet qui crée le seul vrai malaise. Si on retrouve le talent du cinéaste d'Une séparation, son sens de l'ellipse et de la fluidité nerveuse du mouvement, on ne cesse de se demander ce qu'il dit vraiment, tant chaque situation, chaque dilemme, peut faire l'objet d'interprétations contradictoires. Dénonciation du carcan moral dans l'Iran des mollahs ? Ou mépris flou, désabusé et hautain, pour la nature humaine en général ? Sans véritable prise de position, le film finit par n'être qu'un habile exercice de style, soigneusement calibré pour éviter de justesse la censure. — Cécile Mury