La villa

 

Bande annonce : clic


La Villa/Robert Guediguian

Une famille se réunit autour d'un père dans le coma, à la suite d'un AVC. Les frères, la sœur. Les voisins aussi sont toujours présents, jusqu’à leur mort. C’est avec eux que les maisons des deux familles ont été construites. C'était le temps où on s'entraidait, on avait une conscience de classe. Le plaisir de vivre ensemble dans son quartier n'existe plus. Les maisons du village abandonné sont closes ou peut être en voie de gentrification. Deux des enfants de la famille sont partis en ville, l'une pour faire du théâtre, l'autre exercer diverses métiers et pour finir enseignant, avant de prendre sa retraite. Seul l’un des fils est resté pour continuer l'oeuvre du père et prendre soin de lui.
 Bref c'est du Guédiguian habituel ! Tous ses bons vieux thèmes sont là. S'ajoute la nostalgie de ce bon vieux temps. Que faire de nos engagements ? Notre foi n’a plus sa place dans notre monde individualiste présent. Le monde a changé, alors comment faire le deuil de tout ce qu'on n'a plus. Le père immobilisé, communiste, est à l'image de la foi dans ces engagements.
Dans la villa, sur le balcon arrondi en face de la scène, il y a la mer, les rochers de la calanque Mejean. Les souvenirs d'enfance des ébats dans l'eau, les plaisirs de déguster une nourriture simple, celle des poissons apportés le matin même par le voisin pêcheur. Reviennent aussi en mémoire les fêtes de Noël avec tout le village.
La presse est dithyrambique au sujet du film, alors que notre groupe est plus réservé. Les paysages du film sont agréables à regarder. Tournée dans l’une des calanques de Marseille, nous sommes en terrain connu. De la fin de l’automne du patriarche autour duquel se réunit la famille, rien de nouveau dans le message usé et nostalgique de Robert Guédiguian. Dommage ! Je l’ai vu mieux inspiré dans « le promeneur du Champ de Mars », « Le Voyage en Arménie ». « Marius et Jeannet » qui a fait son succès, réjouissant était déjà porteur de générosité, de solidarité mais personnellement je le trouvais un peu niais dans la forme. Puis il nous ressort son thème favori dans « Les Neiges du Kilimanjaro ». Robert Guédiguian, le monde ouvrier et la solidarité n’ont pas complètement disparu, ils ont changé, comme le monde a changé. Il nous reste à accompagner, maitriser autant que faire se peut, cette évolution du monde. Le passé n’est-il pas excessivement idéalisé avec les ans ?  
Toutefois nous avons noté une ouverture vers l'avenir au dernier quart du film. Il laisse entrevoir une autre forme de solidarité, mais introduite maladroitement, bricolée, celle de la rencontre des enfants cachés dans les fourrés que la fratrie accueille pour sa renaissance. Une jolie phrase tirée de la tradition Kurde ( ?) inscrite par la petite fille "là où on meurt on prend racine".
Nous déplorons quelques lourdeurs telles l'arrivée du garde-côte Noir et le discours (anti)raciste. Le film veut traiter trop de choses à la fois et fait du bricolage. Toutefois nous y voyons des unités données par l'aqueduc et le train qui passe, la séduction intergénérationnelle : la jeune étudiante pour son professeur, le jeune pêcheur pour la comédienne, la rencontre de ces enfants par les adultes.  
Nous avons relevé quelques scènes amusantes : celle des deux garçons qui ne veulent pas séparer leur main et qu'on doit déshabiller pour prendre un bain. Une belle scène finale celle où tous sont réunis adultes et enfants appelant mutuellement leurs noms et  s'amusant de leur écho sous l'aqueduc.

Bref, le film a été accueilli tièdement par le groupe.  Jacqueline M.

 

«Le communisme maritime de Guédiguian a plus que jamais les atours de la rêverie et les contours du réel, renchérit Libération , entre la mer et la scène. (...) Dans ses vieux filets de pêche brillent des éclats d'avenir et quelques sanglots.»

Le site àVoiràLire est plus mesuré: «Entre nostalgie et résignation, l'évocation inégale mais touchante d'une époque révolue.» Seul nuage dans ce grand soleil d'hiver, Nathalie Simon, du Figaro, estime le film «interminable» et regrette que «le contenu de près de deux heures» manque de sobriété. Avant d'ajouter: «On a l'impression que le cinéaste marseillais embrasse tous les sujets qui le préoccupent. La fratrie, les origines, l'amour et l'usure des sentiments, l'incertitude de l'avenir, le poids du passé, jusqu'à l'immigration et le terrorisme.» Pour notre consœur, la nostalgie n'est plus ce qu'elle était...

 

Un film noir mais bienveillant

Si le film est sensible, cela se fait à rebours de sa propre noirceur. «Le soleil est bien noir, ici, explique Télérama , C'est une lumière d'hiver, de crépuscule qui règne sur ce théâtre à ciel ouvert. Du Tchekhov méridional, si l'on veut. Où l'on blague encore, mais ‘‘au bord du précipice'', comme le dit Joseph. Les réponses apportées sont provisoires: une fois n'est pas coutume chez le cinéaste, la fin reste ouverte. Malgré la mélancolie ambiante, des espoirs subsistent: l'amour de l'art et de la poésie (on déclame du Claudel!). L'amour tout court… Et puis il y a la mer, ses dorades et ses poulpes qui nous rappellent que l'antique palpite encore… Tout n'est pas perdu».

Le film est traversé par une mélancolie en sourdine, triste, bilan d'une génération qui ne sait plus bien quoi faire de ses idéaux. «Comment rester fidèle à l'héritage de lutte et à l'idéal de justice qu'incarnait cet homme? Comment ne pas les trahir dans la jungle renouvelée et triomphante de l'économie libérale? Comment tenir encore sur la nécessité, chaque jour piétinée, de la solidarité et du bien commun? (...) Simplement, ce vingtième long-métrage - à l'instar de Marius et Jeannette(1997) qui en cristallisa une sorte de moment parfait - occupe dans la partition de l'œuvre un sommet. Sommet, tout à la fois de noirceur, de lyrisme, d'économie de moyens», explique encore Le Monde .

Une certaine idée de fin du monde traverse le film. Il se heurte au mur de la tragédie de notre siècle. «Et sur cette rive confinée d'une Méditerranée où chaque jour se noient des centaines de migrants, l'actualité dramatique débarque clandestinement. Celle des réfugiés qui cherchent un refuge. (...) L'humble bienveillance qui baigne la fin de ce conte moral se substitue au constat en demi-teinte que dresse Robert Guédiguian. Les militants sont fatigués. Leurs luttes ont-elles servi à quelque chose?», se demande ainsi le journal La Croix .