NERUDA
Wikipédia : En 1946, Neruda dirige la campagne électorale
de González Videla qui, après son élection comme président, mène une
politique de droite et s'oppose fortement aux communistes dans le contexte
de la guerre froide. Le poète réagit par un discours au Sénat portant
le célèbre titre d'Émile Zola : "J'accuse !" Il échappe de justesse à
son arrestation et se réfugie en Europe.
Commentaires
Le film :
1948, la Guerre Froide s’est propagée jusqu’au Chili. Au Congrès,
le sénateur Pablo Neruda critique ouvertement le gouvernement. Le président
Videla demande alors sa destitution et confie au redoutable inspecteur
Óscar Peluchonneau le soin de procéder à l’arrestation du poète.
Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, échouent à
quitter le pays et sont alors dans l’obligation de se cacher. Il joue
avec l’inspecteur, laisse volontairement des indices pour rendre cette
traque encore plus dangereuse et plus intime. Dans ce jeu du chat et
de la souris, Neruda voit l’occasion de se réinventer et de devenir à
la fois un symbole pour la liberté et une légende littéraire
Commentaires :
NERUDA/Pablo Larrain
(par Jacqueline M.)
[Le réalisateur Pablo Larrain est né 3 ans après
la mort de Pablo Neruda. Le réalisateur a donc été élevé et grandi pendant
la dictature de Pinochet.] Il fait le portrait (un biopic) de Néruda dans
sa tranche de vie de 1947 à 1949. Le pays est dirigé par Gonzalez Videla,
dont Néruda, bien que sénateur communiste, a soutenu l’élection présidentielle.
A la tête de l’Etat chilien, il se révèle alors être un dictateur, [dans
un pays inféodé aux Etats-Unis comme tout le continent américain en pleine
guerre froide et dont le communisme est fermement réprimé jusqu’à la l’ère
de la perestroïka de Gorbatchev].
Le film décrit alors la poursuite, la traque du poète devenu opposant
au régime, par un jeune policier, Oscar Peluchonneau, à ses trousses. Tous
deux, policier et poète, sont amateurs de romans policiers. Peluchonneau
est un personnage de roman policier : a-t-il réellement existé ? Le film
montre des personnages vivant leur héros. Nous sommes perdus. Les limites
entre histoire et réalité deviennent floues.
Le film devient difficile à comprendre ; comme les personnages nous ne
savons plus où nous sommes : dans le mythe ou la réalité. Ainsi le réalisateur
interroge jusqu’à sa destruction, le mythe du grand poète, Prix Nobel, adulé
par son peuple. Il nous est montré à la fois insoumis, parfois vulgaire,
jouisseur, arrogant.
[La révélation, un peu « vacharde », du grand homme célébré par tout
un peuple dans un temps où la poésie chantait sa grandeur et ses espoirs,
dans sa médiocrité humaine, rappelle néanmoins qu’elle n’empêche pas la
grandeur de la créativité et l’espérance].
La course poursuite prend fin et le polar aussi, l’hiver au pied de la
Cordillère des Andes, avec la mort de Pellucheau, Neruda s’apprête à quitter
le Chili, aidé par des Mapuches pour l’Europe, Paris, [où il noue des relations
avec les surréalistes, particulièrement avec Aragon. Des décennies plus
tard, francophile, il sera nommé ambassadeur à Paris par Allende. Il retourne
dans son pays natal atteint d’un cancer de la prostate, il y mourra sous
Pinochet,. Un mystère plane toujours sur les causes réelles de sa mort :
cancer ou empoisonnement létal ?]
Avec la beauté des paysages et la stylisation des personnages, nous avons
relevé quelques belles scènes :
- dans un « bordel » quand Neruda unit sa voix à celle
d’un travesti en interprétant une chanson ; cet homme méprisé par ailleurs
ressent une grande fierté et une part de sa dignité restituée.
- lorsqu’une jeune mendiante tend la main, il lui dit
qu’il n’a pas d’argent sur lui mais prit de compassion il la couvre et lui
offre sa veste dans laquelle se trouve un recueil de ses poèmes et la serre
dans ses bras.
- Nous assistons à la rencontre du poète et des membres
communistes, alors une femme dans un état second vient le saluer tout en
lui reproche que maintenant, devenu riche, il a oublié son peuple.
- L’amour de sa femme, artiste et « maternante » qui
lui donne courage
- La lecture de poèmes en voix off a été appréciée.
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Je viens d'aller au cinéma pour voir Néruda.
C'est un beau film, sous titré, j'aime, qui donne à réfléchir
et nous présente de superbes images.
Je suis content de connaitre mieux Néruda au moins cette petite
partie de sa vie qui parait avoir été très riche. Poète et engagé, on
le voit comme un personnage très sensible. J'ai été frappé par les différents
aspects de sa vie relationnelle et cette façon de n'avoir peur de rien.
(Marc)
J'ai passé une partie de la nuit à revoir Neruda dans
ma tête. Que de bonnes choses dans ce film ! Il nous questionne. Sur nos
valeurs, fraternité, solidarité, sur le pouvoir. On devinera la force intellectuelle
du poète, politique, homme d'état et ses faiblesses, son amour de ses
proches et sa faculté du détachement, son goût du risque. On se prendra
au jeu du chat et de la souris et on sera touché par les limites de la
personnalité ambitieuse du policier qui voudrait se mesurer au maître.
Neruda est sûr de lui, tout lui réussit mais fragile en même temps. Avec
son physique bonhomme il a les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.
Il joue avec le danger, il provoque, il est grave et libertin. Il est
aimé, respecté, protégé, poussé à la modestie mais il poursuivra son destin
et son inspiration en écoutant que son stylo. J'aime cette scène où il
rencontre une jeune mendiante. "Je n'ai rien" lui répond il et il la serre
dans ses bras. On sait que, plus tard peut être, il aura trois ou quatre
belles maisons de par le monde, il sera adulé, il aura des amis, des amours.(Marc)
La biographie officielle de Neruda fait état
de l'opposition radicale au Président Videla, qu’il
avait pourtant soutenu dans sa campagne électorale. Mais, en
pleine période de guerre froide où la chasse aux communistes prend
de l’ampleur au Chili, le poète et sénateur fait
un discours violemment opposé à la politique répressive
de Videla. Cela constitue la première séquence du film. La réaction
du pouvoir en place ne se fait pas attendre, ses amis le
pressent de fuir en Europe. C’est là que commence la
fiction ! Arrêté et refoulé à la frontière avec l’Argentine,
il va rester au Chili et parcourir en compagnie de
sa femme, puis seul, une contrée magnifique et étrange, où
il contacte les autochtones (l’ethnie mapuche) et leur récite
ses poèmes empreints de poésie humaniste, dont le
fameux Canto General. Le Gouvernement a nommé un jeune
inspecteur ambitieux pour le faire arrêter. Et l’histoire
de cette traque va devenir un étonnant mélange des genres : policier,
western, road-movie, où les paysages sont filmés comme dans
un cauchemar, à la lumière crépusculaire, aux couleurs
sépia du passé. Dialogue à distance, la voix off
de son poursuivant laisse peu à peu deviner l’attraction-répulsion
entre les deux hommes. Et Pablo Neruda s’ingénie à semer des
fausses pistes, de ville en village, de bordel en
hôtel louche, de ruelles sombres à des pistes de
montagne, au milieu des haciendas pauvres et isolés. Neruda affirme
son goût du travestissement, son énergie débordante de femme
en femme, de ferme en ferme. La fin se passe dans
la neige, omniprésente et hostile. On comprend que cette histoire
qui nous est contée est celle de Pablo et de son double inversé,
et comment un homme raté, fils de prostituée, est
attiré par l’ombre du Poète finalement victorieux ! Les
deux acteurs sont formidables, un Neruda très ressemblant à
l’original, un Peluchonneau fictif, inquiétant et touchant
dans sa quête désespérée et son enquête faussement
implacable. Photographie, musique, sons des mondes traversés,
mais surtout la pureté de la langue espagnole irradiée de
poésie et de lyrisme : un beau et grand film sur celui
qui a écrit : « Je veux que l’immense majorité, la seule majorité,
tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s’épanouir. »
(Alain Le Goanvic)
Ce commentaire est passionnant et conforte mes impressions ressenties
lors de la séance, et sur le moment où on bascule dans presque un autre
film sur Neruda.
(Monique S.)
Merci de réagir à ce commentaire d'Alain L. Moi je n'avais pas réalisé
la supercherie mais je ne le regrette pas, j'ai vécu intensément toutes les
séquences et je vivais les pérégrinations de Néruda poursuivi comme historiques.
(Marc)
Oui j'étais un peu étonnée de tes (premiers) commentaires
personnels, car je savais que le film est une fiction loin de la réalité
des faits, que le policier est une invention, mais aussi qu'il vaut la peine
d'être vu pour sa poésie et son atmosphère. J'irai le voir plus
tard ! (Josette M.)
Je ne sais pas si il y a supercherie. C'est vrai que le film
fait tomber de son piédestal le grand poète qu'il fut pour certains d'entre
nous. Mais peut être faut-il voir avant tout dans un créateur l'impacte
de son oeuvre. (Jacqueline)
Moi aussi je suis allée voir NERUDA, bien que je ne vienne
que très rarement avec vous car occupée le lundi après-midi, Si Philippe
Reboul a été un peu décontenancé,
j'ai pour ma part beaucoup aimé ce film et me trouve tout à fait en accord
avec l'analyse de Marc.
Je le remercie et particulièrement pour son poème d'une sensibilité qui
doit être le reflet de lui-même. (Yarmila Reboul)
Juste un point sur le terme "supercherie". Le créateur, l'artiste,
n'a pas cherché à nous tromper! Il n'a pas fait un "biopic" (c'est à dire
une biographie en images), il l'a même déclaré dans une interview pour éviter
toute confusion.
En fait, s'emparant d'un grand personnage devenu légendaire,
il a imaginé quelle avait pu être sa vie au début de sa fuite, et
il a laissé libre cours, avec l'aide de son scénariste,à une sorte de rêverie
sur le poète. Il y a des éléments du caractère qui sont "vrais", partis
de témoignages et de recoupements. D'ailleurs et en bref, c'est une "version"personnelle
sur le personnage.
Nous savons bien que le travail de reconstitution d'une vie est une tâche
ardue et forcément "fausse", car il y a toujours la subjectivité, les partis-pris,
les raccourcis de celui qui l'a faite .C''est fréquent à la télé…voyez les
émissions de Laurent Delahousse sur les chanteurs ou comédiens de notre
époque à base de témoignages réels devant la caméra et d'extraits d'archives.
Cela à toutes les allures de la vérité, et le réalisateur arrive à cerner
la personnalité de l'artiste..mais, si on prend du recul, on voit bien qu'il
s'agit d'un montage savant, d'une tentative de reconstitution. Demande
à un historien sérieux s' il existe 'une vérité historique' ? ... il va te
rire au nez. (Alain Le Goanvic)
Inspiré par les poèmes de Néruda,
ce 9 janvier 2017 (Marc) :
Ce soir je lis
Les poèmes de Pablo
Neruda
Ceux plein d’amour
Pour la femme qu’il
aime
Ceux de tristesse pour
celle qu’il quitta
Neruda est un ogre,
je suis son disciple
Il faut savoir ouvrir
les portes de la vie
Pour laisser partir
celle que l’on croyait sienne
Et qui n’était que
fille du soleil
Jamais je ne regretterai
la liberté
Celle que j’ai donnée,
celle que j’ai trouvée
Pourtant la solitude
me pèse
Et j’attends toujours
la compagne de ma vie
Heureux sont ceux
qui peuvent ne pas penser
Ceux qui ne sentent
rien et qui savent tout
Ils croient sans doute
que la mort ne viendra
Que quand il la voudront
bien
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