2016
2017
janvier : Neruda



















NERUDA
Wikipédia : En 1946, Neruda dirige la campagne électorale de González Videla qui, après son élection comme président, mène une politique de droite et s'oppose fortement aux communistes dans le contexte de la guerre froide. Le poète réagit par un discours au Sénat portant le célèbre titre d'Émile Zola : "J'accuse !" Il échappe de justesse à son arrestation et se réfugie en Europe.
Commentaires
Le film :

1948, la Guerre Froide s’est propagée jusqu’au Chili. Au Congrès, le sénateur Pablo Neruda critique ouvertement le gouvernement. Le président Videla demande alors sa destitution et confie au redoutable inspecteur Óscar Peluchonneau le soin de procéder à l’arrestation du poète.
Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, échouent à quitter le pays et sont alors dans l’obligation de se cacher. Il joue avec l’inspecteur, laisse volontairement des indices pour rendre cette traque encore plus dangereuse et plus intime. Dans ce jeu du chat et de la souris, Neruda voit l’occasion de se réinventer et de devenir à la fois un symbole pour la liberté et une légende littéraire

Commentaires :

NERUDA/Pablo Larrain  (par Jacqueline M.)
 
 [Le réalisateur Pablo Larrain est né 3 ans après la mort de Pablo Neruda. Le réalisateur a donc été élevé et grandi pendant la dictature de Pinochet.] Il fait le portrait (un biopic) de Néruda dans sa tranche de vie de 1947 à 1949. Le pays est dirigé par Gonzalez Videla, dont Néruda, bien que sénateur communiste, a soutenu l’élection présidentielle. A la tête de l’Etat chilien, il se révèle alors être un dictateur, [dans un pays inféodé aux Etats-Unis comme tout le continent américain en pleine guerre froide et dont le communisme est fermement réprimé jusqu’à la l’ère de la perestroïka de Gorbatchev].
Le film décrit alors la poursuite, la traque du poète devenu opposant au régime, par un jeune policier, Oscar Peluchonneau, à ses trousses. Tous deux, policier et poète, sont amateurs de romans policiers. Peluchonneau est un personnage de roman policier : a-t-il réellement existé ? Le film montre des personnages vivant leur héros. Nous sommes perdus. Les limites entre histoire et réalité deviennent floues.  
Le film devient difficile à comprendre ; comme les personnages nous ne savons plus où nous sommes :  dans le mythe ou la réalité. Ainsi le réalisateur interroge jusqu’à sa destruction, le mythe du grand poète, Prix Nobel, adulé par son peuple. Il nous est montré à la fois insoumis, parfois vulgaire, jouisseur, arrogant.
[La révélation, un peu « vacharde », du grand homme célébré par tout un peuple dans un temps où la poésie chantait sa grandeur et ses espoirs, dans sa médiocrité humaine, rappelle néanmoins qu’elle n’empêche pas la grandeur de la créativité et l’espérance].
La course poursuite prend fin et le polar aussi, l’hiver au pied de la Cordillère des Andes, avec la mort de Pellucheau, Neruda s’apprête à quitter le Chili, aidé par des Mapuches pour l’Europe, Paris, [où il noue des relations avec les surréalistes, particulièrement avec Aragon. Des décennies plus tard, francophile, il sera nommé ambassadeur à Paris par Allende. Il retourne dans son pays natal atteint d’un cancer de la prostate, il y mourra sous Pinochet,. Un mystère plane toujours sur les causes réelles de sa mort : cancer ou empoisonnement létal ?]

Avec la beauté des paysages et la stylisation des personnages, nous avons relevé quelques belles scènes :
  •  dans un « bordel » quand Neruda unit sa voix à celle d’un travesti en interprétant une chanson ; cet homme méprisé par ailleurs ressent une grande fierté et une part de sa dignité restituée.
  • lorsqu’une jeune mendiante tend la main, il lui dit qu’il n’a pas d’argent sur lui mais prit de compassion il la couvre et lui offre  sa veste dans laquelle se trouve un recueil de ses poèmes et la serre dans ses bras.
  • Nous assistons à la rencontre du poète et des membres communistes, alors une femme dans un état second vient le saluer tout en lui reproche que maintenant, devenu riche, il a oublié son peuple.
  • L’amour de sa femme, artiste et « maternante » qui lui donne courage
  • La lecture de poèmes en voix off a été appréciée.
 

Je viens d'aller au cinéma pour voir Néruda. C'est un beau film, sous titré, j'aime, qui donne à réfléchir et nous présente de superbes images.
Je suis content de connaitre mieux Néruda au moins cette petite partie de sa vie qui parait avoir été très riche. Poète et engagé, on le voit comme un personnage très sensible. J'ai été frappé par les différents aspects de sa vie relationnelle et cette façon de n'avoir peur de rien.
(Marc)
 J'ai passé une partie de la nuit à revoir Neruda dans ma tête. Que de bonnes choses dans ce film ! Il nous questionne. Sur nos valeurs, fraternité, solidarité, sur le pouvoir. On devinera la force intellectuelle du poète, politique, homme d'état et ses faiblesses, son amour de ses proches et sa faculté du détachement, son goût du risque. On se prendra au jeu du chat et de la souris et on sera touché par les limites de la personnalité ambitieuse du policier qui voudrait se mesurer au maître. Neruda est sûr de lui, tout lui réussit mais fragile en même temps. Avec son physique bonhomme il a les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. Il joue avec le danger, il provoque, il est grave et libertin. Il est aimé, respecté, protégé, poussé à la modestie mais il poursuivra son destin et son inspiration en écoutant que son stylo. J'aime cette scène où il rencontre une jeune mendiante. "Je n'ai rien" lui répond il et il la serre dans ses bras. On sait que, plus tard peut être, il aura trois ou quatre belles maisons de par le monde, il sera adulé, il aura des amis, des amours.(Marc)

La biographie officielle de Neruda fait état de l'opposition radicale au Président Videla, qu’il avait pourtant soutenu dans sa campagne électorale. Mais, en pleine période de guerre froide où la chasse aux communistes prend de l’ampleur au Chili, le poète et sénateur fait un discours violemment opposé à la politique répressive de Videla. Cela constitue la première séquence du film. La réaction du pouvoir en place ne se fait pas attendre, ses amis le pressent de fuir en Europe. C’est là que commence la fiction ! Arrêté et refoulé à la frontière avec l’Argentine, il va rester au Chili et parcourir en compagnie de sa femme, puis seul, une contrée magnifique et étrange, où il contacte les autochtones (l’ethnie mapuche) et leur récite ses poèmes empreints de poésie humaniste, dont le fameux Canto General. Le Gouvernement a nommé un jeune inspecteur ambitieux pour le faire arrêter. Et l’histoire de cette traque va devenir un étonnant mélange des genres : policier, western, road-movie, où les paysages sont filmés comme dans un cauchemar, à la lumière crépusculaire, aux couleurs sépia du passé. Dialogue à distance, la voix off de son poursuivant laisse peu à peu deviner l’attraction-répulsion entre les deux hommes. Et Pablo Neruda s’ingénie à semer des fausses pistes, de ville en village, de bordel en hôtel louche, de ruelles sombres à des pistes de montagne, au milieu des haciendas pauvres et isolés. Neruda affirme son goût du travestissement, son énergie débordante de femme en femme, de ferme en ferme. La fin se passe dans la neige, omniprésente et hostile. On comprend  que cette histoire qui nous est contée est celle de Pablo et de son double inversé, et comment un homme raté, fils de prostituée, est attiré par l’ombre du Poète finalement victorieux ! Les deux acteurs sont formidables, un Neruda très ressemblant à l’original, un Peluchonneau fictif, inquiétant et touchant dans sa quête désespérée et son enquête faussement implacable. Photographie, musique, sons des mondes traversés, mais surtout la pureté de la langue espagnole irradiée de poésie et de lyrisme : un beau et grand film sur celui qui a écrit : « Je veux que l’immense majorité, la seule majorité, tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s’épanouir. »  (Alain Le Goanvic)

Ce commentaire est passionnant et conforte mes impressions ressenties lors de la séance, et sur le moment où on bascule dans presque un autre film sur Neruda.
(Monique S.)


Merci de réagir à ce commentaire d'Alain L. Moi je n'avais pas réalisé la supercherie mais je ne le regrette pas, j'ai vécu intensément toutes les séquences et je vivais les pérégrinations de Néruda poursuivi comme historiques. (Marc)


Oui j'étais un peu étonnée de tes (premiers) commentaires personnels, car je savais que le film est une fiction loin de la réalité des faits, que le policier est une invention, mais aussi qu'il vaut la peine d'être vu pour sa poésie et son atmosphère. J'irai le voir plus tard ! (Josette M.)

Je ne sais pas si il y a supercherie. C'est vrai que le film fait tomber de son piédestal le grand poète qu'il fut pour certains d'entre nous. Mais peut être faut-il voir avant tout dans un créateur l'impacte de son oeuvre. (Jacqueline)

Moi aussi je suis allée voir NERUDA, bien que je ne vienne que très rarement avec vous car occupée le lundi après-midi, Si Philippe Reboul a été un peu décontenancé,
j'ai pour ma part beaucoup aimé ce film et me trouve tout à fait en accord avec l'analyse de Marc.
Je le remercie et particulièrement pour son poème d'une sensibilité qui doit être le reflet de lui-même.  (Yarmila Reboul
)

Juste un point sur le terme "supercherie". Le créateur, l'artiste, n'a pas cherché à nous tromper! Il n'a pas fait un "biopic" (c'est à dire une biographie en images), il l'a même déclaré dans une interview pour éviter toute confusion.
En fait, s'emparant d'un grand personnage devenu légendaire, il a imaginé quelle avait pu être sa vie au début de sa fuite, et il a laissé libre cours, avec l'aide de son scénariste,à une sorte de rêverie sur le poète. Il y a des éléments du caractère qui sont "vrais", partis de témoignages et de recoupements. D'ailleurs et en bref, c'est une "version"personnelle sur le personnage. 
Nous savons  bien que le travail de reconstitution d'une vie est une tâche ardue et forcément "fausse", car il y a toujours la subjectivité, les partis-pris, les raccourcis de celui qui l'a faite .C''est fréquent à la télé…voyez les émissions de Laurent Delahousse sur les chanteurs ou comédiens de notre époque à base de témoignages réels devant la caméra et d'extraits d'archives. Cela à toutes les allures de la vérité, et le réalisateur arrive à cerner la personnalité de l'artiste..mais, si on prend du recul, on voit bien qu'il s'agit d'un montage savant, d'une tentative de reconstitution. Demande à un historien sérieux s' il existe 'une vérité historique' ? ... il va te rire au nez. (Alain Le Goanvic)

Inspiré par les poèmes de Néruda, ce 9 janvier 2017 (Marc) :

Ce soir je lis

 

Les poèmes de Pablo Neruda

Ceux plein d’amour

Pour la femme qu’il aime

Ceux de tristesse pour celle qu’il quitta

 

Neruda est un ogre, je suis son disciple

Il faut savoir ouvrir les portes de la vie

Pour laisser partir celle que l’on croyait sienne

Et qui n’était que fille du soleil

 

Jamais je ne regretterai la liberté

Celle que j’ai donnée, celle que j’ai trouvée

Pourtant la solitude me pèse

Et j’attends toujours la compagne de ma vie

 

Heureux sont ceux  qui peuvent ne pas penser

Ceux qui ne sentent rien et qui savent tout

Ils croient sans doute que la mort ne viendra

Que quand il la voudront bien