vers atelier Ciné 2018
Madame Hyde **   de Serge Bozon

Séance du 6 Avril 2018
Synopsis repris de Télérama :  Une timide professeure de physique est méprisée par ses élèves et ses collègues dans un lycée professionnel de banlieue. Un jour, elle est foudroyée et sent en elle une énergie nouvelle, mystérieuse et dangereuse...

Le film est une libre interprétation du roman de Stevenson « Docteur Jekyll et Mr Hyde ». Il est le prétexte à plusieurs critiques sociales, sur la finalité de l’école, sa pédagogie pour l’apprentissage des connaissances mais également, comme son roman de référence, sur les conséquences du pire comme du meilleur de la science.
-    Sociale : un lycée technique de banlieue situé au milieu de tours d’HLM. Dans cet espace se retrouvent le soir quelques-uns de ses rappeurs ayant abandonné l’école sauf l’un d’eux, Malik, handicapé qui, lui, au début du film se fait remarquer par son insolence.
-    De l’école : à l’image du quartier tout y est terne, locaux comme personnel enseignant, sans personnalité ni ambition sauf à la manière dont le proviseur essaie de manager son établissement, maintenir malgré toutes les difficultés, l’ordre de l’école républicaine, ainsi que deux lycéennes, studieuses, pointilleuses sur le règlement ; à la manière des Dupont(d) de Tintin elles sont les déléguées de classe et les archétypes de « la bonne élève », mais somme toute peu curieuses et imaginatives.
-    La pédagogie : à cette professeure de physique, il lui est rappelé que les travaux pratiques sont interdits dans les établissements d’enseignement technique [sic]. L’autorité de cours magistraux sur des théorèmes abstraits que s’évertue à expliquer la douce professeure de physique, ne fait que provoquer le chahut de la classe. Toutefois sensible au handicap de Malik, elle s’applique à lui donner le goût d’apprendre par des cours particuliers.
Nous voyons évoluer alors sa pédagogie, qui consiste à donner quelques éléments clés de réflexion à l’élève pour qu’il découvre des lois de géométrie et de physique. Ainsi par elle, l’enseignement qu’elle pratique ensuite dans sa classe devenue plus attentive devant la cage de Faraday, consiste non seulement à donner des connaissances par des travaux pratiques mais à apprendre à observer et à réfléchir sur ces observations.
 
La part fantastique du roman de Stevenson, prend sa place quand Madame Jekyll après avoir pris de gros « coups de jus », se transforme la nuit en une créature lumineuse. Finie les railleries tant de ses collègues que de ses élèves … elle devient Mme Hyde. « Elle se transforme en astre lumineux autour duquel le savoir peut recommencer à circuler ». Professeure de sciences, elle devient femme de lumière mais attention une lumière de feu qui carbonise la nuit ceux qui l’approchent. Elle devient ange et démon, le bien et le mal comme la science, depuis la découverte du feu.

Nous devions nous habituer à l’interprétation d’Isabelle Huppert dans un rôle inhabituel, celui de professeure   douce, déboussolée puis autoritaire. Tout compte fait, elle s’en tire plutôt bien.  Les allers et venues entre le fantastique et la réalité d’une classe d’adolescents chahuteurs, peu intéressés, méritaient quelques échanges d’interprétations du film pour lui reconnaitre ses qualités et ses messages, après les avoir faits ainsi nous avons pu l’apprécier.
Jacqueline M.
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Commentaire de La Croix

Dans ce film au ton décalé, librement inspiré du roman de Stevenson, Isabelle Huppert est totalement à contre-emploi en professeure de physique timorée qui se métamorphose la nuit venue pour mater ses élèves les plus turbulents.

   
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Madame Géquil (Isabelle Huppert) est professeur de physique dans un lycée difficile de la banlieue parisienne. Avec ses tenues vieillottes et son attitude timorée, elle est en grande difficulté face à des élèves turbulents qui ne la respectent pas. Pas plus que ses collègues fort peu bienveillants à son égard, à commencer par le proviseur survolté incarné par un Romain Duris.

Au cours d’une expérience dans son laboratoire, elle est frappée un soir par la foudre. Dès lors, elle se métamorphose chaque nuit, à son insu, en une créature électrique dotée de superpouvoirs. Et retrouve, la journée, l’énergie qui lui faisait défaut pour transmettre son savoir. Elle prend notamment sous son aile Malik (Adda Senani), un élève handicapé et solitaire, à qui elle va communiquer son amour du savoir.

Un univers décalé et poétique

Il n’y a aucun souci de réalisme dans cette fable très librement inspiré de « L’étrange cas du docteur Jeckyll et de M.Hyde », de Robert Louis Stevenson. On y retrouve l’univers décalé et poétique de Serge Bozon auquel on adhère ou pas.


Après Tip-Top en 2013 qui mettait en scène Isabelle Huppert et Sandrine Kiberlain en inspectrices de la police des polices enquêtant sur le meurtre d’un indic, le réalisateur mêle avec Madame Hyde, le film social et le conte fantastique pour évoquer des sujets pourtant difficiles comme ceux de la banlieue, de l’école et de la transmission de la connaissance.

Des acteurs à contre-emploi

Il faut bien un peu de magie, semble nous dire le réalisateur, pour parvenir à bout de tels problèmes. Et quel professeur n’a pas rêvé de disposer de superpouvoirs pour transformer l’hostilité ou l’indifférence de ses élèves en intérêt ?

C’est tout le charme de ce film aux effets spéciaux bricolés dans lequel Isabelle Huppert est utilisée à contre-emploi dans le rôle de cette femme timide et peu sûre d’elle. Elle n’est pas la seule. Romain Duris, que l’on découvre hilarant dans un rôle burlesque, et José Garcia, en mari au foyer aimable et doux, sont tout aussi surprenants et impeccables.


J'ai vu deux beaux films la semaine dernière que je vous recommande, puisque par chance ils repassent encore cette semaine aux Variétés : "The Rider"/Chloé Zhao (comment faire quand tous ses rêves s'effondrent après un accident, quand on appartient à une société où la virilité et la performance règnent en maîtres ?) et "Après l'ombre"/S. Mercurio les 6 et 10, à 16h (la mise en place d'une pièce de théâtre dans laquelle les acteurs racontent leur propre expérience d'incarcération, ou celle d'épouse d'un mari incarcéré, une fois sortis. Une belle objectivation, sans pathos !)  Jacqueline M.
vers atelier Ciné 2018