Vie dangereuse
Consignes


Si je te parle d’Eva, c’est que je l’ai revue hier soir.

Elle était silencieuse, comme terrifiée. Elle pensait se sentir menacée …
Je me suis inquiété, je ne la connaissais pas aventurière éblouissante capable d’attirer la jalousie ou la haine. De quoi pouvait-elle avoir peur ?
Son compagnon Eddy est un solide gaillard qui ne craint ni le travail ni les responsabilités. Un peu hâbleur, c’est un champion d’Aïkido.  Il affiche une maitrise remarquable mais qui peut cacher un dévergondage dommageable.
Je crois pourtant qu’il est fidèle mais dur pour lui-même et pour les autres.
A six heures du matin il est dans les pâtures pour soigner son troupeau de moutons. Plus de six cent têtes  à surveiller. Eva, elle, en plus de ses enfants, s’occupe des brebis sur le point de mettre bas et allaite au biberon les petits derniers nés des bêtes en difficultés.
Ces derniers jours, il y avait une hécatombe, quotidiennement il fallait emporter des cadavres à l’équarrissage. Eva se demandait si le troupeau n’allait pas être décimé par un virus quelconque.
Eddy était furieux ; elle craignait qu’il se retourne contre elle en l’accusant de mauvais traitements ou d’erreur dans les dosages des vitamines.
Hier elle est venue en ville et n’était pas pressée de retourner à la ferme. Elle vit une sorte de cauchemar et pourtant elle n’a jamais été spécialement craintive.

Si je te parle d’Eva, c’est que je l’ai revue hier soir.

Elle ne sera jamais rassurée ; de but en blanc, à contre cœur il m’a semblé, elle a bien voulu me parler de son idée fixe. Nuit et jour son souci l’obsède, elle a l’impression qu’elle ne s’en sortira pas vivante ou alors en fuyant mais elle ne peut pas laisser ses enfants et partir sans un sou.
Le matin même elle a vu Eddy sortir vert de rage de la bergerie il y avait encore trois brebis sur le flanc, raides mortes …
Pourtant à chaque fois qu’elle trouve une oreille attentive, elle reprend courage. Elle ne veut pas abandonner ses enfants et fait très attention à ménager Eddy pour qu’il tienne bon lui aussi et ne se laisse pas aller au désespoir. Car il peut être violent et perdre le contrôle, alors elle ne dort plus que d’un œil et sursaute à la moindre alerte. Non vraiment elle ne sera jamais rassurée.

Si je te parle d’Eva, c’est que je l’ai revue hier soir.

Eva est courageuse. Maintenant elle est sur ses gardes, elle épie chaque geste de son compagnon comme si tout d’un coup il pouvait s’en prendre à elle ou à un de ses enfants. Elle se souvient de la naissance de son dernier, le seul qui soit de lui. Il était tellement fier  d’être enfin père que lors du premier sourire du bébé, elle a cru discerner le regard qui tue vis-à-vis des deux autres innocents.
Souvent le couple a été au bord de la rupture pour des questions insignifiantes ou de jalousie mais avec sa volonté d’aller de l’avant, Eva avait repris les rennes. C’est une situation invivable en apparence mais elle n’a pas le choix, les enfants sont là et il faut manger tous les jours.

Si je te parle d’Eva, c’est que je l’ai revue hier soir.

Et toi tu peux comprendre parce que tu l’as bien connue lorsqu’elle était à la maison. Elle fréquentait alors le père de ses deux ainés et lui était un vrai violent. Il buvait, fumait et elle recevait des coups lors de leurs disputes. Aussi elle venait souvent te voir après tes cours dans la salle du bas et vous parliez longtemps. Tu arrivais à la remettre en route, tu cherchais à la guider et lui donner une assurance.
Oui si je te parle d’Eva, c’est que je l’ai revue hier soir mais je ne suis pas sur de la revoir.