les textes de Marc Le hérisson normand




3 novembre 1970 – Moi Jean, 34 ans, je suis en pleine forme, tout me réussit.
La propriété du Clos Pierrot a fière allure avec ses pommiers et entourée par des hêtres magnifiques.
La famille, Jeanne et nos enfants, commence à s’installer dans la maison au toit de chaume nouvellement refait. Mathilde est notre fille ainée. Tout en passant du temps dans le jardin pour l’aménager, planter toutes sortes de fleurs et même quelques tomates, j’aime y retrouver le silence et l’air sain de la campagne.
Jeanne de son côté, a du succès, encore plus dans ses relations que dans les affaires. Tout le monde la trouve séduisante et agréable surtout quand elle s’habille en rose indien. Elle passe du temps avec ses rares clients à bavarder et présenter ses marchandises. Pensez donc ! Quelle audace ! Aller  proposer à de vrais Cauchois de s’intéresser aux produits naturels et diététiques c’est une gageure qu’elle n’a pas hésité à entreprendre. En fait, elle s’est prise au jeu, elle innove, en plus des bios habituels, elle vend tantôt du café réputé, tantôt du pain Lemaire, produits qui sont livrés de Rouen. Ce qui ruine la boutique c’est la gestion des stocks. Elle commande plus qu’elle ne vend et c’est la famille qui écoule les invendus. Mieux, plutôt que d’exploiter son diplôme de pharmacien avec toutes les contraintes que cette solution entraine elle se lance dans des études d’esthéticienne, par correspondance d’abord et par quelques stages à Paris ensuite.
 Donc ce 3 novembre je demande à Mathilde de venir m’aider à ramasser les dernières pommes. Nous découvrons un hérisson qui se régalait de son côté.  Mathilde veut le prendre pour le rapporter à la maison et le montrer à son frère et ses petites sœurs. Peut être sera-t-il intéressé par du pain Lemaire ou du café Jeanne d’Arc ? L’animal ne l’entend pas de cette façon et se met en boule. Impossible de la saisir sans se faire piquer. Au bout de quelques instants, sentant l’alerte passée et le calme revenu, notre invité peu coopérant se déplie et se sauve vers le fourré le plus proche.
Est ce un présage pour la vie et les événements piquants qui vont suivre ?