Plus rien ne ressemblera
à ce que nous avons connu.
Tu m’avais donné rendez vous le mois dernier en m’écrivant
que tu serais rentrée et que de toutes façons je trouverai la
clé, à sa place habituelle, dans le pot de violettes qui refleurit
tous les ans à la fin de l’hiver.
Et bien je suis là et toi tu n’y es pas. Que se passe t il ?
Sur la table de l’entrée, un journal a été déposé,
ouvert manifestement à une page spéciale. On peut voir la photo
d’un paysage chaotique. C’est au Japon après le tremblement de terre,
juste avant le tsunami. Tu étais là bas, partie en mission.
C’est toi qui es agenouillée près d’un corps. Tu ne te doutes
pas, que l’océan, comme pour les Ecuries d’Augias, va venir balayer
tout ce qui reste et peut être toi avec …
Je suis sans nouvelles de toi depuis cette époque.
Je sais que plus rien ne ressemblera à ce que nous avons vécu.
Mais pourquoi, sans raison apparente, j’associe à cette photo du
journal, celle que tu m’as montrée, lors de notre dernière
rencontre. C’était une femme berbère qui d’après son
expression corporelle devait marcher lentement et régulièrement
avec une charge en équilibre sur la tête. Son visage serein
t’avait frappée ; tu y voyais certainement un présage de ce
qui allait arriver.
Moi la sérénité, je n’en n’ai rien à faire.
J’avais tenté de te dissuader d’aller au Japon car nous avions mieux
à vivre par ici, ensemble. Je me rends compte à quel point
j’avais raison. Tes reportages, tes pages Internet, n’étaient que
des dérivatifs face aux échanges profonds que nous pouvions
avoir. Il y avait une telle communion d’âmes entre nous…
Je sais que plus rien ne ressemblera à ce que nous avons vécu.
J’erre dans l’appartement. Chaque objet me renvoie à des souvenirs,
à des scènes intimes.
Je m’assoie sur le lit et, sur l’étagère de la table de nuit,
mon regard est attiré par un objet que je ne connais pas. « C’est
quoi ce petit canard jaune ? »
Je me pose des questions. Avais-tu besoin de cet accessoire destiné
habituellement aux personnes insatisfaites. Quel rapport avec la sérénité
que tu semblais idéaliser dans le visage de la femme berbère
? Je ne suis pas contre les pratiques solitaires si elles sont destinées
à entretenir l’énergie de la rencontre mais je récuse
le chacun pour soi.
Il se pourrait que tu reviennes un jour ou l’autre, d’un instant à
l’autre mais …
Je sais que plus rien ne ressemblera à ce que nous avons vécu.