Exilé de Mauritanie, Maloum s’en retourne, tout excité, vers son pays familial,
le Sénégal pour, dit il, retrouver et épauler sa fille. Il avait froid ici.
Tous les soirs nous faisions un petit diner au coin du feu allumé pour l’occasion
dans la cheminée tout en gardant un œil sur sa tablette, avec la télévision
en toile de fond. Parfois il fallait que je lui rappelle que j’étais là
et qu’il pouvait poser ses écouteurs et m’expliquer ce que j’ai du mal à
comprendre sur ce qui se dit à la télé.
Nous faisions un couple de fortune,
sans avenir, dans un présent très partagé, je suis son père adoptif. Dans
la journée, lui, en ville ou en cours, moi dans le jardin ou devant mon
ordinateur. On ne se
quittait
plus, souvent le week end nous allions à Montlaux, son plaisir et, conduisant
bien, il me servait de chauffeur, vu mon âge avancé.
Je m’intéressais à sa passion
pour la Géopolitique. La parole facile, pas besoin de le prier pour le lancer
sur un sujet d’actualité. Se rêvant philosophe, il vous écoute pour mieux
rebondir sur ses connaissances étendues. Il acceptera avec plaisir toute
nouvelle question qui sera une preuve de votre intérêt pour son exposé.
Il part, selon ce qu’il dit,
vers une nouvelle aventure. C’est en effet une de ses particularités de
ne pas savoir de quoi demain sera fait. Combien de temps va-t-il rester,
trouvera t il un poste qui lui convient ? Il ne s’inquiète pas, il signe
des contrats provisoires et fait facilement face à l’imprévu. Il est heureux
d’enseigner, il sait se faire écouter et garde la bonne distance avec ses
élèves. On le redemande mais pas possible de le programmer
pour des conférences ou débats qu’il donnerait volontiers, il est parti …
Ce qui l’a marqué dans ce dernier
séjour ici de cinq mois c’est son accident de vélo. Il était passionné de
vélo qui ne le quittait plus. Il descendait en ville et remontait souvent
cette côte que bien peu osent affronter. Il emmenait sa machine dans le
bus ou le train pour aller parcourir les rues de Marseille et là il avait
déjà eu un petit accident. Mais, un beau matin, au lever du jour, alors
qu’il venait de s’acheter un beau vélo de course, partant pour Salon où il
avait des cours qui l’attendaient, il s’est fait accrocher par une voiture
qui l’a renversé et est partie sans s’inquiéter ou s’en apercevoir. Il s’est
fait ramasser par des passants et les pompiers et a passé sa journée à l’hôpital
complètement défiguré, avec une fracture au poignet. Il
n’a jamais voulu remonter sur une bicyclette, il faisait tous ses trajets
à pieds ou en bus.