ateliers de Décembre

atelier du 7 : Marc  Emmanuelle
Suzanne B : les Hommes monstres


Les photos : le 7  


Confession d’une faiseuse d’anges

Je m’appelle Jeanne et j’étais la meilleure faiseuse d’anges du quartier du Panier à Marseille.
J’ai soixante cinq ans. Quand j’ai commencé le Travail, oui le vrai travail, je dirigeais quatre jeunes écervelées qui ne pouvaient pas « monter à l’étage » sans en redescendre enceintes. Il fallait alors que j’intervienne et ma foi, je me débrouillais pas mal.

Le plus beau coup de ma carrière
Je me souviens, c’était justement le jour de la fête des saints innocents. Raymonde arrive au bar, catastrophée. Raymonde, une amie de longue date, a mené honnêtement sa vie de mère de famille. Elle avait trois filles, aucune n’était mariée mais elles avaient chacune en mains une belle situation.
Ce jour là, elle me dit : « Jeanne, ma fille ainée va avoir quarante ans et elle voudrait absolument ne pas rester seule ; elle voudrait un enfant et ensuite elle prendra le temps de trouver un homme si elle le peut. Or Clémentine, la plus jeune, se retrouve avec « un diable dans le tiroir » alors qu’elle n’en veut pas pour garder sa situation. Peux-tu faire quelque chose ? »
Et bien j’ai tout arrangé. Je ne vous dirai pas comment car c’est confidentiel. Dans la profession il vaut mieux prendre des précautions…

En fait j’ai eu de la chance dans ma pratique.
Je n’ai jamais eu de gros ennuis. Ce n’est pas une vocation à la base mais comme je le disais au début, il fallait bien tirer les filles étourdies du mauvais pas dans lequel elles s’étaient fourvoyées. J’ai appris mon métier sur le tas. Au départ j’ai assisté à quelques opérations que j’avais commanditées à une collègue et puis ensuite je me suis débrouillée seule.
Pas toujours évident ! Il fallait parfois agir vite !
En cas d’hémorragie par exemple, que feriez vous vous-mêmes ? Un garrot ? Vous n’y pensez pas, la conformation ne s’y prête pas. Un bouchon ? C’est dangereux. Une prière ? C’est aléatoire.

Il y a une chose que je regrette.
Oui ; bien sûr, j’ai eu de la chance mais il me reste tout de même un regret.
Toutes ces petites vies en devenir que j’ai éliminées, elles auraient peut être pu faire des êtres exceptionnels ! Il se peut que j’ai supprimé des embryons qui seraient devenus des génies, des « sarkosys » pourquoi pas ? J’attends de la Législation qu’elle nous permette de conserver les œufs et de la Science d’en faire des individus à part entière.

Pourtant cette histoire avec Marie Jo ; je n’en suis pas fière.
Ce jour là, j’étais pressée, je devais préparer le repas pour Noël et voici que Marie Jo arrive, sans prévenir, complètement déconfite. Elle était en sang pour être intervenue elle-même avec des aiguilles à tricoter. Elle ne tenait pas debout ; j’ai eu peur et l’ai envoyée à l’hôpital. Elle n’en est pas revenue. On l’a fait attendre vingt quatre heures sans soins, l’interne de garde faisait le réveillon…

Il y a un grand vide dans ma vie.
Hélas je ne serai jamais grand-mère ! C’est mon plus grand malheur ! Mon fils marié depuis dix ans maintenant ne peut pas avoir d’enfant. Les examens médicaux ont révélé la stérilité. Je sais ! Il y a la fécondation artificielle mais ce n’est pas la même chose pour lui ; et moi qui ai supprimé tant de petits anges, je n’ai même pas pu en garder un pour ma famille…

 J’en suis arrivé au point où je demande pardon à toutes ces femmes qui auraient pu être mères et qui dans un moment de panique m’ont demandé d’intervenir. Je n’aurais pas du accepter si facilement. Je ne sais pas dire non. Pour arranger un moment des personnes en difficultés j’ai pris des mesures définitives.

Si c’était à refaire ?
Je regarde en arrière et en fait si c’était à refaire, j’irais planter des choux dans la propriété de mes parents en Corrèze.
Ma crainte est qu’un jour ou l’autre, tous les petits anges que j’ai fait naître dans le ciel se rassemblent pour venir danser autour de mon lit dans mes nuits d’insomnie.
Non je ne recommencerai pas à ponctionner physiquement et financièrement les femmes qui n’ont pas pris assez de précautions. Je les encouragerais à relativiser leurs difficultés et à laisser, plus fort que la mort,  la vie s’épanouir.

Suzanne Barroero

Le pays des hommes monstres.


Nous sommes en 2912 au pays des hommes monstres, un monde tel que nous ne le connaissons pas encore. Le pays des hommes monstres vit selon une seule règle : les enfants dit anormaux c’est à dire parfaits, beaux sont supprimés. Ceux qui transgressent cette loi sont immédiatement supprimés et l’enfant avec.
Tous les hommes et les femmes monstres travaillent sous les ordres des chefs. Depuis longtemps l’air pollué a obligé les hommes monstres à vivre sous terre avec interdiction d’en sortir Pas question de se laisser aller à flâner, travailler est un moyen d’être heureux telle est la devise du pays.

Hector est puni pour avoir eu un enfant anormal mais il a fui et aujourd’hui le justicier  Zarrouk part à sa poursuite car Hector doit subir son châtiment : mourir.

Zarrouk est un monstre affreux aussi bien physiquement que mentalement. Il est très grand, ses pieds poilus laissent dépasser de longs ongles noirs comme ses mains, son visage n’a qu’un œil et une bouche qui laisse paraître une langue mauve et des dents noires et pourries. Ses oreilles énormes dépassent de ses longs poils gris. Il fait parti des plus laids donc des chefs. Il a d’ailleurs été enlevé à ses parents par des chefs pour en faire un super garde. Très jeune, il a subi de nombreux sévices qui l’ont rendu sans pitié. Pour lui tous les hommes et femmes du pays doivent respecter les lois, sans jamais faillir.
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Hector lui est intelligent. Plus petit que le justicier, aussi poilu, mais avec deux yeux, il est surtout moins méchant que le super garde. Il a rencontre Zarrouk lors de combats d’enfant il y a longtemps. Souvent, à cette époque là, ils se mesuraient sous les yeux ravis des chefs mais, même quand il gagnait la bagarre, Hector ne voulaient pas faire de mal à Zarouk ce qui faisait rager ce dernier. Donc Hector était perçu par tous comme un faible et dans ce pays, les faibles sont détestés.
Plus tard, lorsque  Hector a rencontré une femme aussi gentille que lui et qu’ils ont eu un fils –anormal, et donc beau- il n’a pas eu le courage de le supprime.  Sa femme et lui l’ont caché, préférant affronter la colère des chefs.


Hector a pris de l’avance sur Zarrouk qui a passé des heures à se charger d’armes avant de se lancer à sa poursuite. Comme Hector l’avait prévu dans son plan, sa haine envers le proscrit lui a fait oublié de rechercher la mère et l’enfant.

Les deux hommes avancent en courant dans des plaines immenses où l’air est rare. Le soleil a du mal à percer la pollution. Depuis longtemps les fleurs et les arbres ont disparus du paysage, seules les collines au sol aride apparaissent à perte de vue. De temps en temps Hector s’arrête pour respirer un peu. Il a emporté  de l’eau mais il faut l’économiser. Il veut entrainer Zarrouk loin du camp et le combattre sans merci. Le justicier se doute bien de la manœuvre d’Hector mais il pense que ce dernier est reste comme il l’a connu : naïf et faible..



Après des jours de courses folles Zarrouk arrive devant des hommes très différents de lui. Il est surpris et se protège avec ses armes en restant sur ses gardes. Les nouveaux arrivants sont blonds et n’ont pas de poils. Leurs beaux yeux bleus regardent avec curiosité le pauvre Zarrouk. En le voyant se protéger ainsi ils se mettent à rire. Dans sa fureur de poursuivre Hector, le justicier n’a pas remarqué que le paysage  est devenu plus verdoyant sous un  soleil brulant. Les hommes sans poils lui font signe d’avancer. Ils marchent longtemps et arrivent dans un village  fait de huttes ; un peu plus loin coule une rivière  qui se jette dans un lac magnifique où se baignent des enfants. Toute la population se regroupe autour de l’étranger poilu. Zarrouk va de surprise en surprise, jamais il n’était sorti de son pays, les chefs recommandaient de rester sous terre car au dehors la vie était impossible, l’air était pollué. Pourtant ces hommes vivent bien, ils ont l’air heureux. Tout le monde est beau, on rit chante sans que rien de mauvais n’arrive.

 Des enfants arrivent avec au bout de leur canne des bêtes bizarres qui ressemble à des poissons. Zarrouk en avait entendu parler par les chefs mais il n’en avait jamais vu. Soudain un grand bruit fait asseoir tout le monde. On fait signe à Zarrouk d’en faire autant, ce qu’il fait avec plaisir et méfiance. Un repas est alors servis, et il est sublime. Curieux, le justicier goute à tous les plats et boit tous les vins qu’on lui présente, hésitant au début puis s’émerveillant ensuite. Les enfants ne peuvent s’empêcher de venir toucher l’homme monstre ce qui déclenche des rires chez les hommes blonds et des bouffées de colère dans le cœur du justicier. Le festin terminé, Zarrouk est installé dans une hutte d’où il s’endort rapidement persuadé à présent que personne ne lui fera du mal.

Pendant ce temps Hector qui , de loin, a assisté à l’arrestation de Zarrouk, est sorti de sa retraite. Il est surpris lui aussi de voir ces hommes sans poils et si beaux
Il est resté sans bouger dans les herbes vertes  pendant plus d’une journée, ensuite il est parti en suivant les traces de la troupe. Il a trouvé assez vite le village et, depuis,  le surveille. Pendant les semaines suivantes, alors que Zarrouk apprend à vivre avec ses nouveaux amis, le fugitif vole de la nourriture la nuit. Mais, lors d’une nuit de pleine lune, il est découvert et lui aussi est arrêté. Les hommes blonds et beaux l’installent avec Zarrouk. Là, Hector retrouve un justicier complètement  changé, plus humain et compréhensif. Tous deux se rendent a l’évidence, les chefs du pays les ont trompés depuis toujours, ils savaient qu’il y avait d’autres clans en dehors du leur. En leur faisant peur, en leur interdisant de sortir, ils gardaient leur peuple prisonnier sous terre en le faisant travailler sans repos.
Hector et Zarrouk pensent qu’il est grand temps de faire sortir tous les hommes monstres et de faire vivre ce peuple au soleil et non plus sous terre dans la terreur. Le jeu en vaut bien la Chantelle : l’air pur, la nourriture abondante, de l’eau claire à volonté, le soleil et surtout la paix.