Pierre



            2011                  




Vous avez dit peur ? 1
Des fenêtres qui parlent. 5
Le temps suspendu. 8
Un conte à l'envers. Celui de Cendrillon 11
Un incipit et un excipit. 14
Une femme, Carie qui est couturière. 17
Mots pour mots 19

 Atelier d'écriture 14 février 2011
texte 34
Sujet: la peur d'un enfant dans son lit.
Vous avez dit peur ?
Je n'ai pas souvenir d'avoir eu peur, le soir dans mon lit.
Dans mon lit, c'était plutôt la sécurité du cocon familiale. Bien au chaud sous les couvertures tout en sachant que ma famille était là, toute proche.
La peur, pour moi, elle pouvait surgir davantage lors du déroulement de la journée à travers les comportements malveillants de mon entourage. Je ressentais la jalousie, la haine, ça oui! Les histoires de sorcières, de monstres me mettaient dans un état de curiosité et de bienveillance. Ce n'était pas pour moi un danger, mais au contraire sujet d'excitation. Je lisais des contes et légendes de la Puisaye où les animaux et les végétaux étaient le support de phantasmes qui me faisaient rêver. Jamais je n'eus un sentiment de peur, de crainte d'être dévoré où je ne sais quoi. J'y voyais, comme lorsque je regardais les nuages, la dimension cachée du monde, une dimension qui me portait au rêve mais sans angoisse.
Je me suis alors demandé si j'étais normal car autour de moi, copains et copines étaient souvent dans la crainte et la peur. Je n'avais pas plus peur du diable que de Dieu. C'est la méchanceté des humains que je rencontrais deçà delà, qui pour moi pouvait nourrir une angoisse. Elle était bien réelle, celle-là. C'est pourquoi, au creux du lit, je n'avais pratiquement jamais peur, sauf peut-être lorsque des orages monstrueux survenaient, mais cela ne durait que le temps d'un éclair.
Cet enfant m'étonne. Jamais il n'a donné un signe de crainte, de peur. Et je dois m'avouer que je suis à peu près sur la même longueur d'onde. Parfois, je crois entendre une plainte, un gémissement, un pleur. Alors, je vais coller mon oreille contre la porte de sa chambre, mais je dois admettre que c'est peine perdue. C'est le silence le plus total. Un calme qui pourrait d'ailleurs m'angoisser, mais je n'y arrive pas. À entendre mes voisines, je dois admettre que je suis dans un cas de figure assez inhabituel. Autour de moi, ce n'est bien souvent que crainte et angoisse qui meublent les soirées de leurs chérubins. Je n'ose pas leur dire que ce n'est pas le cas chez moi. Est-ce mon enfance particulièrement difficile qui m'a endurci ? Et puis un tempérament qui me porte à un détachement sans que ce soit de l'indifférence. Parfois, je me le demande.
Toujours est-il que mes craintes sont celles que me procure mon environnement social, car je ne suis pas du cru et on me le fait bien sentir. Un subtil rejet qui ne dit pas son nom. Mais cela ne m'empêche pas de dormir et je ne transmets pas d'angoisse à mon enfant, car cela ne concerne que ma personne, il n'y est pour rien. Je m'en voudrais de lui communiquer ce genre de problème en lui en parlant. Je ne veux lui communiquer que mon amour, mon affection et toute l'attention qu'il mérite. J'y arrive assez bien et c'est peut-être pour cela qu'il dort bien.
Tu m'étonnes, lorsque je te vois aller mettre l'oreille à la porte de la cambre du petit. Ce n'est pas dans ta nature. Serais-tu influencée par les discours de tes voisines ? Non, tout cela ne tient pas. Je ne vais pas lui en parler. Elle va me trouver ridicule. Nous avons la chance d'avoir des natures sereines, je ne vois pas pourquoi je devrais lui tenir un tel discours. Hormis la peur des orages qui doivent être pour lui comme un rappel de la période de guerre que nous venions de vivre, des bombardements et autres explosions de bombes qui ont rythmé certaines nuits, mais de façon très légère par rapport à des événements majeurs, tels que ceux de Londres, je me suis assez investi pour le rassurer lorsque cela se produisait. Il semble même qu'il commence à en prendre la mesure et que ma seule présence durant quelques minutes dans la chambre lui procure un sentiment de bien-être. Il est rassuré rapidement et cela me réjouit.
Par contre, je ne cesse d'intervenir auprès du directeur de son école à chaque fois qu'il me parle de ses craintes et peurs qu'il vit dans les jeux de la cour de récréation. Il est très sensible aux violences physiques, aux agressions et maltraitances qui subissent certains de ses copains. Ce sont des comportements qu'il ne comprend pas, qui le choquent. Je me reconnais bien là-dedans. Il en a hérité, consciemment ou non, et je m'interroge depuis quelque temps à ce sujet.
L'heure du petit-déjeuner est arrivée et avec lui, les bonnes odeurs de beurre frais, des confitures de ma grand-mère et du pain croustillant du boulanger, qui est notre voisin et qui donc nous fournit un produit tout ce qu'il y a de plus frais. C'est un luxe dont on ne mesure pas encore la valeur. Il faudra attendre quelques dizaines d'années pour s'en rendre compte.
Mais comme à chaque fois que l'heure d'aller à l'école arrive, c'est toujours le même scénario. Il n'y va que si sa mère ou son père lui promettent de ne pas le laisser seul si quoi que ce soit arrive. Et c'est toujours la même réponse qui lui est faite. Bien sûr qu'ils seront là s'il le faut. Alors, il peut s'y rendre enfin.
Atelier d'écriture 21 février 2011
texte 35
Sujet: Regards sur l'immeuble d'en face.
Des fenêtres qui parlent.
L'appartement du huitième étage de la tour nord vient juste d'être occupé. Grand changement. Toutes les fenêtres ont des rideaux, ce qui n'était pas le cas auparavant. Des voilages pour laisser entrer le jour mais se préserver de l'extérieur. Chez moi, je l'ai voulu ainsi parce que je ne veux pas me sentir espionner. J'ai un souvenir particulier d'immeubles au coeur de Rotterdam. De grandes baies vitrées sans aucun rideau. Nous passions en voiture sur une voie rapide à hauteur des baies et nous pouvions voir les personnes vaquer à leurs occupations. À l'époque, cela m'avait amusé. Aujourd'hui, je ne vois plus les choses de la même façon. J'ai besoin de me retirer et de me sentir protéger, ne serait-ce que par un voilage. Ce qui ne m'empêche pas, à l'occasion, de le tirer pour changer mon regard sur l'extérieur, comme maintenant. Mais ici, l'extérieur n'a à mes yeux que peu d'intérêt. Ce qui me convient donc parfaitement. Cet isolement n'est que provisoire.
Au deuxième étage, il semble avoir un âge canonique. Peut-être dans les quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix ans. Il rit tout le temps et cela est des plus surprenant. De plus, il semble chanter, voire même sautiller à moins qu'il ne danse. Il n'a pas l'air d'être dérangé, ce qui pourrait expliquer ces comportements qui ressemblent à ceux d'un malade mental, par moment, puis cela se calme. Comme s'il voulait prendre une pause avant de rire de nouveau, soit très calmement, soit aux éclats. C'est comme s'il était en discussion avec un être invisible qui lui procurerait ces raisons de se réjouir.
La personne qui vit au douzième étage de la tour de droite a souvent des insomnies. Enfin, c'est ce que croient les voisins. En fait, il vit à l'envers du monde. Comme il dort le jour, la nuit il vit et cela lui convient très bien. Le silence de la nuit est pour lui le meilleur des supports pour se plonger dans son univers de création artistique. Il y en a que cela angoisse le silence, mais pour lui c'est un excitant. Il a l'impression que
son esprit s'ouvre plus que le jour. Qu'il peut se laisser aller à vagabonder sur les nuages, sur les océans, sur les grands espaces du monde. Que son regard sur l'humanité est plus aigu, plus perspicace, plus serein. Son insomnie est des plus rassurante. Elle est même souvent joyeuse.
Dans l'appartement du vingt-deuxième étage de la tour centrale, il n'y a pas souvent de la lumière, je crois que c'est parce qu'il préfère s'éclairer à la bougie. Il paraît que c'est un écolo, mais je ne crois pas à cette version. Il semble plus probable qu'il soit en litige avec EDF et que le courant ne passe plus. Au propre comme au figuré. Cela serait assez banal en fait. Il semble qu'il y ait de plus en plus de cas similaires. Je me demandai aussi pourquoi il y avait de moins en moins d'appartements habités ! Ils sont habités par des gueux qui s'éclairent à la bougie pour faire la nique à EDF plutôt que de payer ce droit de s'éclairer qu'ils trouvent injuste. Étonnant, non !
Il me semble que la personne qui occupe le dix-septième étage de la tour de gauche me regarde et me dit des mots d'amour, des mots de tous les jours. D'ailleurs, elle ressemble à Édith. À l'Édith de la jeunesse, resplendissante. Vive et enjouée, l'oeil malicieux. Je sors sur mon balcon comme pour me rapprocher, pour mieux entendre. Alors, elle ouvre sa fenêtre et me parviennent les paroles de la fameuse chanson de Piaf. Je crois rêver. Je rêve en effet. Tous les volets du dix-septième étage sont fermés depuis longtemps comme ceux en dessous. La tour va bientôt être démolie et mes rêves avec.
Au quatorzième étage de la tour est, je vois une famille, bizarre, bizarre, bizarre. Oui, vraiment très bizarre. Il n'y a que des êtres au sexe indéterminé, couverts de poils comme on peut imaginer les hommes de Cro-Magnon. Du plus petit au plus grand, du plus jeune au plus vieux, homme ou femme, ils sont tous très velus. C'est à peine si je reconnais leurs visages. Ils ne sont donc pas habillés, c'est étrange. Sortent-ils dehors ainsi ? Cela me paraît impossible. Je crois rêver. Et puis brusquement, je vois apparaître les mêmes personnes en tenue de plage. J'imagine alors le jeu auquel il s'adonne. Une drôle de fête de famille.
Au vingt-septième étage, il y a un appartement qui t'attend avec piscine, sauna, ascenseur privé ultra rapide, terrasse de cent mètres carrés et héliport sur le toit. L'appartement de deux cent cinquante mètres carrés se développe sur deux niveaux. Voilà plus de dix ans qu'il attendait cela. C'est en jouant au Loto les chiffres des dates de naissance de la famille qu'il a décroché le jack-pot. Que peut-on faire de cinquante-neuf millions d'euros ? C'est un véritable casse-tête pour qui a dû compter chaque fin de mois. Il serait préférable que ce fut un rêve. C'en était un et l'appartement du vingt-septième étage avec vue sur la mer d'un côté et le parc de l'autre, ne fut jamais une réalité. Il s'en réjouit presque, car il aurait préféré qu'il fût au cinquantième étage avec vue sur Central Parc, ça au moins, ça a de la gueule !
Atelier d'écriture 28 février 2011
texte 36
Sujet: Une personne plutôt âgée, une journée. Elle recherche quelque chose... une photo ?
De l'enfance, départ d'une personne ?
Le temps suspendu.
L'heure, c'est l'heure. Dès qu'il ouvre l'oeil, Amédée jette un regard vers l'horloge sur la commode. Il n'est plus très jeune, Amédée. Il va vers ses quatre-vingt-neuf printemps. Les premiers rayons d'un soleil de printemps qui est pas mal entamé éclairent d'une douce lumière la pénombre de sa chambre. Sa vue est encore bonne pour son âge et les chiffres de l'horloge sont assez gros pour qu'il puisse les lire de son lit. Il sait bien que cette vieille horloge ne fonctionne plus depuis belle lurette, mais c'est plus fort que lui, son regard va invariablement vers le cadran dès son réveil. Huit heures, c'est l'heure se dit-il. Les aiguilles sont bloquées là et le temps s'est arrêté à cette heure-ci un certain jour qui est resté dans la mémoire d'Amédée comme une marque indélébile. Impossible de l'effacer, le veut-il d'ailleurs ? Et il en sera ainsi jusqu'à la fin, du matin au soir.
Mais pour Amédée, l'heure s'est arrêtée il y a bien longtemps. Dès sa petite enfance semble-t-il. Il n'en parle jamais, mais je sais par l'une de ses tantes que lorsqu'il devait avoir six ou sept ans, il a commencé à regarder le carillon de la salle à manger avec une obsession, une manie étrange après le départ de sa mère, un matin vers les huit heures et qu'elle ne devait plus revenir sous le toit de la maison. Il y eut une nouvelle maman, mais malgré cela, il continue à se planter devant le carillon tous les matins à huit heures comme si le temps pouvait revenir en arrière, que l'histoire puisse se réécrire. Il avait essayé de la réécrire mais en vain.
Ce soir comme à son habitude, Amédée se dirige lentement vers le guéridon du salon et se plante devant. Lentement, il prend un cadre qui est dessus et le serre contre lui. Une larme coule sur sa joue, qu'il n'essuie
pas, alors qu'il se retourne après avoir posé le cadre sur le guéridon.
Pourquoi, pourquoi, se dit-il en allant s'asseoir sur le canapé du salon comme chaque soir. Il ferme les yeux et revoit cette image qui le hante depuis l'enfance. Alors qu'il rentre de l'école plus tôt que prévu, car son maitre était absent pour des raisons personnelles, à l'instant où il pénétra dans la cour de la maison, il sentit une odeur de brûlé. Cela venait du jardin derrière l'appentis. Il avait alors une dizaine d'années. Il n'y avait personne dans la maison. Il appela, mais n'eut pas de réponse. Il revint vers la cour et aperçut au-dessus du toit de l'appentis une fumée venant du jardin. Il s'y aventura doucement et qu'elle ne fut pas sa stupeur de voir sa belle-mère brûlait les objets et effets de sa mère. Il hurla comme un fou « pourquoi », et s'enfuit en courant se réfugier dans sa chambre.
Ce soir, comme d'habitude, je vais m'asseoir sur le pas de la porte, scrutant le bout du chemin avec l'espoir de la voir revenir, car il n'est pas possible qu'elle m'ait abandonné. C'est sûr qu'elle va revenir et à ce moment-là, l'horloge repartira. Le temps s'écoulera de nouveau.
Alors qu'il était réfugié dans sa chambre, il entendit que son père se disputait avec sa belle-mère. Ce devait être à propos de ce feu, mais il n'en était pas sûr, car les mots lui venaient par bribes. Il les entendit s'éloigner, car les voix se firent plus lointaines. Il osa sortir de sa chambre doucement et jeta un oeil vers le salon, personne; vers la salle commune, personne. Ils devaient donc être sortis de la maison. Il entendit leurs voix dans le jardin et une fumée noire s'élevait dans le ciel. Il alla se cacher sous l'appentis et attendit. Il les vit revenir vers la maison. Alors, il s'aventura dans le jardin pour voir ce qui s'était passé. Le feu était éteint. Son père avait dû l'éteindre avec quelques seaux d'eau. Il fit le tour du tas d'objets à moitié brûlés et aperçut dans le bas du tas une photo intacte. Il alla la chercher et la contre sa poitrine. Une intense émotion l'envahit alors. Il ne put retenir ses larmes.
Pourquoi, pourquoi se dit-il encore et encore? Puis il rentra à la maison, ayant glissé la photo sous sa chemise comme si de rien n'était. Ils ne le virent même pas, car continuant à discuter dans leur chambre. Une fois dans sa chambre, il la rangea précautionneusement dans une enveloppe de son bureau. Le temps était comme arrêté.
Mais c'est certain pour lui, bientôt il pourra faire redémarrer son horloge. D'ailleurs, tout à l'heure, il lui a semblé que les aiguilles avaient légèrement bougé. C'était un signe pour lui qu'il y allait y avoir bientôt un changement et que sa vie allait repartir. Plus il y pensait, plus il en était certain. Il allait enfin revivre pour l'éternité. Il sentit à cet instant ses yeux se brouiller. Il eut une larme et son coeur s'arrêta de battre. Son attente prenait fin pour de bon. C'est alors que l'horloge du temps se remit en marche. Une main mystérieuse avait remonté le mécanisme. L'espoir fait vivre, mais n'empêche pas de mourir.
Atelier d'écriture 7 mars 2011
texte 37
Sujet:
Un conte à l'envers. Celui de Cendrillon.
Marthe, la marâtre est très gentille et ses deux filles Fiona et Fany également. Quant à Caroline (Cendrillon) elle est horrible.
Le père, Aldebert est sabotier. Il est mort d'un cancer.
Cendrillon, nouvelle version.
Depuis la mort d'Aldebert, la vie n'est pas facile pour Marthe et ses filles. Elles ne se voyaient pas d'aller travailler toute une vie dans une usine. Et même si elles avaient voulu, des usines ils n'en restaient plus guère. Alors, que faire! C'est Marthe, leur mère, qui eut une idée qui les emballa immédiatement. Ouvrir une boutique de lingeries fines en lieu et place de la boutique de sabots du père de Caroline, mais en gardant l'enseigne. Fanny, l'une des filles de Marthe, proposa d'en modifier juste le libellé. Cela devint: « A sa beauté » en lieu et place de: « Le sabotier ».
Cela ne plut pas tellement à Caroline qui ne put s'empêcher de traiter Fiona et Fanny de « vieilles filles ». Elle n'eut que ce qu'elle pouvait attendre. Elle se fit traiter de « jeune pimbêche ». Marthe dut intervenir pour les calmer. Si vous commencez comme cela, je ne donne pas cher de la boutique. Vous vous imaginez, vous disputant devant les clients! Fiona et Fanny acquiescèrent, mais Caroline proposa que dans ce cas, elle s'occupe seule de la boutique. Fiona et Fanny se chargeant des commandes dans l'arrière-boutique.
C'est ainsi que l'on put voir s'ouvrir une nouvelle boutique de lingeries fines à l'intitulé de « A sa beauté » avec une Caroline en chef de boutique et ses vendeuses Fiona et Fanny tout sourire pour équilibrer l'air renfrogné de la « Chef ».
Les débuts furent difficiles, très difficiles. Alors, Marthe mit les pieds dans le plat et réorganisa tout ça. Ce qui obligea Caroline à devenir plus avenante. Cela durera-t-il ?
Cela faisait maintenant bientôt six mois que la boutique était ouverte et la grâce et la gentillesse de Fiona et Fanny faisaient des merveilles. Elles commençaient à avoir une certaine renommée dans le landerneau, ce qui fit qu'elles recevaient des propositions de toutes sortes. Mais cela ne plaisait guère à Caroline qui, elle, était presque invisible. Aucune attention à son égard. Les garçons n'avaient d'yeux que pour ses
deux cousines. Et cela ne s'arrangea guère lorsqu'elles reçurent une invitation pour un buffet champêtre organisé par les amoureux de la nature, un mouvement d'écolos qui pensaient surtout à faire des sorties pour conter fleurette aux demoiselles du coin.
C'est ainsi que Fiona et Fanny firent connaissance de Jules et Jim, deux amis qui prenaient la vie avec légèreté et bonne humeur. Comme elles ne voulurent pas faire de peine à Caroline, qui n'avait pas été invitée, elles lui proposèrent de les accompagner lors d'une prochaine sortie. Ce qui ne tarda pas.
Cette fois, il s'agissait d'un rallye automobile version écolo. Cela voulait dire en charrettes anciennes attelées à des chevaux, voire des mulets ou tout autre animal que l'on pouvait trouver pour l'occasion. Finalement, le châtelain du coin proposa ses attelages de courses avec ses chevaux, car il avait une écurie, pour donner à chacun une chance égale de gagner.
Fiona et Fanny furent ravies de l'idée et n'eurent pas de réticence lorsque Caroline se proposa de se joindre à elles. À ce moment-là, personne ne se préoccupa de savoir comment cela s'organiserait.
Au moment de faire les équipes, il y eut un gros problème. Il n'y avait pas assez de filles. Fiona et Fanny qui, comme à leur habitude était toujours pleine de bonne volonté, offrirent de se partager dans d'autres équipes. Caroline se proposa pour chercher des équipages et eut tôt fait d'en trouver, car elle se retrouva entre Jules et Jim, pas peu fière d'être à leurs places. La journée fut des plus agréable et l'excitation fut au rendez-vous pour l'ensemble des participants.
Ce fut l'attelage de Jules et Jim qui gagna avec une Caroline aux anges. Elle finit par les convaincre que leur victoire était due à sa présence. Ils en convinrent pour lui être agréable.
Fiona fit connaissance pour l'occasion du fils du châtelain et Fanny de son meilleur ami, un certain Arthur. Le roi Arthur comme elle se plut à dire par la suite.
L'attelage gagnant ayant droit à un voyage sur la Côte d'Azur, pour assister à une course à Cagnes-sur-Mer, Caroline en fut toutes émoustillée de se retrouver avec un Jules qu'elle aimait autant que Jim. Ce qui leur convint très bien. Juste le temps d'une course. Mais de cela elle ne se doutait pas. Elle se retrouva abandonnée sur la Croisette alors qu'elle rêvait de devenir une star de cinéma, sans un sou, sans un toit, sans ses cousines à mépriser pour entretenir son caractère de mégère. Ce que Jules et Jim eurent tôt fait de repérer. Ils crurent l'abandonner mais c'est elle qui partit. Ils rentrèrent au pays pour servir de garçons d'honneur au mariage de Fiona avec son conte et de Fanny avec son « roi Arthur ». Ce fut une belle fête et personne ne demanda des nouvelles de Caro le chameau. Il paraît que quelqu'un de la ville voisine, qui était de passage à Nice, l'avait aperçu sur les trottoirs en belle compagnie. Mais est-ce vrai ou bien n'a-t-il pas pris ses désirs pour la réalité ?
Atelier d'écriture 14 mars 2011
texte 38
Sujet:
Un incipit et un excipit.
Premier thème:
A / Personne n'habite à cette adresse.
B/ Il n'y a plus qu'à tourner le dos.
Second thème:
A/ Mon gardien m'apportait un verre de thé et une poignée de dattes qu'il posait près de mon matelas à même le sol et il disparaissait en évitant de me regarder.
B/ N'est-ce pas dans ce lieu que j'ai été heureux ?
Troisième thème:
A/Nous étions comme deux rescapés dont ne sait quel naufrage qui s'agrippaient l'un à l'autre pour survivre.
B/Je pense à lui est il me manque.
Lutte avec le temps.
Personne n'habite à cette adresse et je m'en doutais. Car cette adresse n'est pas une adresse. C'est un espace inscrit dans le temps des siècles. Il y a toujours cette cour avec un dallage de pierre polie par le temps et qui aurait bien des choses à raconter. Il y a ces pièces autour, des pièces ouvertes. De grandes ouvertures avec des piliers carrés sur lesquels est gravée la mémoire des lieux, mais cette mémoire est si lointaine que plus personne ne sait qu'en dire. Les pièces sont orientées sur les quatre points cardinaux. La cour est le centre, comme le centre du monde. Un monde mystérieux pour moi encore aujourd'hui et qui le fut pour ceux d'avant. Et pourtant, c'est un endroit qui respire la simplicité, la clarté. Mais je pense que nous n'en avons et n'en aurons plus jamais les clefs. En parlant de clefs, je me rappelle qu'il n'y en eut jamais. C'était une maison sans clef. La clef, c'était la maison, mais personne n'en a eu la possession. Je marche en long et en large dans cette cour, je rentre dans une pièce, en ressort pour pénétrer dans une seconde pour m'apercevoir qu'elles n'ont pas changé et que tout est différent.
Maintenant, il n'y a plus qu'à tourner le dos.
Mon gardien m'apportait un verre de thé et une poignée de dattes qu'il posait près de mon matelas à même le sol et il disparaissait en évitant de me regarder. Je ne sais plus très bien depuis combien de temps je suis là. Heureusement pour moi, le temps m'importe peu. Le ciel est
souvent bleu, il pleut très rarement. Mais justement cette nuit, il a plu des trombes d'eau, un vrai déluge. J'ai entendu des bruits, des voix et il m'a semblé qu'en plus de ce gardien, il y avait quatre à cinq personnes. Ils cherchaient à se mettre à l'abri, mais l'un d'eux, qui semblait être le chef, ne voulut pas qu'ils se réfugient dans la maison. Ce lieu n'est pas pour vous, rester dans vos abris dehors. C'est la volonté du maitre. À ce moment, ils se turent. Le maitre ! Cela me fit froid dans le dos, car il n'y avait qu'une seule personne à ma connaissance qui fut appelée le maitre. Ce maitre, je l'avais rencontré un jour, alors que je marchais sur le bord de la mer, jouant avec les vagues qui venaient mourir sur le rivage. Je tentais de fuir des événements qui m'oppressaient. Je croyais qu'en gambadant ainsi entre terre et eau, je pourrais m'en échapper. Il s'appelait le temps qui passe. Au début, je le trouvais plutôt agréable et à mesure que je fis connaissance, cette satisfaction se transforma en angoisse, d'abord passagère puis de plus en plus prégnante. Je tournais le dos au rivage et m'aventura dans les terres. Je finis par apercevoir un grand cube ocre rose dans la plaine et au fur et à mesure que je m'en approchais, je compris qu'il s'agissait d'une vaste demeure, plutôt étrange, car sans porte ni fenêtre. C'est là où je suis aujourd'hui. Une sorte de prison qui ressemblerait à un palais sans roi, sans maitre et sans espoir. Comme un jour sans fin. Avec pour seul compagnon d'infortune cette main qui me nourrit sans rien me dire. Étrange situation, mais qui a, pour moi, comme un goût d'une évasion possible vers un ailleurs qui me fait signe sans que je sache encore à quoi il peut ressembler. Est-ce un signe d'espoir ou son contraire ?
N'est-ce pas dans ce lieu que j'ai été heureux ?
Nous étions comme deux rescapés dont ne sait quel naufrage qui s'agrippaient l'un à l'autre pour survivre. C'était maintenant le sentiment qui me revenait le plus souvent.
Un jour arriva où il n'y eut pas de thé, pas de dattes et donc pas de visite. Je sortis alors dans la cour après un long moment d'attente, pensant qu'il s'agissait d'un contre-temps, mais au bout de quelques heures, je dus admettre que je n'aurai pas de visite. Je sortis dans la cour après avoir fait le tour de toutes les pièces, je compris qu'il n'y avait personne. J'étais seul. Il me fallut un bon moment pour penser à sortir de la cour et me rendre à l'extérieur de la bâtisse. Le ciel était mi-figue, mi-raisin. Le temps était comme moi, dans l'entre-deux.
Soudain, l'angoisse du temps me reprit devant la vacuité du temps.
J'en venais à regretter cette visite quotidienne dans cette prison aux allures de palais, au confort relatif mais confort tout de même. Maintenant, plus de confort, plus de repères. La vastitude du monde avec des millions de fantômes qui circulent entre ciel et terre sous les formes les plus inattendues. Ils s'appellent désir, plaisir,envie, travail, copain, copine, amant, amante, dessert, café, caviar, dollars, Bugatti, palais vénitien, cabanon et j'en oublie. Il reste le temps, celui qui entretient l'espoir, je pense à lui et il me manque.
Atelier d'écriture 28 mars 2011
texte 39
Sujet:
 Une femme, Carie qui est couturière.
Un homme, Laurent, un pilote de montgolfière, son voisin.
Aujourd'hui, elle a fait un grand sourire à Laurent.
En ballon, c'est mieux.
Le temps est magnifique aujourd'hui. Un temps idéal pour Laurent d'aller faire un tour en montgolfière. Les montgolfières, il connait. Il est pilote depuis maintenant dix ans et plus aucun des recoins de sa montagne ne lui sont inconnus. Il vit ici, au pied du mont des alouettes, presque seul car le village est à trois kilomètres de là. Il vit dans cet ancien hameau de trois fermettes et seule la sienne est occupée. Il devrait dire était, car depuis quelques jours, il y a une voisine qui a emménagé dans la petite fermette du bas. Celle qui est près de la source au bord du chemin. Lui, il est plus haut, contre la falaise. Il a appris au village qu'elle s'appelait Carie. C'est la boulangère qui lui a dit. Il n'est pas très causant, Laurent, et il est très surpris aujourd'hui de la voir dans le champ en face de chez lui. Ils se regardent. Elle lui fait un grand sourire. Elle a un panier à la main et semble chercher des champignons, à moins que ce soit des pissenlits. Pour lui, ce ne peut être que l'un ou l'autre. Il connait bien sa campagne. Et il sait qu'elle ne trouvera rien aujourd'hui, car ce n'est ni le temps pour les pissenlits ni celui pour les champignons. Alors, il s'avance dans le champ en sa direction, tranquillement. Il a l'intention de la prévenir qu'elle perd son temps, mais au moment de lui parler, il ne trouve pas ses mots. Il est comme tétanisé par son regard. Il remarque tout de suite qu'elle a deux grands yeux vert-amande très lumineux dans un visage ovale encadré par des cheveux noirs de jais, coupés courts et frisés. Il ne voit que son visage et ne s'aperçoit pas qu'il va heurter un petit rocher qui dépasse à peine. C'est alors la chute qui le précipite sur une Carie qui était penchée à la recherche de pissenlits, lui dira-t-elle, l'instant d'après. Après qu'ils se soient retrouvés les quatre fers en l'air, rigolant de ce qui leur arriver.
Il était un peu plus petit qu'elle. Avec sa tignasse de berger –elle pensa plutôt à un pâtre grec, du genre Demis Roussos–, il lui sembla faire partie du paysage. Dans leur chute ils se retrouvèrent nez à nez avec, quelle surprise pour lui, un champignon. Alors qu'elle allait le ramasser, il lui prit la main afin qu'elle ne le prenne pas. N'y touchez pas, ce champignon est vénéneux. Alors qu'elle allait lui répondre, elle n'en eut pas le temps. Il ne réfléchit pas une seconde et se surprit à lui poser un
baiser sur le bout du nez. Elle en rougit, mais ne dit rien. Il lui expliqua que pour les champignons et les pissenlits, ce n'était pas la peine de chercher, ce n'était plus la saison. Par contre, si cela l'intéressait, il lui proposait une balade en montgolfière.
- En montgolfière, lui dit-elle !
- Oui, car c'est mon travail. Je suis pilote de montgolfières.
Pas une minute à perdre alors. Le temps est propice, il faut y aller. Ils y allèrent et si bien que la découverte des montagnes ne fut qu'un vague souvenir tant ils furent occupés à des activités peu compatibles avec le voyage en ballon.
Mais il y a un début à tout.
Il y eut des vibrations, mais qui furent provoquées par des débats amoureux des plus osés. Et comme l'altitude les isolait plus que n'importe quelle chambre privée, ils ne se privèrent de rien quant à leurs désirs.
Ce fut une première, mais non la dernière.
Atelier d'écriture 04 avril 2011
texte 40
Sujet: Quatre termes, ailleurs, ici, nulle part et hésitation.
Trois entames de phrase: Je, tu, il puis pour le dernier paragraphe, je, tu et il trois fois à la suite.
Et ajouter trois phrases proposées au hasard des échanges
Mots pour mots
Ailleurs.
Je ne suis pas d'ici pas plus que d'ailleurs.
Je vais par ici, mais aussi par ailleurs.
Je cours ici et là, dans un temps ailleurs.
Je parle souvent d'ici et jamais d'ailleurs.
Je chante peu ici et encore moins ailleurs.
Le pense souvent qu'ici c'est mieux qu'ailleurs.
Je m'imagine ici et je me vois ailleurs.
Je choisis mon ici et toi ton ailleurs.
J'aimerais être ici plutôt qu'ailleurs.
Je me vois nous deux ici et toi tu nous vois ailleurs.
Je rêve à tous ceux qui ici pourraient être ailleurs
et
je n'ai rien dit quand tu as choisi pour nous deux, pour nous tous, pour tout le reste.
Ici.
Tu voulais être ailleurs mais te voilà ici.
Tu irais bien ailleurs mais te voilà ici.
Tu es dans un ailleurs qui te ramène ici.
Tu nies être ailleurs et tout prouve que tu es ici.
Tu es un chant d'ailleurs qui me parle d'ici.
Tu vois en toi l'ailleurs d'un temps qui n'est plus d'ici.
Tu rêves d'un ailleurs semblable à ici.
Tu choisis un ailleurs pour ne plus être ici.
Tu veux être ailleurs mais tu restes ici.
Tu me vois ailleurs et je nous vois ici.
Tu penses aux rêves d'un ailleurs mais tu ne vois pas ceux d'ici
et
tu ne sauras jamais ce que j'ai ressenti quand j'ai écrit cette lettre.
Nulle part.
Il n'est pas dit que ce chemin aille ailleurs comme nulle part.
Il y a une chance sur deux pour que ce soit ailleurs
comme nulle part.
Il se pourrait aussi qu'il existe un ailleurs comme un nulle part.
Il faudrait alors imaginer un autre ailleurs comme un nulle part.
Il serait possible de se construire ce chemin ailleurs
comme nulle part.
Il y aurait bien des rêves autour de cet ailleurs
comme de nulle part.
Il n'est pas impossible que la lumière vienne d'ailleurs
comme de nulle part.
Il y a un au-delà de la lumière, il y a l'ombre.
Il y a l'ombre qui provient de cet état, le nulle part.
Hésitation.
Je n'avais jamais su si j'étais d'ici, d'ailleurs voire de nulle part.
Tu parlais souvent d'ici et d'ailleurs, mais jamais de nulle part.
Il s'imaginait ici et se voyait ailleurs sauf nulle part.
Je chante quelquefois ici, puis ailleurs mais je rêve à nulle part.
Tu penses souvent qu'ici c'est mieux qu'ailleurs,mais alors! Et nulle part.
Il s'imagine ici et se voit ailleurs sans penser à nulle part.
Je croirais à un ici mieux qu'un ailleurs, éventuellement nulle part.
Tu voudras aller ici et moi ailleurs, ce fut nulle part.
Il rêvait d'être ici et il fut ailleurs, finalement il y eut nulle part.