Il faut toujours dire "je t'aime" à la femme
que l'on aime écrit Bruno Frappat dans La
Croix .
Elle est là, assise au pied d’un
pilier dans le grand hall de la gare de Lyon, au début du quai où doit arriver
le train de nuit venant de Marseille. Elle s’est levée de bonne heure mais
elle dort mal depuis une dizaine de jours. Elle a vécu le départ d’Olivier
quasiment en direct.
Oui, elle est là, recroquevillée, au milieu de
la foule qui manque à tout instant de la piétiner. On pourrait croire qu’elle
fait la manche ou qu’elle est prise d’un malaise. Elle est persuadée que
je ne pouvais pas la rater. En effet, descendant du train dans les premiers,
je ne vois qu’elle et nous voici réunis, seuls au monde entourés de milliers
de personnes qui nous bousculent ou nous cognent avec leurs valises.
Nous rejoignons sa voiture, une superbe
2CV verte garée n’importe comment, au milieu des taxis. Aux récriminations
des usagers hargneux elle répond par un sourire désarmant, même les agents
de la circulation rempochent leur bloc de contraventions.
Je prends le volant et nous
nous dirigeons vers Issy les Moulineaux, elle
me raconte tout ce qu’elle a vécu depuis notre dernière rencontre et particulièrement
autour du dernier grand événement pour moi qu’elle
a pris en charge affectivement. J'emprunte les quais de la Seine et je vois défiler
l’Hôtel de ville de Paris, le Louvre, la Concorde,
la Tour Eiffel,
le pont de l’Alma …
Nous arrivons chez elle à La Clé,
cette villa où je dois intervenir auprès d’un groupe de six ou sept personnes.
Anne a repris son esprit pratique et organise, avec une très libérale autorité,
l’accueil des participants.
Je connaissais Anne depuis quelques semaines
alors qu’elle accueillait le groupe que j’animais et de ce fait j’avais la
première place, bien entendu. Quelque chose de merveilleux est passé entre
nous, par mes mains principalement alors que je faisais sur elle une démonstration
de relaxation aidée. Il lui incombait d’accueillir ce fluide qui venait d’ailleurs
dont j’étais le canal et que je transmettais sans le maitriser. Elle y a
vu les applications de ce qu’elle étudiait avec Michel son mari, le corps
éthérique, enveloppe immatérielle de
l’âme.
Or c’est à cette époque que survint l’accident
d’Olivier mon fils. Elle à Paris, lui dans le Sud. Elle s’est vue chargée
d’une mission extrasensorielle ; elle a été mon guide vers la lumière.
Dans ma poche, le minuscule carnet
de notes qu’elle m’a donné ce jour là. Il tient dans le creux de la main et
à chaque page juste la place d’une petite phrase. Longtemps après, je le
retrouverai dans un tiroir de mon bureau ; il contient des mots d’amour que
je n’ai jamais su dire à qui que ce soit.