Une vie : Olivier
(Marc)
Naître, crier,
bouffer, câliner, apprendre, dormir, rire, vieillir, mourir…
Pousser, s’agiter, démarrer, Olivier, oser,
séduire, aimer, balancer, souffrir…
J’ai appris qu’il était important de prendre
les gens par la douceur.
J’ai appris que les câlins pouvaient engendrer
des dépendances qu’il était
nécessaire ensuite d’assumer.
J’ai constaté que rien ne valait un bon câlin
pour bien s’endormir.
Je crois savoir que câliner relève
d’un apprentissage long et difficile.
Olivier, lui, avait appris à câliner
avant sa naissance.
Olivier est né en début d’été.
Olivier a inspiré sa mère pour porter
un prénom provençal alors que
nous venions de nous installer en Normandie.
Olivier était l’héritier attendu
de la famille.
Olivier a tout de suite montré qu’il était
casse cou.
Et moi j’étais fier de lui car il était
mon fils.
Il aurait fallu comprendre sa destinée alors
qu’il était tout petit et qu’il n’arrêtait
pas dans ses acrobaties, de faire des chutes qui
le défiguraient.
Il aurait fallu lui tricoter des bonnets extensibles
quand sa tête était sur le point
de doubler de volume.
Il aurait fallu le chausser avec des semelles de
plomb pour qu’il reste un peu tranquille.
Il aurait fallu lui faire comprendre que la vie
peut être belle à tout âge sans
avoir besoin de se presser.
Avec un grand sourire qui lui traverse le visage,
Olivier promet qu’il m’emmènera faire
un grand voyage.
Attendre, craindre, angoisser, apprendre, refuser,
dénier, s’affoler…
Il est bientôt 16 heures et il n’est pas encore
rentré. Mon train est à 17h15 à
Avignon, je vais le rater.
Il pleut et la route est glissante. La voiture que
je lui ai prêtée n’a pas été
révisée depuis longtemps.
Mes affaires sont prêtes, mon billet est
pris, je dois retrouver Anne à Paris. Que
vais-je faire s’il lui est arrivé quelque chose
?
Et sa mère qui ne rentre pas ! Elle prend
du bon temps sans se douter du danger.
Il n’a pas été dit que l’accident
était prévisible du fait de l’inexpérience
d’Olivier
Il n’a pas été dit que les apparences
pouvaient laisser croire que tout allait bien dans
la famille alors que chacun menait une vie dangereuse.
Je sais qu’il est admis que les malheurs n’arrivent
qu’aux autres.
Je sais que plus rien ne sera facile.
Je sais que le temps passant la vie reprend son
cours.
Je sais qu’il est possible d’oublier.
|