La proposition de retourner en Inde m'a séduit dès
qu'il en a été question.
Le groupe touristique, porteur d'un esprit particulier, me
convient bien à priori. Un serrement de cœur : je me revois
alors que je préparais le dépaysement après la grande
séparation de ma vie. A l'époque Marie-Jo se préparait
à quitter le foyer et j'avais besoin de prendre l'air.
Comme guidé par une force extérieure, mon choix
s'était fixé, alors, sur une action humanitaire à Jaïpur.
Fin octobre 88 je débarquais tout seul à Delhi.
Complètement perdu, je m'accrochais à ma camera, lui confiant
la mission de témoigner de mon errance et de mes découvertes.
J'ai passé trois mois à Jaïpur, partageant
la vie des lépreux dans leurs ashrams. J'ai pu séjourner quelques
jours à Calcutta et suis allé à Agra. Avec un dégout
pour les touristes, je côtoyais une telle misère ! J'ai eu l'opportunité
de terminer mon séjour par une dizaine de jours de retraite en silence
dans un centre de méditation Vipassana. C'est sans doute, ce qui me
reste de plus constructif.
Je correspond toujours avec un jeune instituteur de là-bas
qui avait l'âge de mon fils tué dans un accident, deux ans auparavant.
Il s'est marié en 96. Invité, j'ai hésité à
faire le déplacement, malgré le bon souvenir que j'avais gardé
du mariage de sa sœur, alors que j'étais seul témoin occidental
dans cette fête.
La question se pose pour moi, maintenant : vais-je retourner
dans ce pays comme un riche qui ne peut plus rien partager, après une
expérience qui a marqué un tournant dans ma vie ?
<< Une période forte de ma vie : le séjour
en Inde dont je suis revenu fin janvier 89.
Désirant me libérer d'une tension conjugale que
je supportais difficilement, j'avais proposé mes services à
une association humanitaire. Par courrier et téléphone "Kinés
du monde" m'a accueilli à conditions que je finance mon déplacement.
La destination était Jaïpur, dans le Rajasthan
à 300 kms au sud de Dehli. Il s'agissait de contacter les communautés
lépreuses de cette région. Une association de Grasse animée
par Daniel Fillod était sur place et tentait de mener une action sanitaire
sous la forme de construction de dispensaire.
Je suis donc parti tout seul, à l'aventure pour trois
mois, fin octobre 88. Je parlais difficilement l'anglais, la langue nationale
et je l'entendais encore moins bien.
J'ai compris rapidement que l'aide matérielle apportée
quelles que soient les finances dont nous pouvions disposer ne serait qu'une
goutte d'eau dans un océan de besoins.
J'ai donc opté pour le témoignage. Muni de la
caméra que j'avais acquis l'année précédente,
j'en ai fait une compagne destinée à montrer la vie extraordinaire
de ce pays. Habillé à l'indienne avec une grande chemise et
un pantalon blancs, je transportais mon appareil dans un petit sac à
dos. Je cherchais à être discret et rapide mais j'ai excité
la curiosité de mon entourage ; et la sympathie ! quand je montrais
dans l'instant qui suivait le résultat des prises de vue. Malheureusement
il fallait compter avec la poussière et l'insécurité
du pays. La première a pénétré l'instrument et
l'a mis hors d'usage, la deuxième a fait disparaître lors d'un
transport, les cassettes enregistrées. Je n'ai pu ramener au pays
que quelques passages de mi-séjour. Je me suis filmé en donnant
des soins aux lépreux et proposant des manœuvres de circulation d'énergie.
La plus belle gratification de mon séjour a été
ma participation à une session Vipassana. Au voisinage de l'ashram
des lépreux qui m'hébergeait était implanté un
superbe centre de méditation bouddhiste. Je suis allé, en vélo,
prendre connaissance des lieux et des conditions de stage. Dix jours d'internement
en silence à suivre la progression des pratiques méditatives,
bien cadrées par le maître.
J'ai saisi l'opportunité de suivre un stage qui débutait
la semaine suivante. Alors que je ne comprenais pratiquement rien, j'ai eu
droit le troisième jour, à la traduction en français,
sur cassettes audio, de l'enseignement sur le Dhamma. Lever quatre heures,
méditations dirigées, pauses, repas, pratiques isolées,
conférence, couvre feu à 20h, les journées défilaient.
J'ai acquis une méthode efficace de concentration et
de circulation mentale de l'énergie. Un beau cadeau dont j'ai pu profiter
moi-même depuis.>>