DHYÂNA ET SAMÂDHI
HUI
HAI
Voulez-vous nous parler de
dhyâna et de samâdhi ?
Quand la pensée
erronée s'arrête, c'est dhyâna. Contempler sa nature
originelle, c'est le samâdhi, car, en vérité, cette
nature originelle est votre esprit foncier. Par le samâdhi, vous
retirez votre esprit de ce qui l'entoure, le rendant ainsi insensible aux
huit influences, c'est-à-dire le gain et la perte, l'éloge
et la calomnie, la louange et le blâme, la joie et le chagrin. En
agissant ainsi, même un homme ordinaire peut réaliser l'état
de Bouddha. Le sûtra des Préceptes du bodhisattwa dit "tous
ceux qui observent les préceptes du Bouddha par là même
réalisent la bouddhéité". Il est d'autres façons
d'exprimer la même chose, ainsi : délivrance, gagner l'autre
rive, transcender les six états auxquels sont soumis les mortels,
dépasser les trois mondes, ou devenir un puissant bodhisattwa, un
sage omnipotent, un conquérant.
Le sûtra dit "pas de
mot, rien à formuler - c'est ce qui est entendu par dhyâna".
Mais pouvons-nous aussi parler de dhyâna alors que nous sommes engagés
dans l'action ?
Ma définition du dhyâna
se réfère à l'éternel dhyâna non affecté
par la parole ou le silence. Pourquoi ? Puisque la nature de dhyâna
demeure même pendant que nous sommes engagés dans l'action
ou dans le choix, notre action et notre choix font partie intégrante
du dhyâna. De même, lorsque la contemplation des formes surgit
d'un esprit non encombré, la vacuité persiste autant au moment
où nous regardons ces formes que lorsque nous ne parlons pas ou
que nous ne sommes pas engagés dans d'autres activités. La
même chose s'applique à la vision, à l'audition, à
la sensation et à la perception.
Comment cela ? Parce que
notre nature même est vacuité et demeure ainsi dans toute
situation ; étant vide elle est libre de tout attachement et c'est
précisément ce détachement qui permet l'action simultanée,
sur le même plan, du dhyâna et de la connaissance. Tous les
bodhisattwas utilisent cette approche par le vide universel pour atteindre
le but final. Aussi, il est écrit "Lorsque dhyâna et la connaissance
existent sur la même plan, c'est cela que l'on nomme libération".
Prenons un autre exemple afin de clarifier cette question, d'éveiller
votre compréhension et de vous libérer de vos doutes : celui
du miroir ; lorsqu'il reflète, son éclat est-il affecté
? Non, bien sûr. Et lorsqu'il ne reflète rien, sa propriété
de refléter change-t-elle ? Non plus. Mais pourquoi cela ? Le miroir
est non affecté qu'il y ait objet ou pas d'objet, car sa nature
propre est de réfléchir sans être autrement affecté.
Et alors ? Là ou la réaction est absente, il ne peut y avoir
ni mouvement ni absence de mouvement. Prenez l'exemple de la lumière
du soleil. Ses rayons sont-ils affectés, qu'ils rencontrent ou ne
rencontrent pas un objet ? Pas plus, pourquoi ? Parce qu'ils sont dépourvus
de toute forme de sensation. Qu'ils ne soient pas affectés en rencontrant
ou en ne rencontrant pas un objet est dû au fait que leur nature
propre est de briller sans connaître quelque forme de sensation que
ce soit. La propriété de refléter est celle de prajnâ
(la connaissance) alors que celle de l'immuabilité parfaite est
celle de dhyâna. C'est cette méthode de dhyâna et de
connaissance qui permet au bodhisattwa d'atteindre l'illumination suprême.
C'est pourquoi il est écrit "lorsque dhyâna et la connaissance
existent sur le même plan, c'est cela que l'on nomme libération".
Mais, lorsque tout à l'heure j'ai parlé de l'absence de sensation,
j'envisageais la sensation ordinaire et non la sensation du sacré.
Extrait de "La Grande
Perle" Shâstra : Tun Wu Ja Tao Jao Men Lun Extrait de Être,
Approches de la non-dualité, 1976, n° 1, p. 31-34
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