ateliers d'octobre      




Denise et ...
Consignes

1.    décrire un personnage – Comment il est vu de son entourage
2.    donner un titre pour 3 paragraphes
3.    donner une phrase différente à inclure dans chaque paragraphe
Ces papiers sont répartis parmi les participants

Premier personnage imposé à tous : Denise
•    prostituée, elle ne travaille pas volontiers
•    elle rêve d’une autre vie
•    son « patron » la dit paresseuse.

Inclure les coups d’œil du narrateur.

 Les textes
Marc : Denise et Rosalie
Emmanuelle : Denise et Jacqueline

Intime conviction
Consignes :
  1. Un portrait est défini pour chaque participant. Un homme ou une femme mois de 70 ans, quelques caractéristiques, son secret.
  2. Chaque participant s'aproprie son personnage et le décrit.
  3. Il est question que le personnage soit juré dans un procès de moeurs et cette situation l'ennuie particulièrement
  4. Le personnage se retrouve juré au procès et découvre des aspects de sa vie personnelle.

Photos : clic
Les textes












Denise et Rosalie
La révélation
Rosalie est en peine, son ami vient de la quitter et même si à vingt ans elle garde toutes ses chances d’en trouver un autre rapidement, elle déprime.
Elle voudrait une compagne. Elle en a assez, pense t elle, de faire confiance à des hommes.
Elle rêve du Japon et de trouver là bas celle qui pourrait devenir son amie.
Et puis voilà, à la bibliothèque des langues étrangères, qu’elle fréquentait pour apprendre le japonais, (moi je suis parti en Inde en bafouillant quelques mots d’anglais, la langue nationale, c’était comme si j’étais muet), la responsable lui donne une adresse :
« C’est une fille qui a besoin de toi !" dit elle. « Non pas une aventurière mais une rescapée du radeau de la méduse » (dit la consigne)
C’est décidé, elle va tenter sa chance et donner un sens à sa vie en cherchant à sauver celle de Denise, d’autant plus que celle-ci voudrait aussi, aller au Japon.
Un coup de téléphone et le rendez vous est pris elles se rencontreront au club d’Aïkido.

Le fou rire
Si Rosalie est ceinture noire en Aikido, Denise n’a jamais pratiqué ce sport mais est prête à tout tenter pour sortir du milieu qui l’oppresse.
(N’avez-vous jamais élaboré un grand projet à partir d’une position de détresse, même passagère ?  Pour moi, c’est ainsi que je suis parti en Inde)
Elle avait demandé de l’aider à sa tante de la bibliothèque. Elle lui avait promis de faire le maximum pour trouver une situation sociale décente. Jusque là elle n’avait pas d’autre ressources que de faire des passes. Elle s’exécutait sans passion et le moins souvent possible au point que son « patron » estimait qu’elle était plutôt paresseuse. Elle avait pourtant sa place sur la route de Chateauneuf, en bordure de la forêt et les clients ne manquaient pas. Elle commencait à être connue et souvent même on lui proposait de partir pour des destinations lointaines. Non ce qu’elle avait dans la tête c’était d’aller au Japon.
Donc, à l’heure dite, elles se retrouvent avec Rosalie aux vestiaire du club.
« C’est toi Denise ? »
« Oui, non, enfin oui… »
Sans savoir pourquoi, elles éclatent toutes les deux d’un fou rire qui leur dura quelques minutes.
La séance d’entrainement fut abrégée ; Denise ne tenait pas trop à s’exhiber surtout devant Rosalie pour le premier jour de la rencontre.
« La fin de l’hiver arrivait, laissant le sol couvert de glace fondante dans les rayons du soleil. » (comme dit la consigne)

Et vive la liberté !
« Dans un pays lointain, des hommes se mirent en route » (Pour moi, avec Jac, c’était l’Inde ; ici, ce sont des femmes, pour le Japon…)
Denise était ravie. Elle voyait en Rosalie, plus jeune qu’elle certes, une compagne idéale qui remplacerait avantageusement « son patron » qui lui avait été indispensable pour assurer sa sécurité. Maintenant Rosalie, à qui il  manque un orteil, championne d’arts martiaux cependant, saurait se faire respecter s’il leur cherchait des ennuis.
Rosalie est heureuse aussi ; elle trouve en Denise la jumelle que, lui a t on dit, elle a perdue à la naissance. Cette compagne tombée du ciel, va lui donner "la pêche" pour faire sa vie et gagner ses matches, même s’il lui manque un orteil.
Pour le moment Denise se charge de tenir le ménage et Rosalie termine son année de fac ; elles vivent avec la bourse qui est attribuée à cette dernière. Et puis elles partiront un jour au Japon, c’est certain. Elles préparent déjà, dans leur tête, le départ.
Quel bonheur ! Denise et Rosalie s’éclatent dans leur nouvelle vie, insouciantes de l’avenir.





Le 19 octobre







le 26 octobre

Intime conviction
Michèle (personnage élaboré par le sous groupe)
  • Michèle Sauvage, 45 ans, divorcée
  • Ancien mannequin
  • Conseiller municipal, 1er adjoint
  • Aime le luxe
  • Magouille dans les attributions de permis de construire
  • Fréquente le milieu de la nuit
  • Amoureuse d’un patron de boite de nuit récemment condamné à de la prison avec sursis pour détention de drogue.
Ce que les gens voient, ce que les gens disent…
Mais pourquoi Michèle sort elle toujours de chez elle par la porte de derrière ? Aurait elle perdu la clé du portail ? Sans doute tient-elle à ne pas se faire remarquer. Et puis si elle ouvrait le garage on verrait sa voiture. Personne ne l’a jamais vue sa voiture mais il paraitrait qu’elle coûte une fortune. Sans doute un souvenir de sa période de succès quand elle était mannequin.
Elle utilise une mobylette pour aller à son bureau et revient en général très tard. On peut voir l’engin enchainé à la grille de l’entrée alors qu’il n’y a plus personne dans les services.
Ses voisins ont constaté que depuis qu’elle siège au conseil municipal les permis de construire se négocient à la mairie en passant par son bureau.
On croit avoir aperçu Michèle dans une des boites de nuit du centre ville, justement celle qui a fait l’objet d’une affaire pour trafic de drogue.
Le jour où il y a eu une descente de police, Michèle s’est proposée pour témoigner en faveur du patron Maurice pour empêcher que celui-ci soit emmené en garde à vue. Grace à elle, il n’a été condamné qu’à un mois de prison avec sursis.
Personne n’a entendu dire qu’ils étaient de la même famille ; il doit y avoir autre chose entre elle et lui. Sans doute une histoire d’amour ?
Mais que cache t elle dans son garage qu’elle n’en ouvre jamais la porte ?

Le facteur vient juste de passer avec une lettre recommandée et accusé de réception. Cette fois, c’est certain, Michèle est convoquée pour être juré. Il faudrait qu'elle donne son intime conviction ? En dehors du dérangement que cette fonction va lui demander, Michèle s’interroge sur le procès par lui-même. Elle aimerait bien voir comment ça se passe là bas, au Palais mais il y a quelques points sombres dans sa vie et elle ne voudrait pas attirer l'attention sur elle.
Et s'il s'agissait de proxénétisme ? Ce milieu n’est pas le sien, d’accord mais va-t-elle être amenée à prendre parti ou témoigner pour ou contre des personnes qu’elle a fréquentées et qui pourraient la reconnaitre ? Car Maurice, qui est donc son amant, est le patron de la boite dans laquelle elle passe une partie de ses nuits, de sa vie en fait mais personne ne le sait. Elle non plus ne veut pas savoir et surtout elle tient à garder son emploi à la mairie.
Comment pourrait-elle échapper à ce piège ?
Elle ne voit pas de solution. Si bien sûr ! Elle va se faire porter malade. Il faut qu’elle trouve un certificat médical.
« Allo docteur Legrand ! Ici Michèle Sauvage, premier adjoint à la mairie, j’ai bien en mains votre demande de permis de construire pour l’agrandissement de votre villa. Nous l’avons examiné en commission et il pourrait passer ; pourtant l’emplacement du portail n’est pas conforme au projet d’élargissement de la voie publique. Je peux m’occuper de cette affaire et vous proposer les corrections nécessaires. Maintenant je suis embarrassée au sujet d’un procès auquel je suis convoquée comme juré et qui m’ennuie énormément. Pourriez-vous me dépanner en me fournissant un certificat médical. J’ai eu la grippe récemment et je peux être contagieuse… Je compte sur vous ?

Le procès
Que s’est il passé au juste avec le médecin ? Nous n’en parlerons pas. Toujours est il que Michèle se retrouve sur le banc des jurés pour délibérer du procès.
Au cours de l’instruction, elle découvre le personnage qu’elle doit juger. Il s’agit d’un inconnu, heureusement, qui a été dénoncé par des filles qui travaillaient pour lui et qu’il a exploitées. Une de leurs camarades est malencontreusement décédée d’une overdose dans l’établissement et le patron responsable s’est fait épinglé. Histoire regrettable vue de l’extérieur mais à entendre les plaignantes Michèle prend conscience de l’ahurissante réalité de ce milieu qu’elle approche depuis des années sans s’y intéresser en profondeur. Elle voit Maurice se profiler derrière cet accusé qu’elle ne connait pas. Elle commence à soupçonner son amant. Elle a toujours voulu le voir intègre lui qui n’a été accusé que d’une simple détention de drogue. Elle réalise qu’il peut s’être conduit comme cet individu repoussant qui est en face d’elle dans une situation pitoyable.
Et elle voit le jour où Jocelyne a failli tuer Maurice d’un coup de couteau alors qu’il dormait. Cette dernière était entrée dans la chambre avec une lampe électrique croyant Maurice seul et Michèle, présente dans le lit comme souvent, ne dormait pas. Elle avait crié pour éviter le drame et sauver Maurice.
Jocelyne avait la fonction officielle de serveuse mais Maurice l'utilisait aussi pour d'autres petits boulots. Une fois elle avait fait un streap tease pour plaire à un client exceptionnel. Michèle en avait été choquée mais n'avait pas voulu revenir sur cet incident. Maintenant tout lui posait question. Jocelyne aussi était morte d'une overdose mais chez elle fort heureusement...
Elle était trop préoccupée de cacher sa vie passée de mannequin magouillarde et ses petites malhonnêtetés de secrétaire de mairie pour approfondir celles de Maurice.

Aujourd'hui, cet étranger, cet accusé en face  d’elle, lui parait odieux mais n’a-t-il pas lui aussi une double vie respectable ? Une femme qu'il aime et qui l’aime sans chercher à savoir ce qu’il peut faire en dehors de ce qu’elle voit ?
Maurice, lui, avait seulement parlé de cette drogue pour laquelle il avait été condamné et elle pensait que c’était ce qui leur permettait à tous les deux de se retrouver et de se comprendre. Michèle n’a jamais voulu en savoir plus mais elle s'était proposé pour stocker la drogue dans son garage.
Maintenant que le procès découvre tous les dessous des façons de faire de l’accusé un effroyable doute pèse sur Maurice. Et s’il était lui aussi proxénète pire que celui qu’elle doit juger ? Et si une enquète était ouverte sur elle et sur le contenu de son garage (qui n'a même pas de permis de construire...)?


Denise (par Pierre B)
  • Denise, prostituée, elle ne travaille pas volontiers. Elle rêve d'une autre vie. Son « patron » la dit paresseuse.

Trois phrases a intégrer :
1. Le café de la gare était tranquille, des habitués faisaient leur belote, lorsqu'un
pavé fit voler la vitre en éclat.
2. Ce jour-là, il traversait la rue en regardant droit devant lui, une voiture l'évita de
justesse et la conductrice lui cria une insulte. C'était une vieille connaissance.
3. Elle s'endormit ce soir-là sans compter les moutons. Enfin, le cœur léger, après
tant d'insomnies. Elle sombra dans un sommeil profond.


1. La surprise
Le café de la gare était tranquille, des habitués faisaient leur belote lorsqu'un pavé fit voler la vitre en éclat. Dans son coin, Denise, trop occupée par ses soucis ne fit pas attention à l'incident. De plus, elle avait le nez dans sa réussite qui aujourd'hui ne venait pas vite. Elle finit par lever le nez et à se demander pourquoi un tel brouhaha.
Le patron, Robert, était dehors dans tous ses états. Il était entouré d'un groupe de personnes, passants et autres citadins et puis le gros Joseph, le chauffeur de taxi bien connu du quartier, qui laissait entendre qu'il l'avait vu. Un de ces petits morveux des quartiers nord.
– Tu l'as reconnu, lui demanda Robert ?
– Ben, ben! Tu sais, ça s’est passé tellement vite, je ne pourrais pas te dire comment il était.
Robert laissa tomber. Rien à en tirer.
C'est pour ma pomme. C'est alors que Denise répliqua pour demander ce qui se passait.
Une femme, qui était dans le café également, mais qu'elle n'avait pas vue, intervint.
– Je l'ai vu, ce petit, c'est le fils du patron du bar des négociants.
Joseph, alors, confirma ce qu'il n'avait pas vu et Denise haussa les épaules. Elle demanda alors à la femme si elle était de la police. De la police, moi, et pourquoi ? Comme ça, je trouve que vous avez l'air de regarder partout, c'est bizarre. Elle rentra dans le café et retourna à sa réussite.
Moi, j'étais dans mon coin, celui qui restait, entre Denise, Colette et les quatre beloteux. Je comptais les points et je vis alors Denise abandonner sa réussite pour se diriger vers Colette.
T'es pas d'ici, toi !... Pourquoi ? Je ne rai jamais vu. Assieds-toi, tu veux prendre un verre ? Denise accepta par curiosité. Elle voulait savoir qui se cachait derrière ce regard.
C'est ainsi que firent connaissance la prostituée la plus paresseuse, aux dires de son « patron », mais au coeur gros comme une citrouille, qui aurait voulu être une artiste de cabaret et Colette qui était écrivain et qui rêvait de devenir la seconde grande Colette.

2. Le mensonge
Ce jour-là, il traversait la rue en regardant droit devant lui. Une voiture l'évita de justesse et la conductrice lui cria une insulte. C'était une vieille connaissance. Tellement vieille qu'il eut de la peine à la reconnaître.
Alors le p'tit Lulu, tu as perdu la mémoire. Ta vieille copine – tu parles de copine, elle, tapineuse bas de gamme- Jannie, la flamboyante Jannie.
Mais bien sûr, je me rappelle. À ses tout débuts, ça oui il se rappelle. Mais avec toutes les visites qu'elle a eues, il ne reste plus grand-chose de la beauté d'antan.
Eh ben, tiens, je t'offre un verre puisqu'on est devant un café.
C'est quoi au juste: le café de la gare. Bon ben, ça ira pour nous, hein !
Lulu accepta pour lui faire plaisir et puis, tout de même, il se souvint d'avoir passé du bon temps avec elle.
Ils entrèrent dans le bar et s'installèrent au comptoir. Denise qui discutait avec Colette lui tournait le dos, mais elle pouvait les voir dans le miroir. Lui ne la remarqua pas tout de suite. Tu vois, dit-elle à Colette, le mec là-bas avec cette vieille peau, au bar, c'est mon « patron ». Un vieux vicelard. Il a l'air en effet vicieux. Le petit maquereau bas de gamme. Si je pouvais, je lui ferais la peau, ce salop.
Elle en serait bien capable, se dit Colette. C'était l'amour vache dans le milieu.
Tu oserais lui faire la... demanda Colette, émoustillée par cette histoire. Je sais pas, peut-être ? Il regarde voir toi, il me semble, j'ai l'impression qu'il t'a reconnue.
Il lui fit un signe de la tête, l'air de dire, allez au turbin. Sinon, ça va barder.
– Pourquoi fait-il ce signe ?
– Quel signe ?
Colette lui mima quelqu'un qui l'égorge.
– Oh, il fait son malin. C'est un pauvre con.
– Tiens, ils s'en vont.
– Bon débarras. Donc, je te disais...
Et elles continuèrent leurs échanges de souvenirs de vie entre la déchéance du trottoir et l'ingratitude des éditeurs qui ne reconnaissent pas les talents des grands écrivains. Par exemple, sais-tu que ce pauvre Proust … Bla, bla, bla, bla,...
Bon, et bien moi je vais me rentrer. J'ai du boulot qui m'attend.

3. Le meurtre qui arrange tout.
Elle s'endormit ce soir-là sans compter les moutons. Enfin le cœur léger, après tant d'insomnies, elle sombra dans un sommeil profond.
Après avoir quitté le café de la gare, Lulu avait quitté sa « chère amie » pour aller, disait-il, régler une affaire. Ben, voyons. Elle connaissait la chanson Jannie. Et ben, bonne affaire et à un de ces jours.
Le quartier de la gare est plutôt tranquille passé les dix heures du soir. Les derniers trains sont passés. Moi, j'habite à deux pas, c'est pourquoi je vais prendre mon café chez Robert. Je n'aime pas trop l'endroit, mais bon! Et puis, c'est tranquille en général. Sauf aujourd'hui avec cette histoire de pavé dans la vitre du bar et ce Lulu, que je connais vaguement de vue et qui a joué le caïd avec cette pauvre Denise. Je la connais bien Denise. Je n'ai jamais utilisé ses services, ce n'était pas de mon goût, mais avons sympathisé et de temps en temps je lui offre le
café. Elle me raconte sa vie en trou de passoire. Pas drôle sa vie. Elle n'est pas encore pas mal de sa personne parce qu'avec sa philosophie de vie – moins j'en fais mieux, j'me porte – elle s'était protégée des affres du temps.
Aussi, lorsque vers une heure du matin, j'entendis les sirènes de la police hurlaient dans le quartier, je me suis dit que décidément, ce jour n'était pas un jour comme les autres. Je suis descendu dans la rue pour voir ce qui se passer.
Tiens, Colette, l'écrivain, que fait-elle ici ? Bonsoir, on se connait !
Oui, du café de la gare. Ah! Oui. Cet après-midi. Vous savez ce qui se passe ? Je crois que c'est la pauvre Denise, elle a était assassinée.
Quoi ? Denise, ça alors. Colette n'en revenait pas. Elle qui ne savait pas comment faire pour s'éloigner de son patron de merde, ce petit salaud de Lulu.
Ainsi va le monde.

Fadila.

Elle est là, Fadila, face à la mer, la tête pleine de bruissements que les événements qu'elle vient de vivre amplifient. Là-bas, de l'autre côté sont tous ses souvenirs d'enfance. Des souvenirs qui remontent à la surface maintenant. Des odeurs, des saveurs, des chants, des visages et puis la famille. Cet oncle qu'elle adorait, mais que la famille n'aimait pas beaucoup. Ce petit copain de classe avec qui elle partageait ses secrets et qu'elle dut voir partir pour la capitale et qu'elle ne revit jamais. C'était son amour secret. Mais elle ne regrette rien. Il fut un temps où elle aurait pu regretter, où elle aurait eu envie de retourner au pays. Son pays, la Tunisie. Mais aujourd'hui, son horizon avait changé. Il était ici, sur cette terre qui l'avait accueillie, plus ou moins bien certes. Mais, maintenant, elle était bien heureuse d'y être. Ce qu'elle venait de vivre n'aurait pu l'être de l'autre côté. Elle se serait retrouvée rejetée, une moins que rien.
Elle se trempait le bout des pieds dans ces petits rouleaux qui viennent mourir sur la rive et cela lui procurait une sensation de bien-être.
Il faisait très beau et le soleil de printemps était bien agréable. Elle pouvait profiter pleinement de ce moment de plaisir sans se demander ce que les gens diraient d'elle. Fini les supputations sur sa vie de son voisinage. Et Dieu sait si cela avait accompagné sa vie depuis qu'elle habitait ce quartier qu'elle n'avait pas choisi, mais que sa condition sociale lui avait imposé. Une si charmante petite ville disait-on! Oui, vue de l'extérieure, mais qui n'avait rien à envier quant à la mentalité provinciale de la majorité de ses habitants. D'autant qu'elle était environnée de gens d'origine du Maghreb, en grande majorité, et que ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux pour sa vie privée.
Heureusement, il y avait là quelques personnes avec lesquelles elle entretenait de bonnes relations. C'était le cas de madame Louise, la patronne de l'épicerie du quartier. Avec elle, le courant était tout de suite passé. C'était pour elle comme une mère. C'est elle qui lui parlait des malveillances qui se disaient sur sa vie tout en la consolant et en lui demandant de ne pas trop y porter attention. Que son mari la battait, qu'elle ne resterait pas avec lui, qu'elle avait un amant, mais qu'elle était
riante et discrète. Alors, tu fais le tri. Tu ne te laisses pas impressionner par c'est qu'en dira-t-on. Ce qui importe c'est de savoir qui tu es, toi. Elle avait bien de la peine à gérer sa vie quotidienne avec ses cinq enfants et ce mari, un cousin du bled qui lui avait été imposé et qu'elle supportait de moins en moins. Au début de leur relation, elle avait eu de l'affection pour lui, mais avec le temps, elle s'était rendu compte qu'il ne ferait jamais rien de sa vie. Il n'avait jamais fait un effort pour améliorer son français. Et il n'avait jamais voulu suivre une quelconque formation pour avoir un métier qui lui permette de s'en sortir par lui-même. Il continuait à fonctionner comme au pays. Ses relations de voisinage en guise de famille et cela semblaient lui suffire. Il avait vite compris les avantages qu'il pouvait attendre des aides sociales de droite et de gauche.
Il avait eu un emploi à la ville comme balayeur, mais sa négligence dans les horaires avait fini par lui être fatale. Bien sûr qu'il ne voyait pas pourquoi il avait été renvoyé sauf parce qu'il avait la peau mate et un nom arabe. Il refusait de se plier aux us et coutumes de son pays d'adoption. À l'extérieur comme à la maison. Au début de leur relation, sa jeunesse et sa candeur furent favorables à ce que le schéma traditionnel s'installe dans le couple. Et puis, au fur et à mesure des années, ses yeux s'étaient ouverts.
Elle avait suivi des cours du soir et avait réussi un examen pour être secrétaire. Cependant, elle n'avait pas obtenu un travail, mais elle n'avait pas baissé les bras pour autant. Elle avait trouvé cet emploi de femme de ménage après avoir pris contact à l'aéroport pour un emploi de secrétaire.
Elle se disait qu'elle avait un pied dans la place et qu'avec le temps.
C'était madame Louise qui le lui avait dit et elle avait trouvé cela sage. Tu ne dois pas te laisser enfermer dans ton petit monde, lui avait-elle dit. Si tu veux avoir du travail, il faut que tu sortes de chez toi. Bien sûr qu'à la maison, cela avait été mal pris, mais après le renvoi de son mari des services de nettoyage de la ville, il avait bien fallu trouver un travail, car ce n'était pas avec ses allocations qu'elle pouvait nourrir ses enfants et payer le loyer et les charges. Et elle ne pouvait pas compter sur cet âne bâté qu'elle avait à ses côtés qu'elle pouvait espérer avoir de l'aide. Ni avec le maigre chômage qu'il percevait et dont elle ne voyait pas l'ombre d'un
centime.
Tout en marchant sur la plage, elle se souvenait des événements qui avaient déclenché le basculement de sa vie. Ce jour où elle avait découvert, furieuse, que son mari avait ouvert la lettre, une lettre recommandée, venant de la mairie. Il avait prétexté croire à une réponse de la mairie à une demande d'emploi. Ah! par ce que tu crois qu'ils vont te donner un emploi après ce qui est arrivé. Tu me prends pour une idiote. Et en plus une lettre recommandée pour te dire... Enfin, elle n'avait pas poursuivi. Cela n'en valait pas la peine. Et puis elle se savait en porte à faux, car elle aurait dû être là à cette heure de la journée. Mais ne pouvait lui révéler son secret.
Elle l'avait lu cette lettre un peu fébrile.
Elle était choisie pour être sur une liste d'attente en vue d'être juré.
Elle était contente et en même temps angoissée. Qu'est-ce que c'était qu'être juré, se demanda-t-elle? Il le lui demanda aussi, mais elle était bien en peine de lui répondre, ce qui le mit en rage. Et d'abord, pourquoi tu n'es pas rentrée à l'heure ? Où est-ce que t'étais? Il avait fait un geste comme pour la frapper. Essaie et tu vas voir. Ici, tu n'es pas au bled, je te le dis. Je porterais plainte et tu risqueras gros, je te préviens. Il se calma alors, mais pour revenir à la charge plus tard.
Elle alla voir sa maman de l'épicerie pour avoir un conseil et des informations sur cette histoire de juré. Elle en était revenue rassurée et un peu fière. Tu seras avec d'autres personnes qui comme toi ont été choisies par un tirage au sort pour être dans ce jury. Tu devras juger en ton âme et conscience de la culpabilité ou non de l'accusé. Et tu recevras une indemnité pour chaque jour, mais je ne sais pas qu'elle en est le montant. Elle s'était dit qu'elle avait les moyens d'en savoir plus par ses
relations à l'aéroport. Elle remercia madame Louise et s'en retourna à la maison rassurée. Elle se souvenait de cet instant comme celui d'un virage dans sa vie. Sur le moment, ce fut un vague sentiment d'ouverture vers un autre monde, mais elle était loin d'imaginer jusqu'où cela irait. Lorsqu'elle était revenue à la maison, elle fut de nouveau agressée par un mari suspicieux et jaloux. Qui essaya de la rabaisser en la traitant de femme de moins que rien, exploitée par des salopards de Français qui continuent de se comporter comme des colonisateurs. Et puis pourquoi t'es rentrée si tard, hein? T'as un amant, c'est sûr. C'est ton petit chef, hein? Je vais le buter ce salaud. Et il avait encore levé la main sur elle, mais s'arrêta en repensant certainement à ce qu’elle lui avait dit quelque temps avant. Mais elle avait senti que la situation était en train de se dégrader de plus en plus. Ses griefs revenaient de plus en plus souvent d'autant qu'il supportait mal de devoir s'occuper des enfants. Il se sentait rabaissé doublement. Il n'avait plus de travail et il était la boniche, à ses yeux, à la maison. Mais que fais-tu pour changer ta situation, hein?
Rien, tu ne bouges pas le petit doigt. Cela le mettait encore plus en colère.
Et pour ne rien arranger, c'était fini pour les galipettes au lit. Elle ne supportait plus de faire l'amour avec lui, surtout depuis qu'elle était à l'aéroport et que...
Ce qui augmentait les suspicions de son mari et doublait les menaces. Je vais le tuer ce salaud, n'arrêtait-il pas de dire dans leurs disputes. Et c'était aussi pour ne plus avoir à supporter ces scènes de ménage, qu'elle rentrait de plus en plus tard. Mais son sommeil s'en ressentait et la traduction qu'en faisait son mari fut qu'elle dormait à l'aéroport avec son chef. La situation devenait de plus en plus inextricable.
Et puis, un jour, arriva une autre lettre pour l'informer qu'elle avait été choisie pour être jurée. Cette fois, c'était sérieux. Elle avait presque oublié cette possibilité d'être juré, cela faisait six mois qu'elle avait reçu la première lettre. Il était spécifié qu'elle aurait à juger un homme, amoureux fou d'une femme. Qu'il avait tué le mari en espérant pouvoir s'enfuir avec elle. Cela lui parut un peu absurde. Mais elle verrait bien le moment venu.
Et le moment arriva qui fut pour elle un mélange étrange d'angoisse et d'excitation. Elle se mit en beauté comme jamais elle n'eut l'occasion. Elle voulait paraître une dame de bonne éducation. Elle était plutôt une belle femme mais qui s'ignorait. Souriante, avenante, elle plaisait à son entourage sauf à la maison. Elle avait osé s'acheter des dessous qui mettaient en valeur une poitrine attrayante. Cela aussi avait exacerbé la colère d'un mari qui l'avait traité de pute. Elle n'en tint pas
compte ce qui l'énerva encore plus et fut l'occasion de nouvelles menaces à l'encontre de son chef.
Elle se rendit au tribunal et fut surprise d'y voir son directeur. Il lui fit des compliments sur sa tenue, elle en fut troublée. Je suis ici comme témoin, lui dit-il.
Puis elle alla s'asseoir avec les autres jurés.
Elle avait été devant un cas qui lui sembla absurde. Comment un être humain peut-il croire que l'assassinat du mari devrait lui permettre de récupérer sa femme?
Lui était amoureux fou d'elle, mais s'était-il demandé si elle avait des sentiments qui la feraient basculer de son côté? L'amour rend aveugle, dit-on. C'était pour elle une preuve irréfutable. D'autant que maintenant, il se rendait compte qu'elle n'avait pas de vrais sentiments à son égard. Était-ce son argent qui l'avait intéressé ? Elle avait pensé à elle. Ça ne risquait pas de lui arriver. Et puis elle avait eu un doute. Non, s'était-elle dit, avec mes cinq enfants et mon statut de femme de ménage,
je suis protégée.
Mais les êtres humains ne sont-ils pas capables d'actes insensés lorsqu'il s'agit d'amour ? Est-ce que son directeur serait capable de cela?
Il lui plaisait bien son directeur. Elle avait le béguin pour lui. Il me plait bien, se disait-elle. Mais elle ne croyait pas qu'il fut amoureux d'elle.
Cependant, elle avait un doute. Il jouait sur ce registre, pensait-elle, mais elle se disait que tout cela était du cinéma. Tout comme cette femme a fait
du cinéma à ce pauvre bougre qui est là dans le box des accusés. C'est le dindon de la farce. Elle aimait bien cette expression que madame Louise lui avait apprise. Son mari aussi était un peu le dindon de la farce, mais c'était bien fait pour lui. Cela faisait des années qu'il ne bougeait pas d'un pouce pour changer la situation.
Et si son mari essayait de tuer son chef, se dit-elle? Quel drame ça serait puisqu'en plus il y aurait erreur sur le sujet.
Elle regarda l'accusé. C'était un bel homme, tout comme son directeur. Elle l'aurait bien fréquenté s'il n'avait pas commis cet acte absurde. Maintenant est-ce qu'elle fréquenterait encore son mari s'il venait à tuer son chef? Sûrement pas, ce serait l'occasion pour elle de refaire sa vie. Et lui, il se retrouverait seul, car cela fait déjà un moment qu'elle n'a plus envie de le voir. Alors, bonne occasion de tourner la page.
Elle n'avait pas aimé la déposition de cette femme, cette maitresse froide et calculatrice qui afficha du mépris face à cet homme encore éperdument amoureux d'elle. Cela pèsera lourdement dans leur jugement. Il avait commis surtout l'erreur de croire qu'un meurtre puisse résoudre une affaire sentimentale. Elle était plutôt pour le dialogue, la diplomatie. Mais peut-être que cette femme aussi pensait cela ? Elle eut n doute. C'était un grand candide, pour sûr. Elle aurait bien aimé voir de quoi avait l'air le mari tué. Est-ce que cette femme, qui était une très belle femme, vivait une relation semblable à la sienne? Son mari était peut-être un violent qui la maltraitait, c'est ce qu'elle avait laissé entendre. Elle le haïssait, mais alors pourquoi jouait-elle ce jeu avec ce pauvre amant? Elle crut comprendre qu'il ne s'intéressait plus aux femmes. Les hommes avaient sa préférence. Mais alors elle aurait dû être satisfaite de se trouver un homme pour vivre une relation qui la comble. Elle se dit qu'il devait ne pas la combler. C'était peut-être un cérébral, un intellectuel pour qui l'amour ne passait que par les mots. C'était la version de cette femme.
Il avait une certaine aisance financière à laquelle elle ne semblait pas indifférente. Elle pensa de nouveau à elle. Les crimes de coeur sont toujours des mélimélos difficiles à comprendre, car en dehors de la raison. Elle avait cru comprendre cela dans les débats entre les avocats.
Elle continuait à marcher sur la plage en repensant au bouleversement qui avait suivi ce moment de sa vie au tribunal. Son directeur qui avait appris sa nomination lorsqu'elle était venue lui demandait de pouvoir être libre pour être jurée et aussi d'être indemnisé pour les jours où elle serait au tribunal. Je suis content pour vous, lui avait-il dit. Comme il était témoin, il était venu au tribunal une fois ou deux.
Dans la salle, il lui avait fait signe et elle avait été émue surtout après les paroles aimables qu'il lui avait adressées avant l'audience. Et puis après le jugement, lorsqu'elle était revenue au travail, il avait voulu en savoir plus, mais elle lui fit savoir qu'elle ne pouvait pas lui en parler, la loi le lui interdisant. Même après les délibérations ? Même après. Elle lui parla du contexte de l'histoire, ce que tous les journaux avaient relaté. Comme il n'avait pas le temps à cela, elle accepta de lui raconter les grandes lignes de cette passion qui avait mal tourné. Et pour cela il l'invita au restaurant.
Et c'est alors qu'une relation commença à s'établir entre eux deux. Il était à peine plus âgé qu'elle, il avait dans la trentaine bien avancé. Et quelques jours plus tard, alors qu'elle était dans son bureau pour percevoir ses indemnités, ils entendirent un coup de feu. Un vigile qui se trouvait pas très loin était accouru pour constater que le chef du nettoyage avait été tué. Elle pensa tout de suite à son mari. Il avait très mal pris qu'elle soit rentrée très tard le jour où elle avait déjeuné avec son directeur. Elle avait été tétanisée sur le moment. Ils sortirent pour voir ce qui se passait et c'est alors qu'elle lui avait dit qu'elle pensait que ce fut son mari qui avait
commis l'irréparable. Lorsqu'ils arrivèrent sur les lieux, ils trouvèrent le mari de Fadila comme hébété de ce qu'il venait de commettre. Il n'avait même pas essayé de s'enfuir. La police était arrivée.
Elle lui expliqua ensuite qu'il avait plus d'une fois fait des menaces à l'encontre de son chef, croyant qu'elle avait une relation avec lui. Et, c'était vrai ? Absolument pas. Je trainais juste un peu en ville, car je n'avais plus envie de le voir. Plus tard je rentrais à la maison, mieux c'était pour moi. Quel idiot se dit-elle et puis, plus tard, elle prit conscience que...
Et maintenant, six mois plus tard, elle se retrouvait sur cette plage avec son directeur qui allait devenir son mari après avoir été son amant.
Et sa vie bascula du tout au tout. Elle n'était plus obligée de faire des ménages et elle pouvait s'occuper de ses enfants pleinement.
Elle se demanda encore si elle ne rêvait pas. Elle allait même pouvoir avoir un poste de secrétaire grâce à son mari et directeur. Mais elle voulait d'abord reprendre l'éducation de ses enfants en main.
Fadila, il se fait tard, nous devons rentrer. Le soleil se couchait et la lumière était douce dans la tiédeur de cette fin de printemps. Les enfants étaient heureux de faire trempette, elle ne les avait jamais vus ainsi.
Et elle, se sentant épanouie comme elle ne l'avait jamais été
depuis qu'elle avait retrouvé une vie sexuelle équilibrée et quelqu'un qui lui apportait de l'affection et de la reconnaissance.
Elle regarda son Michel et se dit: que la vie est bizarre!... Puis elle lui fit un bisou sur le bout du nez. Il la prit dans ses bras et la souleva de terre. Tu es plus belle que jamais.
Allez, on y va les enfants, en voiture.