Atelier d'écriture
18 janvier 2010 texte 11
Un titre:
Bof !
Un début de phrase: Il pleut, il va bientôt neiger et
l'hiver... puis:
Des phrases, annoncées toutes les dix minutes.
1. Que de temps perdu à essayer de comprendre le pourquoi de
la vie. Sa philosophie résida donc dans le plaisir des rencontres
et l'émerveillement d'une relation.
2. Un petit vent frais apporte toujours une idée toute neuve.
3. L'arrivée de Jacques changea tout de suite l'atmosphère.
4. Jules n'en pouvait plus. Il n'arrivait pas à reprendre son
souffle et il était loin d'être arrive au but, comment faire
pour tenir le coup.
5. Le pire, c'est que personne ne savait ce qui était arrivé.
6. Mais qui sont-ils? Ils marchent d'un pas énigmatique au
milieu de la foule et le restaurant dominait la ville illuminée.
Terminer par une strophe en vers alternés de 12 pieds et cette
phrase disant ceci: Que faire ? N'importe quoi, direz-vous? Et bien, essayez
!
_____________________________________
Bof !
Il pleut. Il va bientôt
neiger et l'hiver comme un leitmotiv va reprendre sa place dans le paysage
annuel. Le manteau de neige enveloppera paysages et gens. Certains en
profiterons pour se renfermer dans leur coquille alors que d'autres prendrons
prétexte à communier avec la nature dans ce silence
qui caractérise cette saison.
Saison de réflexion sur cette vie qui semble nous échapper,
voire mourir discrètement avant la renaissance des premiers bourgeons.
Et cela n'en finit pas de se répéter d'année en année
depuis la nuit des temps.
Angoisse puis espérance se succèdent.
Puis la roue tourne et voilà la cinquantaine qui approche.
Et toujours les mêmes questions qui reviennent. Avec comme réponse
finale un grand bof !... Que de temps perdu à essayer de comprendre
le pourquoi de la vie. Sa philosophie résida donc dans le plaisir
des rencontres et l'émerveillement d'une relation.
Malgré la froidure, il décida de sortir faire une marche
pour se changer les idées. Qui sait ce qui peut advenir ? Allait-il
garder ses habitudes ou bien changer de parcours ? Tout en enfilant son
manteau, il cogitait sur le chemin qu'il allait prendre. Il ouvrit la porte,
posa le pied sur le seuil et se dit qu'il serait bien qu'il se mette une
écharpe, vu la température. Et tout en prenant son écharpe
favorite, il se dit qu'un petit qu'un petit vent frais apporte toujours une
idée toute neuve.
Il s'en fut donc d'un pas alerte jusqu'au coin de l'avenue à
quelques centaines de mètres de sa maison. Il regarda à
droite puis à gauche, allaitil faire son choix à pile ou
face ? Il sentit qu'il tombait dans ses habituels travers. Devait-il aller
vers la mer à droite ou vers la montagne à gauche ?
Bof !... dit-il, je vais aller en face. Et il continua sur la rue,
traversant l'avenue pour se lancer à l'assaut du centre-ville.
Il marcha une bonne demi-heure. Plus il avançait et plus la
foule se faisait dense et envahissante. Certains jours, cela lui plaisait
mais aujourd'hui il sentit une certaine angoisse. Et puis à l'angle
du grand magasin Feminalia, il aperçu une connaissance qui vint vers
lui. L'arrivée de Jacques changea tout de suite l'atmosphère.
Cela faisait quelques temps qu'ils ne s'étaient pas vus. Devant l'air
angoissé de Roger, il lui proposa de marcher vers les hauteurs de
la ville pour respirer un meilleur air. Il accepta et c'est ainsi qu'ils
se retrouvèrent à parcourir les allées du grand parc
sur la montagne. Du haut du belvédère, ils pouvaient apercevoir
la ville se déployer sous leurs yeux. En contrebas, ils aperçurent
une de leur connaissance qui s'adonnait à son jogging. C'était
bien lui... Apparemment il avait des difficultés respiratoires importantes.
Arrivant à leur hauteur, il s'arrêta, interloqué
par cette rencontre. Jules n'en pouvait plus. Il n'arrivait pas à
reprendre son souffle et il était loin d'être arrive au but,
comment faire pour tenir le coup. Ils se saluèrent, échangèrent
quelques mots mais bien vite Jules voulu reprendre sa course, il avait
encore bien du chemin à faire leur dit-il. Jacques et Roger n'arrivèrent
pas à le convaincre de faire une pause. Il repartit bien vite.
Lorsque plus tard ils redescendirent vers le centre-ville, ils aperçurent
un attroupement au carrefour de l'hôpital et du boulevard de la
montagne. Ils s'approchèrent par curiosité et qu'elle ne
fut pas leur surprise de voir que c'était leur copain, Jules, qui
était l'objet de l'attroupement. Il était au sol entouré
par des infirmiers du service d'urgence de l'hôpital, à deux
pas de là. Comment cela était-il arrivé ? Un accident
respiratoire, pensèrent-ils ? Mais non, il se pourrait qu'il fut
renverser par une voiture ? Enfin personne n'était capable de connaître
la raison de la présence de Jules ici. C'était bien ça
le pire, c'est que personne ne savait ce qui était arrivé.
Finalement tout s'arrangea pour le mieux. Les soins apportés par le
personnel de l'hôpital firent merveille et ce brave Jules reprit ses
esprits sous le regard de ses deux copains.
Bof, se dirent-il ce n'est rien !
Cela fut l'occasion de retrouvailles. Ils se connaissaient depuis
le collège. Et ce soir ils ont décidé, profitant de
cet incident, de prendre le temps de se voir.
Jacques proposa de les inviter au restaurant sur la montagne puisque
c'est à deux pas d'ici, enfin presque, l'endroit le plus sympathique
du coin. D'accord. Il fit signe à un taxi qui s'arrêta. Arrivés
à destination, il y avait grand monde. Il devait y avoir un congrès
ou quelque chose de ce genre. Il se regardèrent. Mais qui sont-ils
? Ils marchent d'un pas énigmatique au milieu de la foule et le
restaurant dominait la ville illuminée. Ils retrouvèrent
leurs vieilles habitudes dès qu'ils eurent poussé la porte
du restaurant. Ce goût qu'ils avaient pour les jeux de mots qu'ils
pratiquèrent allègrement lorsqu'ils se retrouvèrent
à la Fac de Lettres.
A la fin du repas, le garçon apporta la note dans un coffret
de bois et cela fut l'occasion de se lancer dans un jeu à propos
du repas qu'il venait de terminer.
Et jules remarqua une strophe de quatre vers inscrite sur le coffret
qui disait ceci:
En ce lieu vous dégusterez d'habituelles nourritures que la
terre nous a données.
Que ces satisfactions calment les querelles ou doutes qui vous habitent
dans vos soirées.
Après cela, se dirent-ils, que faire ?
N'importe quoi, direz-vous ? Et bien essayer !
Bof, bof et encore bof..
Atelier d'écriture 1 mars 2010
texte 12
Le matin devant la glace
canevas de Gérard
C'est la première fois qu'il prend conscience
de la réalité de sa chambre en se regardant dans le miroir
de son lavabo. Il se rend compte qu'il n'a jamais, dans son regard, été
au-delà de son visage. Tout ce qui
était au-delà n'existait pas. Il est vrai qu'il ne vient
pas souvent ici depuis pas mal de temps. Sa vie est accaparée par
des centres d'intérêts qui l'éloignent de plus en plus
de ces quatre murs, des murs qui ne
renferment que des objets banals à part peut-être ce
flacon d'essence de fleurs de lavande auquel l'attache une relation affective
particulière. Et puis une atmosphère de solitude qu'il n'a
pas trop envie de voir.
Voir, voir !...
Ces yeux bleus dans ce regard clair, est-ce bien lui ?
Il a l'impression qu'il reste peu de chose de celui qui... de l'enfant
qu'il a été si ce n'est ces yeux bleus et cette franchise
qui lui ont causé bien des soucis. Entre son éducation et son
caractère entier, cela a été un
dur combat contre lui-même pour admettre qu'il devait changer
dans ses comportements sociaux s'il voulait survivre. Il en a perdu bien
des cheveux.. Ce que son crâne dégarni révèle.
Tu es bien trop idéaliste ne cessait de lui répéter
son meilleur ami qui cependant comprenait sa nécessité de
partager ses goûts de bon samaritain.
Alors bien sûr cela ne l'étonnait pas de voir de plus
en plus de rides apparaître sur son visage. Mais depuis quelques temps,
son changement de comportement social lui avait apporté du baume
au coeur.
Et quelle ne fut pas sa surprise de voir apparaître une nouvelle
ride, petite mais bien différente que celles qui s'étaient
développées sur son front. Ce genre de ride de soucis, d'angoisses,
d'anxiété dit-on!
Mais est-ce bien sûr ?
Toujours est-il que le petit sourire qui lui vint, révéla
cette ride au coin de la bouche. Mais pourquoi une seule ? Il devait peut-être
encore travailler son optimisme ?
Il se demande si sa renaissance n'a pas à voir avec son dernier
voyage en Grèce. C'est peut-être à Epidaure qu'il y
a eu le déclic. C'est un peu comme une renaissance pour lui. Et en
y pensant, son visage
s'éclaircit. Il croit retrouver son visage de l'enfance tel
qu'il peut se voir sur cette photo de famille ou il pourrait se prendre
pour Bouddha. Et si le secret, c'était de retrouver cette spontanéité
de l'enfance, cette candeur, cette force du nouveau-né. Il ne lirait
plus du Rimbaud pour ses amis mais plutôt des Aïkus à
la saveur printanière, à l'atmosphère irréelle
d'apparence. Mais d'apparence seulement. Pour le plaisir de mots comme un
air pur et léger.
Il se sentit soudain rajeunir de cinquante ans et il crût même
voir apparaître une seconde ride dans le coin de sa bouche.
Atelier d'écriture 8 mars 2010
texte 13
Histoire de Willy.
Je me demande ce qui m'a
pris de vouloir vivre dans un trou perdu. Je croyais être tranquille,
mais je découvre la mesquinerie, la petitesse des gens. C'est de
qu'il se dit après avoir reçu la visite de l'institutrice
venue l'informer des ragots qui se colportent à propos de sa belle-mère.
Que ce n'est pas sa belle-mère mais sa maîtresse!... Tu te
rends compte! Bien sûr que je me rends compte que ma vie ne
m'appartient plus. Mais il se demande si l'institutrice qui a presque
le même âge que sa « maîtresse » comme elle
dit, n'avait pas des désirs à son sujet. Vous devriez lui
écrire pour au moins savoir pourquoi elle est partie!... Je lui ai
répondu que cela ne servirait à rien d'écrire à
sa bellemère pour lui demander... lui demander quoi, d'ailleurs ?
Il n'a pas envie qu'elle revienne sa belle-mère après ce qui
s'est passé avec sa femme.
Et que s'est-il passé lui a demandé l'institutrice ?
Je ne peux vous le dire, c'est personnel. Intime, vous voulez dire ? Non,
personnel. Ce n'est pas loin d'intime, alors ? Si vous voulez l'entendre
comme ça, libre à vous. Il avait manqué de peu qu'il
la mette à la porte. De quoi se mêle-t-elle, sous prétexte
de vouloir m'aider. Tout en lui parlant, l'idée lui vint qu'il
pourrait peut-être, pour qu'elle parte, lui faire du grain. Mais
c'était risqué car si elle rentrait dans son jeu , cela
compliquera sa vie inutilement. Il avait assez de problème avec sa
belle-mère à laquelle il il ne pouvait d'ailleurs écrire,
n'ayant pas son adresse sinon celle où il savait qu'elle n'était
pas. C'est bien triste lui avait-elle dit tout en lui proposant de le revoir
pour avoir de ses nouvelles. Tiens donc!...
A peine avait-il été s'installé sur la terrasse
après ce départ de l'institutrice que la sonnette de la porte
se fit entendre. Il avait à peine bu une gorgée de sa bière
et sa surprise fut grande ou ouvrant la porte de
voir le Maire du village dans son encadrement. Il se dit immédiatement
qu'il devait y avoir un lien avec la visite de l'institutrice. Il ne se
trompait pas. Monsieur le Maire avait croisé l'institutrice et bien
sûr ce qui devait arriver, arriva. La disparition de sa belle-mère
avait été l'objet de leur discussion. Il l'invita à
prendre une bière avec lui, ce qu'il accepta.
- Vous comprenez, j'ai beaucoup d'estime pour votre belle-mère
et vous-même, cela ma chagrine de voir votre relation d'étioler.
Ma relation s'étioler se dit-il ? C'est intéressant.
Je sais ce qui se dit au village et cela m'inquiète. Je suis
habitué aux médisances de toutes sortes qui me viennent aux
oreilles mais vis-àvis de vous, cela me fait de la peine. N'ayez
crainte lui ais-je dis, ce n'ai
pas une fugue, ce n'est pas une disparition, ce n'est pas une dispute
entre nous. De vous à moi, je peux vous le dire, ce n'est qu'une
absence temporaire pour des raisons familiales.
C'est alors qu'il se demanda si le Maire savait que sa belle-mère
n'était pas sa belle-mère. Il n'avait pas l'air de le croire.
Il avait rencontré récemment son frère qui ne semblait
pas le porter dans son coeur.
- Vous comprenez, cela me gêne de vous le dire, mais je sais
que ce n'est pas votre belle-mère mais votre maîtresse.
- Si vous le dites, ça doit être vrai, lui ais-je répondu.
- Vous voulez dire par là que ce n'est pas vrai ?
Je ne répondis pas et le laissa avec son interrogation. Je
n'allais pas lui révéler que je n'avais jamais aimé
cette personne parce qu'il m'étais impossible d'aimer ma belle-mère
en même temps que sa fille.
C'est ce que je lui avais laisser entendre.
Il était parti dubitatif et moi satisfait.
- Je sens que vous avez encore des sentiments pour elle, cela va s'arranger,
j'en suis sûr.
Je le confortais dans ses sentiments et ainsi il me quitta. Mais cela
ne s'arrêta pas là. Le lendemain, j'appris que j'avais tué
ma belle-mère! Je n'en revenais pas. Mais ce qui m'étonna
le plus, furent les raisons invoquées.
Ce n'était pas ma belle-mère mais ma mère adoptive
et je l'aurais tuée pour hériter de son château !
J'ai toujours été frappé par la relation de cause
à effet qui existe entre ce que les gens vous disent et ce qu'il
sont. Leur argumentation est toujours le reflet de ce qu'il sont.
Mais ils ne s'en rendent pas compte. Ils vous prêtent des sentiments
qui découlent des leurs propres.
A vous, je peux l'avouer, je n'ai pas tué ma belle-mère,
qui n'est pas ma mère adoptive ni ma femme mais ma soeur de coeur
et qu'un accident de parcours a définitivement éloigné
de ma vie. La seule chose
que je sais, c'est qu'elle n'est plus à mes côtés
mais je ne sais pas où elle est partie, ni pourquoi.
Enfin c'est ce que je pense actuellement. Mais je ne peux pas leur
dire comme je vous le dis.
Atelier d'écriture 15 mars 2010
texte 14
Je ne me souviens plus...
Je ne me souviens plus de
ce que Marie-Madeleine disait au sujet de Jésus Sauveur.
Je me souviens qu'elle en parlait avec affection et tendresse.
Pourquoi ?
Sans doute parce que, pour elle, il était plus que Jésus
Sauveur.
Jésus avait pris le pas sur Sauveur.
Au fur et à mesure que le temps passait, pour Marie-Madeleine
de nombreuses questions se posaient mais ne recevaient pas de réponses.
Elle en était troublée. Car elle n'avait pas imaginé
que leur relation puisse prendre une telle importance, devienne le centre
de leur vie. Et de celui de leur entourage. Il n'y avait pas de la jalousie
mais plutôt de l'admiration pour ce qu'ils vivaient. Ce que l'un
et l'autre représentait ne pouvait qu'ajouter une dose d'incertitude
quant à leur devenir.
L'importance qu'avait pris Jésus aux yeux de son entourage
ne lui faisait pas ombrage sauf que pour quelques uns, elle restait la
fille de mauvaise vie. Mais il avait su remettre les pendules à l'heure.
Et les mauvaises langues s'étaient tues. Parfois, elle regrettait
le temps jadis ou sa vie n'était pas dans la lumière, quand
elle vivait dans l'ombre. Qu'elle n'était pas à côté
de cet homme hors du commun qui l'avait mis en lumière.
Quand, autrefois, elle regardait le ciel, elle n'y voyait que du bleu
le jour et des étoiles la nuit. Maintenant elle y voyait une dimension
de l'Univers qui l'intriguait, lui renvoyait des mots et des faits de Jésus.
Elle avait pris conscience que le monde est complexe et contradictoire.
Sa vie lui semblait simple auparavant même si ce n'était
pas rose tous les jours. Mais cela était de l'histoire ancienne.
Elle ne pouvait revenir en arrière. Mais pourquoi, d'ailleurs, revenir
en arrière ? Il lui semblait qu'elle s'engageait sur un chemin nouveau
où tout était à découvrir. Cela la rendait joyeuse.
Elle était rayonnante et Jésus l'aimait ainsi.
Marie-Madeleine, quelquefois, regardait l'évolution de leur
relation comme un don du Ciel, c'était le cas de le dire; d'autres
fois, elle se disait que cela ne pourrait continuer bien longtemps, sans
qu'elle sache dire pourquoi. Elle avait juste envie de vivre le moment présent
avec le maximum d'intensité pour le plaisir de vivre un moment d'exception.
Et ce d'autant plus que l'un d'entre eux avait laissé entendre
que cela ne durerai pas.
Mais qu'est-ce qui ne durerait pas ?
Elle mit cela sur le compte de la jalousie. Mais jalousie à
son égard ou à celui de Jésus ? Ça, elle ne
le savait pas encore. Mais avec le temps elle se dit qu'elle le saurait
un jour ou l'autre. D'ailleurs, Jésus venait de leur dire que quelqu'un
allait le trahir. Et ce quelqu'un, c'était soi celui qu'elle pensait
jaloux de la relation qu'elle entretenait avec Jésus, soi qui était
envieux de la position de Jésus au sein de leur communauté.
Il lui sembla qu'elle serait fixée d'ici quelques temps. Elle fut
tout étonnée d'être sereine malgré ces interrogations
qui la concernait d'une manière ou d'une autre. Mais aussi, elle se
rendit compte que cela l'excitait au plus haut point, elle se prenait au
jeu. Avait-elle un goût pour les intrigues, les enquêtes, les
jeux de pouvoir, elle qui ne s'intéressait qu'à sa petite vie
il n'y a pas si longtemps ?
Un jour, Jésus avait proposé à Marie-Madeleine
une promenade en barque sur le lac. Elle ne posa pas de question. Cela
lui plaisait bien de se retrouver en tête-à-tête avec
lui. Et puis cela lui rappellerai le temps où elle accompagnait son
père à la pêche. Elle avait découvert que le
regard que l'on a du lac à partir de la rive était une chose
mais que de découvrir son contraire était tout aussi agréable.
D'autant qu'ils avaient débarqué sur l'île qui se trouve
en face, et de là le panorama sur les montagnes et absolument époustouflant.
Les sommets enneigés qui se mirent dans l'eau du Titicaca, c'est
merveilleux.
Et peut-être qu'il lui parlerait de la Pachamama ?
Et bien non, il ne lui dit rien de sa chère Pachamama qu'elle
affectionnait particulièrement. Elle l'écouta sans rien dire.
Ils étaient assis côte à côte. Elle sentit qu'elle
le troublait, c'était la première fois qu'ils étaient
seul, vraiment seul et sûr de le rester. Cette île les protégeait.
Comme Jésus s'arrêta de parler, elle posa sa main sur
la sienne comme pour lui dire de continuer. En réalité, elle
voulait juste, à sa façon, lui témoigner son affection.
Il posa à son tour son autre main sur la sienne.
Cela fit ressortir de lointains souvenirs. Et c'était encore
à propos de la Pachamama. Ce fut la première fois que son
père lui parla d'elle en lui prenant la main entre les siennes.
C'est alors qu'elle ne put s'empêcher de la Terre-mère et
qu'elle fut pas sa surprise de le voir écouter avec une grande attention,
comme si pour une fois, les rôles étaient inversés.
Elle se leva comme pour s'élancer vers le rivage et se retourna
vers lui, puis voulant lui adresser de nouveau la parole, il lui sembla
entendre la voix de son père lui dire:
Qui parle ne sait pas, qui sait ne parle pas.
Elle revint vers lui sans mot dire et lui tendit la main comme pour
lui dire: allons!
A la recherche du temps...
L'heure c'est
l'heure. Dès qu'il ouvre l'œil, Amédé jette un regard
vers l'horloge sur la commode. Il n'est plus très jeune Amédé.
Il va vers ses quatre vingt dix neuf ans. Les premiers rayons d'un soleil
de printemps qui est pas mal entamé
éclairent d'une douce lumière la pénombre de sa chambre.
Sa vue est encore bonne pour son âge et les chiffres de l'horloge
sont assez gros pour qu'il puisse les lire de son lit. Il sait bien que cette
vieille horloge ne fonctionne plus depuis belles lurettes mais c'est plus
fort que lui, son regard va invariablement vers le cadran dès son
réveil. Huit heures, c'est l'heure se dit-il. Les aiguilles sont
bloquées là et le temps s'est arrêté à cette
heure-ci un certain jour qui est
resté dans la mémoire d'Amédé comme une marque
indélébile. Impossible de l'effacer, le veut-il d'ailleurs?
Et il en sera ainsi jusqu'à la fin, du matin au soir.
Mais pour Amédé,
l'heure s'est arrêtée il y a bien longtemps. Dès sa
petite enfance semble-t-il. Il n'en parle jamais mais je sais par l'une
de ses tantes que lorsqu'il devait avoir six ou sept ans, il a commencé
à regarder le carillon de la salle à manger avec une obsession,
une manie étrange, après le départ de sa mère,
un matin vers huit heures et qu'elle ne devait plus revenir sous le toit
de la maison. Il y eut une nouvelle maman mais malgré cela, il continua
à se planter devant le carillon tous les matins à huit heures
comme si le temps pouvait revenir en arrière, que l'histoire puisse
se réécrire. Il avait essayé de la réécrire
mais en vain.
Ce soir comme à son habitude,
Amédé se dirige lentement vers le guéridon du salon
et se plante devant. Lentement, il prend un cadre qui est dessus et le serre
contre lui. Une larme coule sur sa joue qu'il n'essuie pas, alors qu'il
se retourne après avoir posé le cadre le guéridon.
Pourquoi, pourquoi, se dit-il
en allant s'asseoir sur le canapé du salon comme chaque soir. Il
ferme les yeux et revoit cette image qui le hante depuis son enfance. Alors
qu'il rentre de l'école plus tôt que prévu car son maître
était absent pour des raisons personnelles, à l'instant où
il pénétra dans la cour de la maison, il sentit une odeur
de brûlé. Cela venait du jardin derrière l'appentis.
Il avait alors une dizaine d'année. Il n'y avait personne dans la
maison. Il appela mais
n'eut pas de réponse. Il revint vers la cour et aperçu au-dessus
du toit une fumée venant du jardin. Il s'y aventura doucement et qu'elle
ne fut pas sa stupeur de voir sa belle-mère brûlant des objets
et effets de sa mère. Il hurla comme un fou «pourquoi»
et s'enfuit en courant se réfugier dans sa chambre.
Ce soir, comme d'habitude, je
vais m'asseoir sur le pas de la porte, scrutant le bout du chemin avec l'espoir
de la voir revenir, car il n'est pas possible qu'elle m'ait abandonné.
Ces sûr qu'elle va revenir et à ce moment là, l'horloge
repartira. Le temps s'écoulera de nouveau.
Alors qu'il était réfugié
dans sa chambre, il entendit que son père se disputait avec sa belle-mère.
Ce devait être à propos de ce feu, mais il n'en était
pas sûr car les mots lui venaient par bribes. Il les entendit s'éloigner
car les voix se firent plus lointaines. Il osa sortir de sa chambre doucement
et jeta un œil vers le salon, personne; vers la salle commune, personne.
Ils devaient donc être sortis de la maison. Il entendit leur voix dans
le jardin et une fumée noire s'élevait dans le ciel. Il alla
se cacher dans l'appentis et attendit. Il les vit revenir vers la maison.
Alors, il s'aventura dans le jardin pour voir ce qui s'était passé.
Le feu était éteint. Son père avait dû l'éteindre
avec quelques seaux d'eau. Il fit le tour du tas d'objets à moitié
brûlés et aperçu dans le bas du tas une photo intact.
Il alla la chercher et la serra contre sa poitrine. Une intense émotion
l'envahit alors. Il ne put retenir ses larmes.
Pourquoi, pourquoi, se dit-il
encore et encore. Puis il rentra à la maison, ayant glissé
sa photo sous la chemise, comme si de rien n'était. Ils ne le virent
même pas, car continuant à discuter dans leur chambre. Une fois
dans sa chambre, il
la rangea précautionneusement dans une enveloppe de son bureau. Le
temps était comme arrêté.
Mais c'est certain pour lui,
bientôt il pourra faire redémarrer son horloge. Il le sent.
D'ailleurs, tout à l'heure il lui a semblé que les aiguilles
avaient légèrement bougé. C'était un signe
pour lui qu'il y allait y avoir bientôt un changement et que sa vie
allait repartir. Plus il y pensait, plus il en était certain. Il
allait enfin revivre pour l'éternité.
Il sentit à cette instant
ses yeux se brouiller. Il eut une larme et son cœur s'arrêta de battre.
Son attente prenait fin pour de bon.
C'est alors
que l'horloge du temps se remis en marche. Une main mystérieuse avait
remonter le mécanisme. L'espoir fait vivre mais n'empêche
pas de mourir.
Il se rendit compte que la mort
n'était qu'un passage dans un autre état d'être, un
retour dans le grand magma de l'univers. Un cycle nouveau commençait.
Il sentit la présence de sa mère à ses côtés.
Elle aussi n'était pas morte définitivement.
Si seulement il avait pu comprendre cela avant, sa vie en aurait été
toute différente, pleine de joie et d'espérance. Qu'il n'y
avait pas de début ni de fin et cela l'aurait rendu optimiste. Et
qu'il n'aurait pas perdu sa vie à
attendre ce qui était là. Il suffisait d'être éveillé.
4 octobre 2010 - texte 22
Elle marche dans la rue.
C'est une chaude
journée d'été. Un été caniculaire. Très
chaud donc. En ce début d'après-midi, c'est être inconscient
que de marcher sous ce soleil de plomb. Et pourtant, il y a une silhouette
qui s'avance tranquillement dans mon champ de vision et cela m'étonne.
Pour ma part, je suis à l'ombre d'un chêne séculaire,
ombre qui m'est salutaire, que j'apprécie. Le banc sur lequel je
suis assis est en métal perforé et cela est des plus agréable
par cette chaleur. C'est drôle de la voir s'avancer comme si elle
flottait. Est-ce la chaleur qui me donne cette illusion? J'ai l'impression
qu'elle ne touche pas le sol.
C'est une jeune femme dans une robe évanescente. Une sorte de mousseline
qui participe de ce phénomène d'évanescence. Elle est
brune avec de longs cheveux et de grandes lunettes de soleil. Elle semble
se dire: personne ne m'aime, personne
me regarde. Étonnant, non ?...
En ce début d'après-midi, c'est être inconscient que
de marcher sous ce soleil de plomb doit se dire cette grand-mère
qui regarde la rue de sa fenêtre, le regard fixé sur la jeune
femme qui s'avance tranquillement dans sa robe évanescente. Elle
ne m'a pas vu jusqu'à maintenant? Je suis dans l'ombre du chêne
qui doit m'occulter de sa vue. Elle semble s'amuser de voir cette jeune femme
déambuler sous ce soleil de plomb. Soudain, j'ai comme l'impression
qu'elle se prend pour la jeune femme. Elle s'est levée et marche dans
la pièce en imitant le pas évanescent de la jeune femme. Elle
semble avoir rajeuni de
cinquante ans. À cet instant, un homme dans la quarantaine arrive
à hauteur de mon banc. Il s'arrête et me regarde tout en ayant
un œil au loin vers la jeune fille qui semble faire du sur place. Puis il
aperçoit la vieille dame qui tourne en rond comme pour faire du surplace.
Il y a du mimétisme dans l'air me dis-je !... Comme il me voit les
regarder à tout de rôle, il me demande si je pense que la jeune
femme pourrait être une actrice de cinéma. Quelle question,
ça alors !
Vous chercher une actrice, que je lui demande, un peu estomaqué.
Pas vraiment, mais puisque vous me le demandez, je m'interroge. Ce serait
plutôt une secrétaire, mais ce pourrait être une secrétaire
actrice de cinéma, ça peut avoir des avantages, n'est-ce pas
? Si vous le dites, pourquoi pas.
Alice sort du « Pays des Merveilles », la boutique
de bric-à-brac du coin au moment où la jeune fille arrive
à sa hauteur. Elle marche côte à côte un moment.
Puis elle s'arrête à la vue de l'homme de quarante ans et
quelques … qu'elle aperçoit. Elle est interrogative tout comme l'homme
dans la quarantaine qui croit rêver en voyant brusquement deux jeunes
femmes identiques marchant côte à côte. Mais elle,
c'est parce qu'elle croit reconnaître une vieille connaissance. La
jeune femme finit par arriver à la hauteur du banc puis de le dépasser
en nous ignorant superbement. Alice a comme pris sa place. Elle avance lentement
sous le choc de l'interrogation qui hante son esprit. Est-ce lui ou n'est-ce
pas lui ? La vieille dame qui a dû s'absenter un instant, ne comprend
pas ce qu'elle voit. Elle met ses lunettes et je suppose qu'elle s'interroge
sur les deux silhouettes qu'elle voit alors. Que se passe-t-il dans sa tête
? Elle disparaît puis revient. Il n'y a plus qu'Alice à cet
instant. Pour elle, tout
est redevenu normal. Mais pour nous, c'est plus compliqué, car
notre champ de vision est plus vaste.
D'ailleurs, j'aperçois toujours la jeune femme évanescente
qui s'éloigne de nous, mais approche du boulevard au bout de la rue
où un homme est employé à des travaux de voirie pour
la ville. Je le vois qui s'arrête soudain dans son ouvrage lorsqu'il
prend conscience de la jeune femme évanescente. Elle passe à
sa hauteur puis tourne à gauche sur le boulevard. Il la suit du regard
et rien qu'à voir l'œil grivois du personnage, je me dis qu'il se
raconte bien des histoires, des histoires d'homme que provoque cette silhouette
affriolante sous la canicule de l'été. Il doit l'imaginer en
bikini, marchant sur la plage, elle vient vers lui. Il n'en revient pas.
Mais il prend soudain conscience que ces signes ne s'adressent pas à
lui mais à quelqu'un, là-bas tout là-bas. Un homme qu'elle
vient de retrouver sur le boulevard où lui s'échine à
creuser dans la
terre dure comme de la roche sous un soleil de plomb. Un rêve passe,
se dit-il, certainement. Nous aussi.
La jeune femme évanescente a changé de trottoir avec l'homme
pour revenir vers le carrefour. Ils ont changé d'avis semble-t-il,
car ils courent en tenant un enfant par les mains. C'est un jeune garçon.
Ils le font sauter en l'air par
à-coup et cela semble l'amuser. Arrivant au carrefour, ils s'arrêtent
brusquement et le petit les embrasse l'un et l'autre plusieurs fois puis,
au feu rouge, traverse l'artère pour revenir vers les deux hommes
sous le chêne. Il salue en passant l'ouvrier qui semble encore dans
ses pensées, puis fait un pied de nez à nos deux hommes sous
le chêne qui le lui rendent bien. Ils en rient ensemble. Puis il traverse
la rue et se dirige tout droit vers la fenêtre de la
grand-mère. Qui semble l'attendre. Je les vois manger un gâteau
ensemble.
L'homme dans la quarantaine est parti à ses affaires et moi je continue
ma sieste à l'ombre sur le banc.
La jeune femme évanescente a continué de marcher, seule,
l'homme est parti de son côté. Elle s'est arrêtée
soudain pour s'asseoir à la terrasse du premier café venu.
Mais pour elle, ce n'est pas le premier café venu, c'est son café
où
elle retrouve Aldo, son serveur préféré qui a le talent
pour lui remonter le moral. Elle l'aime bien, Aldo. Mais aujourd'hui elle
lui fait la tête. Il n'en revient pas. Alors, il s'assoit à
côté d'elle et la regarde dans les yeux.
Que se passe-t-il ? Tu n'a pas l'air dans ton assiette !
Et de lui lâcher tout de go: personne ne m'aime, personne
me regarde.
Et moi alors, je ne compte pas !... Je te regarde, hein !... Et je t'aime
bien aussi.
Oui, mais toi, tu n'es pas personne, tu es Aldo.
Et tu voudrais qu'il y ait des milliers d'Aldo, c'est ça ?
C'est ça même. Et à la télé, il n'y a
pas un seul Aldo qui m'intéresse. Tu es l'unique.
Il se leva et elle s'évapora dans l'air chaud de l'été.
C'est alors à cet instant que j'arrivais à sa hauteur et le
voyant quelque peu éberlué, je lui demandais ce qui lui était
arrivé. Il ne me répondit point. Il me fit seulement un signe
pour me dire qu'il se demandait ce qui lui arrivait. Il avait la tête
dans un air de jeune femme évanescente, me sembla-t-il.
Je continuais alors
mon chemin, dubitatif. Avais-je rêvé ? La vie n'est-elle qu'un
rêve éveillé ? Je vais finir par le croire.
Atelier d'écriture 11 octobre 2010 texte 23
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