Alice est née
le jour de Noël
Pauvre Alice ! Onze ans ! Elle est malheureuse car elle ne peut pas
inviter ses amis le jour de son anniversaire ! C’est pourtant chouette
ces réjouissances auxquelles les enfants ont droit ce jour là ! C’est autre
chose que de fêter Noël en famille avec les grands parents les oncles et
tantes même s’il y a quelques cousins ! Le jour de l’anniversaire, les parents
organisent une sauterie pour vous ! Ils accrochent des ballons partout
pour montrer le chemin aux convives. Ils ont fait des gâteaux et acheté
des petits cadeaux mais c’est chaque invité qui se fait un devoir d’apporter
une bêtise qui ne sert à rien, qui n’a aucune valeur mais qui, bien enveloppée,
crée un instant de surprise au moment de la découverte. Quel gâchis sans
doute ! Mais c’est une coutume, un rituel que chacun respecte par crainte
de se voir montré du doigt, exclu peut être du cercle des amis du groupe.
Alice sort de chez elle ; elle s’est fait une raison
et décide d’aller chercher l’aventure, la fête rien que pour elle, dans
la rue tout simplement.
Un hasard ! Ce vieux voisin,
grincheux - mais n'est-ce pas la maladie des personnes âgées ? - tout ratatiné avec sa canne, il est là, il fait son tour. Sorti quelques instants plus tôt, il a pris quelques
mètres d’avance.
"Bonne aubaine
! cette rencontre me changera des formalités habituelles de Noël", se
dit elle.
Alice arrive à sa hauteur et emboite son pas lent. Elle lui jette
un regard amusé mais ne dit rien.
Un silence
inquiétant s'installe.
Va-t- il réagir
d’un ton bourru, comme il en a l’habitude ? L’inviter à passer son chemin
? D'ordinaire,
il ne supporte pas qu’on le dérange.
Non, curieusement le vieil homme
fait semblant de ne pas la voir et aux rares personnes qu’il croise :
« Pardon Monsieur quelle heure est il ? Madame vous avez l’heure
? Dites jeune homme, vous avez une montre ? Pouvez vous me dire quelle
heure il est ? »
Visiblement il cherche à se donner une contenance par cette drôle
d’habitude de demander l’heure à chaque passant.
Alors Alice s’enhardit : « Monsieur ! Je ne vous gêne pas ? Je
cherchais une compagnie pour fêter mon anniversaire ! »
« Tu vois quelqu’un d’autre sur ce trottoir ? Je sais bien que c’est
Noël mais pas que c’est ton anniversaire et puisque tu ne dis rien je
parle à ma solitude, je sais au moins l’heure qu’il est » lui répond il
de sa manière habituelle.
Puis il se radoucit
: « Mais Alice ! merci d'être avec
moi ; je n'avais vu personne aujourd'hui.
Je cherchais un moyen d’attirer ton attention pour que tu restes quelques
instants à côté de moi, « nous avons tous besoin d’une minute d’éternité ».
Je te souhaite un bon anniversaire et le cadeau que je te propose c’est
celui que tu me donnes : le plaisir de partager un moment avec toi »
Alice est stupéfaite, heureuse, elle a l’impression d’avoir réussi
sa fête, de s’être fait un compagnon, un vrai.
"Mais au
fait ! Vous, Monsieur, comment
vous appelez vous ?"
« Je m’appelle Ernest... Ernest
Popinot »