Je ne me souviens
plus de ce que Suzon disait au sujet de la ferme de ses parents.
Je me souviens qu’elle en parlait en disant qu’elle était hantée !…
Pourquoi ? Sans doute parce que son mari et les agences n’arrivaient pas
à la vendre ?
Toujours est il que c’était une belle propriété et que même avec des fantômes,
nous aurions bien aimé l’habiter. Hélas sa mise à prix valait une fortune
!
A proximité d’un bois elle dominait une petite vallée au fond duquel coulait
une rivière. Pas de voisins immédiats, les revenants pouvaient s’en donner
à cœur joie.
Au fur et à mesure que le temps passait, les bâtiments se dégradaient.
Il aurait fallu refaire le toit et puis réparer l’adduction d’eau ainsi
que les écoulements….
De nombreuses pièces recevaient la visite des petits animaux de la forêt
qui pour être gentils n’en laissaient pas moins leur carte de visite et
faisaient quelques dégâts.
Les volets battaient quand il y avait du vent et des chouettes habitaient
le grenier. Quand la nuit arrivait c’était des vols incessants de chauve
souris qui traversaient la grange sans jamais se rencontrer ou se heurter
aux obstacles.
Suzon était très satisfaite intérieurement car elle n’avait pas imaginé
que cette maison où elle avait vécue toute son enfance pouvait être souillée
par des étrangers. Il n’y avait pas de possibilités de l’entretenir ou de
faire quelques travaux, elle s’arrangeait toujours pour décourager les initiatives.
Un jour ce ne fut pas un acheteur éventuel ou un promoteur qui se présenta
mais plutôt un envoyé de la mairie qui se proposait d’en faire un centre
de vacances pour des enfants. Il y eu un déclic.
Elle regrettait le temps jadis ! Elle revoyait les parties de signaux interminables
avec ses cousins en vacances.
Quand autrefois elle regardait le ciel égayé de leurs cerf volants ; elle
rêvait de s’envoler et de conduire l’un deux, le plus grand, qui lui aurait
permis d’aller jusqu’en Angleterre.
Pourquoi vouloir s’acharner et s’accrocher à ces rêves ? Rien ne reviendrait
plus comme avant et il vaudrait mieux qu’un tremblement de terre détruise
tout Ce serait une bonne façon de garder les souvenirs dans l’état…
Suzon quelque fois regardait la rivière telle qu’elle l’imaginait D’autre
fois, elle avait juste envie de retourner jouer avec les cailloux pour construire
un barrage comme ceux qu’elle réalisait jadis avec son meilleur compagnon
d’enfance.
Ce quelqu’un c’était Paul un aventurier qui avait des tas d’idées extraordinaires.
Avec lui, ils avaient construits une piscine, enfin un bassin où ils pouvaient
s’y mouiller les pieds…
Un jour Paul avait proposé à Suzon de l’emmener à la chasse. Aussitôt elle
avait couru chercher son filet croyant qu’il s’agissait de papillons… et
bien non Paul avait repéré un endroit en lisière du bois où il pourrait
approcher des lapins. Il avait construit un arc avec un bâton tendu d’une
ficelle et avec ce matériel il était persuadé atteindre sa proie. Suzon
un peu déçue aurait préféré les papillons et trouva une bonne raison pour
le laisser partir chasser seul.
En réalité elle voulait juste obtenir de Paul qu’il fasse un peu attention
à elle. Celui-ci hésita et après être rentré bredouille plusieurs fois,
il se décida enfin à ressortir son vieux vélo pour s’élancer sur les
routes avec Suzon en amazone sur le cadre. Que c’était bon pour lui, de
parcourir la campagne et de perdre la tête, le nez dans les cheveux de Suzon
tout en s’essoufflant à la première petite cote ! Ils se marièrent mais
bien plus tard !