En vélo
Moi, sur mon vélo, j’avais neuf ans, je suis parti
un jour avec Grand père, près de la petite rivière qui coule le long du
château.
Après quelques kilomètres j’ai demandé à m’arrêter car j’étais fatigué.
Tandis que je me reposais Grand père est parti dénicher deux planches et
a entrepris de monter un petit moulin. Deux piquets fourchus qu’il a plantés
au milieu du courant soutenaient une tige horizontale fendue en son milieu.
Il a inséré, en X, les morceaux de planche sur cet axe en le posant à la
bonne hauteur afin qu’il y ait en permanence une extrémité de la planche
qui trempait dans l’eau. Et, oh merveille, l’ensemble tournait entrainé par
le courant !
Je n’avais plus goût à remonter sur mon vélo et Grand père, de bonne
composition s’est mis en tête de m’apprendre à pêcher.
Un bambou coupé dans le parc voisin fit office de canne à pêche mais
comment monter une ligne, un flotteur et un hameçon suffisamment fonctionnels
pour piéger les poissons ?
Moi sur mon vélo je pédale vite pour oublier la fatigue.
Il a fallu revenir à la maison. Je ne pouvais pas demander à Grand père
de s’arrêter toutes les deux minutes alors je me suis mis en tête de le
dépasser et de prendre la tête de l’équipée. Lui gardait son allure et ne
tardait pas à me rejoindre. Mais quelle galère et il n’était plus question
de moulin ou d’apprendre à pêcher !
Faire du vélo et dépasser Grand père, c’est merveilleux ! La fatigue
n’existe plus ! J’ai l’impression d’avoir des ailes et que le monde entier
me regarde comme si j’étais le leader du Tour de France.
Moi, sur mon vélo, je pars au bout du monde pour échapper à la colère.
Celle de mon père ou la mienne, je ne sais pas au juste.
J’ai décidé de partir, de partir en vélo, en vélo au bout du monde et
me voilà en route.
La goutte d’eau, d’essence plus précisément, qui a fait déborder le
vase ou le briquet, a été décisive. Il n’aurait pas du, mon père ; il n’aurait
pas du me dévaloriser de cette façon ; je n’en pouvais plus. Une histoire
de briquet, une aide de ma part alors qu’il aurait bien pu se débrouiller
seul même avec un bras accidenté. Je lui ai rendu ce service mais ce sera
la dernière fois. Oui j’avais renversé un peu d’essence sur le briquet et
j’ai mis le feu trop tôt mais lui, plutôt que de me plaindre de m’être brulé
il m’a chassé en criant « quel veau ! mais quel veau ! ». Ce sont des détails
mais ajoutés les uns aux autres, je ne supportais plus. Alors je suis parti
et je vais à l’aventure, au bout du monde pour me changer les idées.
Je n’aime pas faire du sport, c’est trop fatigant mais peu importe,
quand ce sera trop dur, je penserai à Grand père, je rêverai au moulin
sur la rivière et je tenterai de pêcher.
Moi, sur mon vélo, j’ai fixé une petite sacoche derrière la selle et
dedans j’y ai placé une ligne, bien équipée d’un flotteur et d’un hameçon.
De cette façon, je suis certain que lorsque je serai au bout du monde, je
pourrai, à coup sûr, pêcher comme Grand père a voulu m’apprendre.
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Consignes :
Un petit garçon raconte :
Un bon souvenir, un moyen, un mauvais, en insérant des phrases tirées
au sort.
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